
Le gouvernement libanais a récemment réaffirmé que la question des déplacés syriens reste l’une de ses priorités, tant les retombées socioéconomiques de cette crise sont lourdes pour le pays. Un plan de retour a été élaboré ces dernières semaines, en coordination avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et ses partenaires humanitaires. Si ce cadre se veut structuré, il n’est pas exempt de critiques, notamment concernant les intérêts que certains acteurs internationaux, dont l’ONU, tirent de la situation.
Contactée par Ici Beyrouth, la porte-parole du HCR au Liban, Lisa Abou Khaled, a détaillé les lignes directrices de ce plan. Celui-ci prévoit un accompagnement logistique et financier pour les réfugiés désireux de retourner en Syrie, incluant le transport, l’assistance documentaire et un appui à la réinstallation. Officiellement soumis au gouvernement libanais, ce projet aurait dû faire l’objet d’un accord lors du dernier Conseil des ministres au palais de Baabda, mais le consensus politique reste fragile.
Le HCR affirme vouloir garantir un retour «volontaire, sûr et digne», tout en soulignant que le succès de l’initiative dépendra fortement du soutien international. Cette dépendance financière pose question: dans quelle mesure le cadre onusien répond-il aux intérêts des réfugiés, et dans quelle mesure sert-il aussi à maintenir une structure de gestion des flux migratoires dont certaines agences tirent des ressources et une légitimité accrues?
Une dynamique de retour post-Assad, mais encore incertaine
Depuis la chute de Bachar el-Assad le 8 décembre 2024, des mouvements de retour se sont intensifiés. Le HCR estime que plus de 507.000 réfugiés ont regagné la Syrie, dont environ 173.000 depuis le Liban. Selon des enquêtes internes, 27% des réfugiés syriens interrogés dans la région envisagent un retour dans les 12 mois, contre moins de 2% avant la chute du régime.
Ce changement de contexte politique est majeur. Il modifie les dynamiques de négociation entre le Liban, les agences internationales et les donateurs. Pourtant, des interrogations subsistent quant à la durabilité des conditions de retour et au rôle réel joué par le HCR sur le terrain syrien, notamment dans un contexte toujours instable, marqué par une gouvernance fragmentée et des infrastructures détruites.
Un rôle opérationnel sur les deux rives
Le HCR assure qu’il suit les rapatriés à leur arrivée en Syrie et dans la durée. Des équipes sont mobilisées pour les accueillir aux frontières, et des dispositifs d’aide sont activés une fois les réfugiés installés. Au Liban, l’agence supervise aussi l’évaluation du caractère volontaire des départs, en coordination avec la Sûreté générale.
Cependant, certains observateurs soulignent une ambiguïté: l’agence onusienne, tout en facilitant les retours, bénéficie également de la prolongation de la crise migratoire, qui justifie le maintien de ses activités, de ses financements et de sa présence renforcée au Liban, parfois perçue comme une forme d’ingérence ou d'exploitation indirecte du désarroi national.
En Syrie: un retour encore fragile
Le HCR affirme maintenir une présence «opérationnelle» en Syrie pour répondre aux besoins humanitaires. Cette aide comprend des abris, une assistance en matière de protection, un appui à la réinsertion économique ainsi que la distribution de biens essentiels. Le soutien aux services publics et la promotion de l’autonomie sont également mis en avant. Mais là encore, la réalité est plus contrastée.
Le sous-financement chronique des opérations, aussi bien en Syrie qu’au Liban, limite considérablement l’impact de ces programmes. Le HCR lui-même reconnaît que les ressources disponibles ne suffisent pas à répondre aux besoins essentiels. Les efforts, bien que notables, restent souvent symboliques face à l’ampleur du défi.
Une équation politique et humanitaire toujours non résolue
La situation humanitaire en Syrie demeure critique: éducation, emploi, santé, logement… autant de domaines où les besoins restent immenses. Le HCR appelle la communauté internationale à intensifier son soutien, notamment via une levée des sanctions, qu’il considère comme un frein majeur à la reconstruction. Mais cette position soulève aussi des débats, car elle peut être perçue comme une manière de relativiser les responsabilités du régime syrien dans l’effondrement du pays.
Quant au Liban, il continue de porter un poids disproportionné, avec une économie en ruine et des institutions sous tension. Si le retour des réfugiés est présenté par le HCR comme une «opportunité historique», il est aussi vu, côté libanais, comme une nécessité urgente – bien au-delà des considérations de dignité ou de logistique.
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