La guerre de Troie n’aura pas lieu 
©Ici Beyrouth

La fameuse pièce de théâtre de Jean Giraudoux (1935) aurait pu inspirer les diplomaties occidentales. Elle aurait aussi pu susciter des démarches diplomatiques de nature à préempter les actes terroristes qui ont enclenché les dynamiques guerrières qui se sont emparées du Moyen-Orient depuis les attaques du 7 octobre 2023. Depuis, rien n’a été fait en vue de contenir la débâcle sécuritaire, hormis des prêches moralisants et pseudo-pacifistes et sans aucune portée concrète. Ceci est d’autant plus scandaleux que cette politique attentiste ne fait que reproduire un héritage lourd d’hésitations, de velléités et un état d’aboulie injustifié qui a fait capoter les chances d'intermédiation. 

Les accusations unilatérales à l'endroit d’Israël dissimulaient les relents antisémites des gauches occidentales, en occultant les desseins hautement affichés du Hamas, moyennant la politique des boucliers humains et de la victimisation délibérée des civils palestiniens. Les conjectures autour des plans de transfert étant évoquées afin de justifier la criminalité délibérée du Hamas et pour mieux se désengager, alors qu'une offensive diplomatique s'impose en vue de négocier l'arrêt de la guerre, la reddition inconditionnelle du Hamas, la libération du reste des otages et la gouvernance du district. 

L’actuelle trajectoire guerrière n’est que l’aboutissement des politiques de retraite et de désinvestissement qui ont prévalu depuis l’échec des accords d’Oslo, celui du printemps arabe et des négociations sur le nucléaire, et de l’entrée fracassante du régime iranien par la voie de la stratégie des «plateformes intégrées» et de ses effets destructeurs. D’où la prolifération des entreprises belliqueuses et des replis sécuritaires.

 Le 7 octobre 2023 n’en était que la culmination et le début d’une contre-dynamique israélienne qui devait bouleverser toute la scène géostratégique et mettre fin aux politiques de subversion qui opéraient indistinctement dans une aire géopolitique en éclats. La destruction des «plateformes opérationnelles intégrées» a mis fin à la stratégie de déstabilisation et de sabotage du régime iranien sur l’ensemble du Moyen-Orient. Il s’agit en fait de la dernière phase qui devrait mettre fin à cette ère de déstabilisation et à ses marqueurs idéologiques et géostratégiques. 

Le discrédit des islamismes de tout acabit, des mouvances palestiniennes radicales et des schémas idéologiques panarabe et panislamiste laisse la place à des scénarios hypothétiques de négociation entre des États, où les enjeux de souveraineté, de gestion du pluralisme, de gouvernance économique et de réformes sociales et écologiques tiennent le haut du pavé. La politique de subversion israélienne a redéfini de fond en comble la donne stratégique moyen-orientale, dévoilé la fraude idéologique et mis fin aux peurs infondées dont se nourrissaient les guerres régionales et leurs incidences sur la scène régionale et internationale. 

L’attaque de l’Iran relève de la gageure tout en s’inscrivant dans un continuum inauguré par la politique de destruction progressive des «plateformes intégrées» du régime iranien. Le parcours était inévitable et le processus devait inéluctablement déboucher sur l’annihilation du régime iranien et de ses impondérables stratégiques. 

Cette guerre est inconcevable en dehors d’un scénario de retournement géostratégique radical. Contrairement à l’hypothèse d’une stratégie défensive à portée limitée, nommément celle de l’anéantissement des infrastructures de militarisation du nucléaire, cette guerre vise le changement des paramètres sécuritaires, de paix et de communauté nationale et régionale. 

Loin de se cantonner à la dissuasion nucléaire qui sert de porte d’entrée à cette stratégie de contre-subversion qui remet en cause les politiques impériales, pose des interdits et redonne aux dynamiques ethno-nationales leur centralité dans la renégociation des contrats nationaux et de société. La marginalisation des politiques de puissance turque, russe et chinoise qui se nourrissaient de la capacité de sabotage du régime islamiste iranien redonne de l'élan aux dynamiques de contestation endogène dans ces pays et réinstitue les lignes de démarcation subverties. 

La politique de l’endiguement du nucléaire est désormais liée au changement du régime et à ses aléas qui peuvent remettre en question la viabilité de la société nationale iranienne. Le séquençage stratégique n’est plus de mise, nous sommes face à un bouleversement de la donne géopolitique et à son impact sur la formation étatique et ses modulations institutionnelles. La reprise des négociations sur la gestion du nucléaire n'a plus de sens, parce que la dégradation avance de manière exponentielle et peut redoubler en intensité et en vélocité en cas d’entrée des États-Unis en lice. Sinon, cette guerre, loin de susciter des élans de solidarité, finira par enrayer ce qui reste d’un régime entièrement délégitimé et aux abois. 

Quels que soient les types de réactions recensées de neutralité, de solidarité et de contestation, le degré d’érosion a déjà atteint un stade d’irréversibilité qui disqualifie les éventuels négociateurs, les enjeux de la négociation et l’aptitude à pouvoir la mettre en œuvre en cas d’aboutissement. Cette guerre de choix ne s’arrêtera qu’avec l’affaissement ou la fin du régime islamiste. Toute autre hypothèse relève de la divination dans un contexte en pleine mutation. La haute planification militaire est associée à des calculs et à des démarches de politique internationale aux intrications multiples. L’Iran somme toute est en état de désagrégation avancée et toute hypothèse de retour au statu quo ante relève du déni de réalité et des conduites d’évasion.

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