Le Festival des Vieilles Charrues repart pour trente ans de musique
Directeur du festival de musique Les Vieilles Charrues, Jérôme Tréhorel pose à Carhaix-Plouguer, dans l’ouest de la France, le 2 juillet 2025. ©Fred TANNEAU / AFP

À Carhaix, le festival des Vieilles Charrues entame sa 33e édition malgré des tensions récentes avec la mairie. L’événement mise désormais sur des infrastructures durables pour sécuriser son avenir.

L’édition 2025 des Vieilles Charrues, qui débute jeudi à Carhaix (Finistère), a failli ne pas survivre aux relations tendues entre les organisateurs et le maire. La tempête passée, le festival veut investir dans des installations durables pour préparer «les trente prochaines années».

Alanis Morissette, Damiano David, Damso ou Zaho de Sagazan seront quelques-unes des têtes d’affiche de cette 33ᵉ édition, aux côtés des Sex Pistols ou de Macklemore.

Il ne faudra cependant pas compter sur la présence du maire de Carhaix Christian Troadec (divers gauche). Car le tonitruant élu va, pour la deuxième année de suite, sécher le traditionnel «tirer de charrue», qui marque l’ouverture de la manifestation.

«On fait tout ce qu’il y a à faire pour que le festival se déroule bien. Mais après, faut pas nous en demander trop non plus», déclare-t-il à l’AFP, en assurant ne pas vouloir polémiquer avec un événement qu’il a participé à créer.

«C’était un festival militant pour la langue bretonne, pour l’identité bretonne. On n’est plus dans le même projet, c’est comme ça, c’est la vie», lâche-t-il.

Né en 1992 autour de quelques centaines d’amis, l’événement breton accueille aujourd’hui, pendant quatre jours, 70 000 spectateurs par jour sur 120 hectares de prairies. Il figure parmi les plus grands rassemblements de ce type en Europe (avec un record de 346 000 entrées en 2023).

Malgré ce succès indéniable, les relations entre le maire et le festival oscillent entre guerre froide et haine tranquille. Au printemps 2024, la tension est tellement montée que l’association organisatrice avait menacé d’annuler le festival l’année suivante.

Une perspective sombre pour ce Centre-Bretagne vieillissant, qui bénéficie des retombées économiques de la manifestation, estimées en 2019 à 18,5 millions d’euros (131 euros par festivalier), dont 5 millions pour le seul territoire du Poher (11 communes).

«Signaux au vert»

Une série de réunions de médiation, organisées avec le préfet et les présidents de la région et du département, a finalement fait retomber la pression. Aujourd’hui, «les signaux sont au vert, on est sur le bon chemin», espère Jérôme Tréhorel, directeur du festival.

«Tout le monde sait où est Carhaix grâce aux Vieilles Charrues. C’est une vraie fierté pour les habitants d’avoir un étendard comme ça», plaide-t-il.

Le festival travaille désormais avec la mairie à l’installation de réseaux pérennes (eau, électricité, fibre) sur le site, pour gagner en coût de transport et en temps de montage.

«Le but du jeu c’est de construire le festival pour les 30 prochaines années», explique M. Tréhorel, qui aimerait disposer d’un site pré-équipé où tout serait montable et démontable en quelques semaines.

Car il faut six semaines actuellement pour équiper ce festival. Et, depuis le Covid, «on a pris 30 % d’augmentation sur le coût de production», souligne-t-il.

Les seuls coûts de programmation ont triplé depuis 2010, passant de 1,7 à 5,5 millions d’euros «pour le même nombre d’artistes», ajoute le directeur.

Déficit d’un million d’euros

Couplé à une fréquentation moindre (250 000 spectateurs), cette inflation a engendré en 2024 un trou d’un million d’euros sur un budget de 21 millions. Un déficit que le festival ne compte toutefois pas combler en augmentant ses tarifs (56 euros par jour), parmi les moins chers de France.

«L’objectif, c’est d’avoir une programmation qui fait toujours rêver les gens, mais un prix de billet accessible et décent», assure M. Tréhorel, qui fustige les tarifs astronomiques de certains concerts et festivals.

«Il y a des artistes à qui on a dit non parce qu’ils étaient trop chers. On n’a pas à se substituer aux baisses des ventes de disques», râle M. Tréhorel. «Avec des cachets très hauts et un public qui a moins d’argent, les festivals vont tomber un par un», craint-il.

Pour y échapper, les Vieilles Charrues veulent investir pour accueillir des «concerts-événements» à 20 000 spectateurs, en dehors des dates du festival.

«L’idée, c’est de réussir collectivement à créer le parc événementiel de Bretagne», esquisse M. Tréhorel.

Par Antoine AGASSE / AFP

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