La justice algérienne statuera sur l’appel de Boualem Sansal
Cette photo d’archive prise le 4 septembre 2015 à Paris montre l’écrivain algérien Boualem Sansal. ©Joël SAGET / AFP

Un tribunal algérien doit rendre aujourd’hui son verdict concernant la demande du procureur de doubler la peine de prison de Boualem Sansal, écrivain franco-algérien de 80 ans, incarcéré pour des propos controversés sur les frontières issues de la colonisation. Cette affaire a exacerbé les tensions diplomatiques entre l’Algérie et la France et suscité une vive attention internationale sur la liberté d’expression dans la région.

Un tribunal algérien doit rendre mardi un verdict sur la demande du parquet de doubler la peine de prison d’un auteur binationale dont la condamnation a tendu les relations avec la France.
Boualem Sansal, 80 ans, avait d’abord été condamné à cinq ans de prison le 27 mars pour des propos jugés attentatoires à l’intégrité territoriale de l’Algérie, tenus lors d’une interview donnée à un média français.
Le procureur général a fait appel le mois dernier, réclamant une peine de dix ans de prison.
Figure primée de la littérature francophone moderne en Afrique du Nord, Sansal est connu pour sa critique des autorités algériennes ainsi que des islamistes.
L’affaire remonte à ses déclarations au média d’extrême droite Frontières, où il affirmait que la France avait transféré injustement des territoires marocains à l’Algérie durant la période coloniale (1830-1962), une affirmation que l’Algérie considère comme une remise en cause de sa souveraineté, en phase avec les revendications territoriales historiques du Maroc.
Sansal a été arrêté en novembre 2024 à son arrivée à l’aéroport d’Alger. Le 27 mars, un tribunal de Dar El Beida l’a condamné à cinq ans de prison et à une amende de 500 000 dinars algériens (3 730 dollars).
S’exprimant le 24 juin devant la cour sans avocat, Sansal a déclaré que son procès «n’a pas de sens» car «la Constitution algérienne garantit la liberté d’expression et de conscience».
Il a défendu ses propos en citant la déclaration de l’Union africaine après les indépendances, qui stipule que les frontières coloniales doivent rester inviolables.
Interrogé sur son œuvre, il a demandé: «Est-ce un procès sur la littérature? Où allons-nous?»

Rupture diplomatique

Sa famille craint que la prison ne mette en danger sa santé, lui qui suit un traitement pour un cancer de la prostate.
Le président français Emmanuel Macron a demandé à son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune de faire preuve de «clémence et d’humanité» envers Sansal.
Les autorités algériennes assurent que la procédure est respectée.
La condamnation de l’écrivain a encore compliqué des relations déjà tendues entre la France et l’Algérie, notamment sur des sujets comme la migration et la récente reconnaissance par Macron de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, territoire contesté soutenu par le Front Polisario et l’Algérie.
Le mois dernier, l’Assemblée nationale française a adopté une résolution demandant la libération immédiate de Sansal et conditionnant la coopération future entre l’UE et l’Algérie au respect des droits humains.
Si cette affaire est devenue un symbole en France, elle divise en Algérie, où le passé pro-israélien de Sansal lui a aliéné une large partie d’une population majoritairement favorable à la cause palestinienne.
Sansal est accusé notamment de «porter atteinte à l’unité nationale», «d’insulter les institutions de l’État», «de nuire à l’économie nationale» et «de posséder des médias et publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays».
Ses filles Nawel et Sabeha ont confié en mai à l’AFP ressentir «un sentiment d’impuissance totale» face à l’emprisonnement de leur père «simplement pour avoir exprimé une opinion».
Certains proches espèrent une grâce à l’occasion du 5 juillet, date du 63e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie.
«Ça suffit. Les autorités algériennes doivent comprendre que la France protège ses citoyens», a déclaré mardi Noelle Lenoir, présidente du comité de soutien à Sansal.
«Nous sommes consternés par l’attitude du gouvernement algérien, qui n’y gagne rien, ni au niveau européen ni dans ses relations avec la France.»

Avec AFP

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