
Les forces politiques de Nouvelle-Calédonie, favorables ou opposées à l'indépendance de cet archipel français du Pacifique sud, ont signé samedi un accord actant un «État de Nouvelle-Calédonie» au sein de la République, après des décennies d'un difficile processus de décolonisation et des émeutes meurtrières en 2024.
Ce projet d'accord sur l'avenir institutionnel du territoire, scellé au terme de dix jours de discussions à huis clos près de Paris, prévoit également une nouvelle nationalité calédonienne et un transfert progressif de certaines compétences régaliennes.
«Un État de Nouvelle-Calédonie dans la République: c'est le pari de la confiance», s'est réjoui sur X le président français Emmanuel Macron en saluant un accord «historique».
En recevant plus tard à l'Élysée les signataires, le chef de l'État a estimé qu'«après deux accords et trois référendums, la Nouvelle-Calédonie, par ce que vous avez signé, ouvre une nouvelle page de son avenir dans un lien serein avec la France».
Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a lui souligné un «compromis intelligent» qui maintient un lien entre Paris et la capitale calédonienne Nouméa, mais avec «davantage de souveraineté pour la Calédonie».
«Rien n'est gagné», a cependant prévenu le ministre, appelant à «convaincre» les habitants de l'archipel. Le projet d'accord, signé par M. Valls et les 18 délégués représentant les forces politiques du Congrès de Nouvelle-Calédonie, doit encore être entériné sur place par les mandants des différentes délégations.
Au printemps 2024, l'archipel surnommé «le Caillou» avait connu plusieurs semaines d'émeutes, qui avaient fait 14 morts et plus de deux milliards d'euros de dégâts. Elles avaient été déclenchées par un projet d'élargissement du corps électoral au scrutin provincial calédonien, contesté par les indépendantistes qui accusaient l'exécutif français de vouloir minorer la population autochtone kanak.
L'archipel, français depuis 1853, avait connu de fortes tensions dans les années 1980, avec le boycott en 1984 des élections territoriales par les indépendantistes et surtout la prise d'otages et l'assaut de la grotte d'Ouvéa en mai 1988, au cours desquels 19 militants kanaks et six militaires français avaient été tués.
Les mouvements politiques locaux favorables au maintien de l'archipel dans la France se sont félicités dans un communiqué d'«un accord historique» permettant «d'instaurer une nouvelle ère de stabilité», et qui permettra «la réouverture du corps électoral à de nombreux Calédoniens».
Selon une source loyaliste (non-indépendantiste), le corps électoral local sera ouvert aux personnes résidant en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans à partir des élections provinciales de 2031.
«Volonté souveraine»
Pour les non-indépendantistes, l'accord «respecte la volonté souveraine exprimée par les Calédoniens» lors des trois référendums organisés en 2018, 2020 et 2021, qui se sont tous soldés par un «oui» au maintien en France, et inclut des «concessions», avec «la transformation de la collectivité de Nouvelle-Calédonie en État intégré dans l'ensemble national».
L'archipel, peuplé de près de 300.000 habitants, conservera «un statut dans la France, avec des Calédoniens qui restent Français», a souligné le député non indépendantiste Nicolas Metzdorf dans une réaction transmise à l'AFP.
La France compte douze territoires ultramarins, issus de la colonisation, situés dans les océans Atlantique, Indien, Pacifique et Antarctique.
«Plus aucun référendum (n'est) en vue si ce n'est celui qui sera organisé pour valider cet accord», a-t-il ajouté, appelant désormais à la relance économique.
Intitulé le «pari de la confiance», le projet d'accord, transmis à l'AFP, acte la création d'une nationalité calédonienne, les habitants répondant aux critères de citoyenneté de l'archipel bénéficiant de la double nationalité française et calédonienne.
Un «État de la Nouvelle-Calédonie» inscrit dans la Constitution de la République française sera créé, qui pourra être reconnu par la communauté internationale. Cela ne signifie pas que la Nouvelle-Calédonie disposera d'un siège à l'ONU. Paris accompagnera l'archipel dans le renforcement de ses capacités dans les domaines régaliens, précise le texte.
L'accord aborde l'économie avec un «pacte de refondation économique et financière» qui prévoit notamment un «plan stratégique» pour le nickel, ressource-clé du territoire.
Il prévoit la relance d'une activité de transformation du nickel dans la province Nord – majoritairement peuplée de Kanaks – où l'usine de nickel a fermé l'an dernier, mettant 1.300 salariés au chômage.
Les deux chambres du Parlement français doivent être réunies en Congrès à Versailles, près de Paris, au cours du dernier trimestre pour «constitutionnaliser» l'accord, avant un référendum local visant à le faire approuver par les Calédoniens en février 2026.
Des élections provinciales, cruciales sur l'archipel car d'elles découlent la composition du Congrès et du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, devraient suivre en mai-juin 2026.
Selon le constitutionnaliste Benjamin Morel, le futur «État de Nouvelle-Calédonie» se rapproche d'une «indépendance-association» inédite. Selon cet expert, interrogé par l'AFP, «on passe d'un statut qui était un statut d'une colonie classique à un statut qui est un statut plus de protectorat».
Par Thibault MARCHAND / AFP
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