Polo: la chevauchée fantastique de Jad Achour à Warwick
Jad Achour, en pleine action lors des SUPA, mène son équipe de Warwick vers l’or. ©jad.achour

Huit mois en selle, une médaille d’or au cou: le Liban tient son premier champion universitaire de polo en Grande-Bretagne. Entre passion fulgurante, message identitaire et rêve d’avenir, récit d’un parcours hors norme. Jad Achour s’est confié en exclusivité à Ici Beyrouth.

C’est une première dans l’histoire du sport libanais, et elle a le goût raffiné du champagne sabré au bord d’un terrain de polo anglais. À peine huit mois après avoir appris à monter à cheval, Jad Achour, jeune Libanais plein de fougue, a mené son équipe de l’université de Warwick à la médaille d’or lors du prestigieux tournoi SUPA Summer Nationals 2025. Un sacre éclatant, obtenu dans une discipline élitiste et méconnue au pays du Cèdre: le polo.

Une ascension éclair au galop

Aligné avec l’équipe B2 de Warwick, Achour a pris part aux joutes face à des écuries redoutables telles que Durham, Cardiff et Nottingham. Résultat: trois victoires nettes, une domination sans appel et un titre national universitaire décroché avec panache. Tandis que d’autres formations de Warwick trébuchaient dans le système à élimination directe, la B2 a galopé droit vers la gloire. Une ligne droite vers l’histoire.

«Le polo sur gazon, c’est une autre dimension: terrain plus grand, jeu plus rapide, tactique plus fine. Nous n’avions qu’un mois pour nous préparer, en pleine période d’examens. Mais mon équipe était incroyable. On s’est soutenus, on a testé des stratégies et notre coach, Grant Collett, nous a encadrés à la perfection», raconte-t-il. Et d’ajouter, encore marqué par l’émotion du moment: «Quand on a soulevé le trophée, c’était surréaliste. Mais savoir que j’étais le premier Libanais à remporter l’or aux SUPA Nationals, ça, c’était inoubliable.»

Un Libanais là où on ne l’attendait pas

Le polo, souvent perçu comme le sport des rois et des gentlemen en bottes de cuir, ne figure ni sur les terrains poussiéreux de Beyrouth, ni dans les pages sportives locales. Et c’est précisément ce qui rend l’exploit de Jad Achour aussi retentissant: en un temps record, ce cavalier débutant est devenu un meneur de jeu, un stratège à cheval et un ambassadeur inattendu du Liban dans une arène internationale aussi exigeante que confidentielle.

Né à Beyrouth, rêveur à cheval

Né et élevé à Beyrouth, élève du Collège protestant français avant de poursuivre ses études secondaires au lycée Pascal, à Paris, Jad a fini par poser ses valises au Royaume-Uni. « Ma famille est originaire de Chaqra, dans le Sud. Cette racine méridionale, je la porte avec fierté. Peu importe où je vais, le Liban est toujours avec moi. C’est ce que je suis.» 

Aujourd’hui, il vient de terminer sa première année en Business Management à l’université de Warwick: «Ce que j’aime ici, c’est qu’on t’encourage à sortir du cadre académique, à tenter des choses. Je fais du tennis, du golf, du tir, du MMA… Mais le polo, ça a été un déclic.»

Le polo libanais a un nom: Achour

Le déclic, justement, s’est produit lors d’une soirée au mythique Polo de Paris, alors qu’il était encore lycéen. «Ce n’était pas un match, mais une soirée de rallye dans un cadre incroyable. Il y avait là un mélange de raffinement, d’énergie, de chevaux et de tension... Je suis reparti en me disant: un jour, je devrai essayer ce sport.»

C’est chose faite dès son arrivée à Warwick. «Je n’étais jamais monté à cheval. Je me suis inscrit au premier cours pour débutants, sans peur. Et dès la première séance, j’ai su que c’était pour moi.» Il s’entraîne chaque semaine, rejoint la Riding Society, progresse vite. Très vite. «Le plus dur, c’était l’équitation. Tenir au galop, garder l’équilibre, frapper en restant en contrôle… J’ai dû tout construire à partir de zéro. Mais je n’ai jamais eu peur du cheval, et ça m’a aidé à progresser vite.»

Son ascension est telle qu’il participe au Winter Nationals dès ses débuts et termine deuxième. «Ça m’a donné confiance. Aux Summer Nationals, j’étais prêt.»

Son équipe? Un concentré de diversité: «Nous étions un Français, un Iranien, un Chinois, un Indien, un Anglais et moi, libanais. Une vraie mosaïque. Et c’est ce mélange qui nous a rendus plus forts.»

Et avant chaque match, un rituel inattendu: «Je récite une petite prière, puis j’écoute Ella elle l’a de France Gall. Ça me calme… et ça marche à chaque fois.»

À ceux qui pensent que le polo reste inaccessible ou marginal, Jad Achour vient de répondre avec une crosse, une monture et une médaille. Le jeune Libanais incarne une promesse: celle d’un sport qui, même loin des projecteurs locaux, peut faire vibrer l’orgueil national au rythme des sabots.

Un polo pour demain

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. «Je veux continuer à jouer, dans différentes divisions. Et même après mes études – j’espère faire carrière dans la finance à Londres –, le polo restera dans ma vie. Ce n’est pas juste un sport. C’est une façon de penser, de vivre.»

Et s’il se projette déjà dans l’avenir, c’est aussi au Liban qu’il pense: «Mon rêve, c’est d’ouvrir un club de polo au Liban. Un lieu où l’on pourra venir découvrir le sport, même sans être jamais monté à cheval. Ce serait un espace de culture, de détente, de sport, accessible à tous. Une destination, pas juste un terrain.»

Son message aux lecteurs d’Ici Beyrouth? Il le livre avec la force tranquille de ceux qui n’ont plus rien à prouver:

«Le Liban n’est pas un pays de limites. Nous ne sommes pas définis par la crise. Nous sommes un peuple de talent, de créativité, de force. Peu importe où vous êtes, représentez-nous avec fierté. Rêvez grand. Ne laissez personne définir votre plafond.» Le message est passé, à cheval comme dans les cœurs.

 

 

 

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