Lorsque le Hezb s’attache au climat de guerre permanente
©Ici Beyrouth

Dans le sillage de l’une des guerres lancées, sans horizon, par le Hezbollah ces dernières années, un dirigeant de la formation pro-iranienne avait prononcé un discours dans lequel il avait classé les Libanais en quatre catégories: «les plus nobles», en l’occurrence les membres et les partisans de son parti, qui «luttent contre l’occupation»; ceux qui «collaborent avec l’ennemi»; les Libanais qui se désintéressent de ce qui se passe autour d’eux; et enfin ceux (cerise sur le gâteau…) dont «le seul souci est de se promener le dimanche en famille»! Cette dernière catégorie avait été également stigmatisée bien plus tard par le député Mohammed Raad, président du bloc parlementaire du Hezbollah, qui avait dénoncé, sur un ton dédaigneux et méprisant, les Libanais qui «fréquentent les centres balnéaires, les restaurants, les lieux de loisirs et les boîtes de nuit»…

Ces deux jugements que les ténors du parti pro-iranien se sont permis de porter sur les Libanais illustrent l’une des (nombreuses) dimensions de la crise existentielle actuelle et ils résument en peu de mots le profond clivage vertical, socio-politico-culturel, auquel est confronté, aujourd’hui plus que jamais, le pays du Cèdre… Un clivage qui se manifeste par le gouffre qui sépare sur la scène libanaise deux visions foncièrement divergentes de la vie, des fondements de la société, du rôle et de la place de l’individu dans son environnement proche ou lointain.   

Oui, une très large faction de Libanais – l’écrasante majorité – aspire effectivement à une vie… normale, paisible, qui lui assurerait bien-être et prospérité, tout en s’engageant peut-être, au besoin, dans la défense de causes nobles, mais sur des bases rationnelles, pragmatiques, réalistes et bien réfléchies. En face, les cadres et les partisans du Hezbollah s’obstinent à vouloir constamment évoluer dans un climat de guerre permanente, à tenir de manière continue un discours belliqueux et haineux, à s’engager dans des combats stériles, à s’abreuver de harangues populistes qui ne mènent nulle part et qui ne font qu’entretenir une illusion de «résistance». La teneur du dernier discours de cheikh Naïm Kassem, dimanche 6 juillet, est à cet égard particulièrement significative.  

Ces tenants de la ligne khomeyniste se refusent à admettre que ce n’est pas en adoptant des postures idéologiques d’un autre âge qu’il est possible aujourd’hui de se confronter aux bombardiers furtifs B-2 ou aux F-22 et aux F-35, réputés pour leur haut degré de technologie (la plus avancée au monde). Les va-t-en-guerre de Téhéran et les jusqu’au-boutistes de la lutte contre le monde occidental ont sans doute tardé à évaluer la véritable portée de l’usage intensif et de la maîtrise de l’intelligence artificielle dans le nouvel art de la guerre… Ils ont misé aveuglément, massivement, et de manière stérile, sur leurs proxys dans certains pays arabes, oubliant que la gesticulation milicienne ne saurait faire le poids face aux forces armées les plus puissantes à l’échelle internationale.

Dès sa conquête du pouvoir, en 1979, la République islamique iranienne s’est posée en porte-étendard de la lutte pour la cause palestinienne. Mais il ne s’agissait là pour les mollahs que d’un simple slogan ayant pour seule fonction la mobilisation des masses au service d’un projet expansionniste et hégémonique étendu à l’ensemble du Moyen-Orient. L’Iran a suivi sur ce plan l’exemple des pays arabes dits de «confrontation» qui, en 75 ans de conflit avec l’État hébreu, n’ont jamais rien entrepris de sérieux pour se doter véritablement des moyens de leur «politique» (médiatiquement) anti-israélienne, proclamée haut et fort pour les seuls besoins de la consommation interne.    

Ce que le directoire du Hezbollah et, d’une manière générale, l’aile radicale du régime des mollahs ne veulent pas admettre et comprendre c’est que depuis plus d’un demi-siècle, soit le début des années 70, les Libanais ont suffisamment enduré du fait des «guerres des autres sur leur territoire» et des retombées du problème palestinien, comme l’avait d’ailleurs relevé le président Joseph Aoun lui-même en recevant la délégation officielle iranienne présente aux obsèques de Hassan Nasrallah.   

Oui, au grand dam du député Mohammed Raad et des autres dirigeants du Hezbollah, l’écrasante majorité des Libanais désire effectivement vivre une vie normale et bénéficier d’un bien-être amplement mérité, après 75 ans de politique mensongère et plus d’un demi-siècle d’épreuves subies sous le poids des visées hégémoniques, répressives et meurtrières de puissances régionales sans foi ni loi.       

 

 

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