Affaire Grégory: la France relance l'un de ses plus grands mystères criminels
Cette photo d’archives, non datée, montre le petit Grégory Villemin, âgé de quatre ans, retrouvé mort le 16 octobre 1984, les mains et les pieds liés, dans la Vologne, dans l’est de la France. ©Photo transmise par la famille / AFP

Quarante et un ans après un crime qui a bouleversé la France, l’affaire Grégory refait surface. Les années ont passé, les visages ont vieilli, mais la plaie reste ouverte. À Dijon, la justice relance les soupçons autour de Jacqueline Jacob, grand-tante du petit garçon, déjà mise en cause par le passé.

Plus de quarante ans après le drame, l’affaire Grégory Villemin revient une fois encore sur le devant de la scène judiciaire. Ce vendredi 24 octobre à Dijon, la grand-tante du petit garçon, Jacqueline Jacob, 81 ans, a été mise en examen pour association de malfaiteurs, soupçonnée d’avoir été l’un des «corbeaux» qui ont menacé la famille Villemin pendant des années. Elle a été laissée libre à l’issue de son audition.

Les juges estiment disposer d’éléments suffisants, fondés sur de nouvelles analyses dites stylométriques, capables de comparer les tournures de phrases et les fautes d’orthographe. Ces expertises attribueraient à Jacqueline Jacob plusieurs lettres anonymes, dont celle datée du 16 octobre 1984, jour du meurtre de l’enfant. Dans ce courrier, envoyé aux parents de Grégory, on pouvait lire: «J’espère que tu mourras de chagrin, le chef. Voilà ma vengeance, pauvre con.»

Les avocats dénoncent une «erreur» de plus

Pour la défense, cette mise en examen est une erreur de plus dans une affaire qui en compte déjà beaucoup. En effet, Me Stéphane Giuranna et Me Alexandre Bouthier dénoncent une procédure sans fondement et une méthode d’analyse «gadget».

«La justice n’apprend pas de ses erreurs», a résumé Me Bouthier, rappelant que Jacqueline Jacob avait déjà été emprisonnée quatre jours en 2017, avant que la procédure ne soit annulée pour vice de forme. Selon les avocats, le juge d’instruction lui-même aurait reconnu qu’il «n’avait pas le choix». Jacqueline Jacob ressort cette fois «sans contrôle judiciaire ni contrainte», un signe, selon sa défense, que le dossier reste fragile. L’un de ses avocats a d’ailleurs souligné qu’une expertise vocale précédente attribuait la voix du corbeau à un homme âgé de 45 à 55 ans, et non à une femme.

Un crime resté sans coupable

Le 16 octobre 1984, le corps du petit Grégory, quatre ans, est retrouvé pieds et poings liés dans la Vologne, une rivière des Vosges. Quelques heures avant, un appel anonyme revendiquait le crime. Le lendemain, une lettre du corbeau arrive chez les parents. Ce meurtre, commis dans un climat de rancunes familiales, plonge la France dans la stupeur.

Les enquêteurs soupçonnent d’abord Bernard Laroche, cousin du père de l’enfant, avant qu’il ne soit libéré. Convaincu de sa culpabilité, Jean-Marie Villemin l’abat en mars 1985 et sera condamné quelques années plus tard à cinq ans de prison, dont un avec sursis. Peu après, Christine Villemin, la mère de Grégory, est inculpée à son tour, désignée par certains experts comme possible corbeau. Elle sera finalement innocentée en 1993.

Les décennies de rebondissements

Depuis, les juges et les experts se sont succédé. Cinq campagnes d’analyses ADN, des expertises vocales, et depuis peu la stylométrie. En 2017, Marcel et Jacqueline Jacob, grand-oncle et grand-tante du petit garçon, avaient déjà été mis en examen pour «enlèvement et séquestration suivie de mort», avant que tout soit annulé l’année suivante. En 2024, la cour d’appel de Dijon a ordonné de nouvelles expertises ADN et vocales, la sixième série d’analyses depuis 2000. Cette année, les juges affirment qu’il y aurait eu cinq corbeaux au total, dont Jacqueline Jacob ferait partie. Son beau-frère aurait même déclaré en 2022 avoir «reconnu sa voix» dans un enregistrement datant du début des années 80. Mais aucune preuve formelle n’existe à ce jour.

Un dossier sans fin

L’affaire Grégory reste une blessure ouverte. Elle est décrite comme une histoire de jalousie, de rancune et de drame familial qui s’est transformée en feuilleton judiciaire et médiatique. Les parents, Jean-Marie et Christine Villemin, vivent toujours dans l’Est de la France, loin des caméras, mais restent marqués à vie. Quarante et un ans plus tard, la vérité n’a jamais paru aussi proche, ni aussi insaisissable. À chaque progrès scientifique, l’espoir renaît, puis retombe. Et la France se souvient, encore et toujours, de ce petit garçon au visage d’ange retrouvé dans la Vologne, symbole d’une justice en quête d’elle-même.

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