Nouvelle escalade de la violence à Soueïda: la Syrie confrontée aux tensions communautaires
Cette photo diffusée par l'agence de presse officielle syrienne SANA montre l'armée et les forces de sécurité syriennes se déployant à Soueïda, dans le sud de la Syrie, le 14 juillet 2025. ©SANA / AFP

La province syrienne de Soueïda, majoritairement druze, est de nouveau en proie à de violentes tensions communautaires en ce mois de juillet. Des affrontements opposant des membres de tribus bédouines à des combattants druzes ont fait, depuis dimanche, au moins 89 morts, selon un dernier bilan établi par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), ainsi que des centaines de blessés, dont plusieurs enfants dans un état critique.

Il s’agit des premiers affrontements meurtriers entre ces deux communautés dans la région depuis les violences d’avril et mai derniers, qui avaient opposé les forces de sécurité syriennes à des factions druzes et fait plusieurs dizaines de morts.

Déclencheurs des violences

La flambée de violence actuelle aurait été déclenchée par une vague d’enlèvements, notamment le rapt d’un marchand druze vendredi dernier sur la route reliant Damas à Soueïda.

Cet enlèvement aurait attisé de vieilles rancœurs entre clans druzes et tribus bédouines, aboutissant à des affrontements armés dans le quartier d’Al-Makous, à l’est de la ville de Soueïda. Des échanges de tirs nourris ont eu lieu tout au long du week-end, forçant la fermeture de l’axe routier Damas-Soueïda.

Parallèlement, les forces de sécurité de la nouvelle autorité syrienne ont lancé plusieurs opérations de pénétration dans l’ouest de la province dans le but de briser les lignes d’affrontement et de rétablir le contrôle territorial.

Selon une source anonyme proche du dossier, de grands renforts militaires envoyés depuis la province voisine de Deraa par les ministères de la Défense et de l’Intérieur sont entrés lundi matin dans Soueïda pour tenter de séparer les belligérants.

Ces forces auraient toutefois été prises pour cible par des tirs de roquettes dès leur entrée dans la province, provoquant des pertes humaines, des blessés et la destruction d’un blindé. «Malgré cela, les troupes poursuivent leur avancée vers la ville, tandis que les combattants druzes se replient vers les zones urbaines», précise-t-on de même source.

Réactions officielles et positions locales

Face à l’escalade, les autorités ont ordonné une intervention conjointe pour «rétablir l’ordre, sécuriser la province et désarmer les groupes armés non étatiques».

Toujours selon même la source, le pouvoir central aurait pris la décision politique et militaire de désarmer toutes les factions armées locales, qu’elles soient druzes ou bédouines, affirmant que «désormais, aucun fusil ne sera toléré en dehors des mains de l’État».

Des renforts de l’armée et de la police ont été vus progressant depuis la localité de Soura, première ville druze sur la route de Damas, en direction de Soueïda.

Dans ce climat de grande tension, le principal groupe armé druze Harakat Rijal al-Karama (Mouvement des hommes de la dignité), a dénoncé l'attitude du pouvoir. Dans une déclaration à la chaîne Al-Hadath, le mouvement a affirmé que «le gouvernement n’a pas respecté les ententes conclues il y a plusieurs mois» et exigé le retrait immédiat de l’armée de Soueïda. Il a également dénoncé le déploiement des troupes sans coordination avec les forces locales.

Appels à la désescalade

Les combats ont entraîné une mobilisation générale parmi les druzes de la province, et de nombreux appels à la retenue et au cessez-le-feu ont été lancés par des figures communautaires.

Un conseil de notables et de dignitaires druzes s’est réuni au domicile du cheikh Hammoud al-Hannawi, chef spirituel de la communauté, à Sahwat al-Balat (sud de la province). L’un de ses proches a indiqué à l’agence allemande DPA que l’objectif était de «préserver les vies civiles et d’enclencher un processus de désescalade».

Depuis Beyrouth, le leader druze Walid Joumblatt a appelé lundi au rétablissement «de la sécurité et de la concorde à Soueïda, par une solution politique placée sous l’égide de l’autorité syrienne avec laquelle nous restons en contact». Il a également rejeté toute forme d’ingérence extérieure, y compris israélienne, dans la gestion de la crise.

Antécédents et continuités

Les tensions actuelles s’inscrivent dans un climat de défiance prolongée envers Damas. Depuis la chute du régime Assad en décembre 2024, la région a vu ressurgir des tensions ethno-confessionnelles, mais aussi des frictions entre les autorités de transition et les communautés locales.

En avril dernier, des affrontements avaient éclaté entre des groupes druzes et les forces de sécurité, dans le contexte de manifestations antigouvernementales. Ces violences avaient fait plusieurs dizaines de morts.

Des ententes avaient été conclues pour désamorcer la crise, dont l’intégration partielle de combattants druzes dans les structures sécuritaires officielles, mais selon Rijal al-Karama, ces engagements sont restés lettre morte.

À la différence des heurts du printemps, essentiellement dirigés contre l’État, les violences de juillet prennent un tour communautaire, opposant directement druzes et bédouins.

 

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