
À Châteauneuf-du-Faou, un musée flambant neuf expose la plus grande collection au monde consacrée à Paul Sérusier. L’artiste nabi, compagnon de route de Gauguin, y est honoré dans la ville même où il avait choisi de vivre.
Tout juste ouvert, le petit musée de Châteauneuf-du-Faou, en Bretagne, dans l’ouest de la France, dévoile pour la première fois au public la plus grande collection au monde d’œuvres du peintre postimpressionniste Paul Sérusier, un trésor patiemment constitué par près de 50 ans d’acquisitions.
Dans ce bourg de 3 700 habitants, le musée flambant neuf, abrité dans deux maisons rénovées et une extension contemporaine, a attiré 1 000 visiteurs dès sa première semaine d’ouverture, fin juin.
«On avait estimé la fréquentation à 15 000 visiteurs par an», précise Anne Le Duigou, responsable des collections, qui craint déjà de manquer de catalogues.
Il faut dire qu’avec 200 œuvres au total, dont 120 exposées, auxquelles s’ajoutent 30 prêts, le petit musée héberge «la plus grosse collection au monde d’œuvres de Paul et Marguerite Sérusier», souligne-t-elle.
Une collection amassée depuis les années 1970 par les maires successifs de Châteauneuf-du-Faou, où le peintre parisien avait établi ses quartiers d’été en 1894, après un passage par Pont-Aven, célèbre pour son «école», réunion de peintres attirés par ce coin de Bretagne à la fin du XIXᵉ siècle, où il avait rencontré Paul Gauguin et Émile Bernard.
«Attiré par la beauté des lieux, les paysages, il aimait la solitude pour se concentrer sur ses théories, sur son art», explique Mme Le Duigou.
Figure du mouvement nabi, Paul Sérusier s’est fait construire une maison en 1906 sur les hauts de Châteauneuf et y a résidé, avec sa femme Marguerite, jusqu’à la fin de sa vie en 1927. Marguerite, quant à elle, y est morte en 1950.
Voulant acquérir une œuvre du peintre représentant un paysage local, la municipalité a contacté en 1978 la légataire des Sérusier, qui fait don à la commune de La foire à Châteauneuf-du-Faou, une huile sur toile de 1903.
La collection s’est ensuite étoffée au fil des années, jusqu’à devenir conséquente. En particulier avec le legs, en 2017, d’une quarantaine d’œuvres de la famille Yvinec, propriétaire de l’hôtel Bellevue, où Sérusier a séjourné.
Dans le bureau du maire
Accrochées pour certaines aux murs du bureau du maire, les peintures se retrouvaient à l’étroit dans cette petite pièce aux rares visiteurs. Imaginée dès 2010, la création d’un musée est entérinée en 2020 par l’équipe du maire Tugdual Braban, 39 ans.
«On voit ce musée comme la première pierre de la revitalisation du centre-ville», explique ce dernier à propos du nouveau bâtiment, qui jouxte un snack-bar fermé de longue date.
À l’intérieur, la scénographie est soignée et les couleurs (chaudes en bas, froides en haut) inspirées des principes chromatiques théorisés par Paul Sérusier.
«Certaines œuvres, inconnues du public, n’ont jamais été exposées», remarque Mme Le Duigou.
Ainsi, la discrète Bretonne dans une chapelle, un des rares tableaux de Sérusier d’avant sa rencontre avec Gauguin, trône en début de parcours. Puis se succèdent des salles consacrées à la confrérie des Nabis ou au japonisme et aux arts décoratifs.
Au premier étage, natures mortes et paysages peints par Marguerite sont exposés aux côtés d’objets (canne, sacs, gants, palettes) ayant appartenu au couple, tandis que des décors et fanions peints par Paul côtoient son impressionnant Autoportrait à la barbe rutilante (1908).
L’exposition s’achève sur les formes géométriques flottant dans l’espace de l’étonnant Tétraèdres (prêt du musée d’Orsay de Paris), peint en 1910 par un Sérusier qui se disait ironiquement «père du cubisme».
«C’est un artiste charnière», confirme Mme Le Duigou.
Après le musée, le parcours se poursuit par une promenade pédestre à travers les rues de Châteauneuf, à la découverte des décors peints par Paul dans l’église et des paysages qui ont inspiré les époux Sérusier.
«Les gens sont au rendez-vous. Les retours sont très positifs», se réjouit le maire, qui pense désormais à un projet de route des peintres avec les musées de la région.
Avec AFP
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