Quand le séisme de la dissolution frappait la France
©Sarah Meyssonnier/ POOL/AFP

Il y a un an, dans la foulée des résultats des élections européennes, le président Macron décidait, le 9 juin 2024, de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des élections législatives anticipées. Une décision qui a finalement ouvert la voie à une période de flou politique en France.

Il est 20 heures, ce 31 décembre 2024. À l’occasion des traditionnels vœux de fin d’année, le président français Emmanuel Macron est revenu sur sa décision de dissoudre, le 9 juin, l’Assemblée nationale. Une décision qui, selon lui, «a apporté davantage de divisions à l’Assemblée, que de solutions pour les Français».

«Si j’ai décidé de dissoudre, c’était pour vous redonner la parole, pour retrouver de la clarté et éviter l’immobilisme qui menaçait. Mais la lucidité et l’humilité commandent de reconnaître qu’à cette heure, cette décision a produit plus d’instabilité que de sérénité, et j’en prends toute ma part», avait déclaré Emmanuel Macron.

 

La dissolution de l’Assemblée nationale opérée par le président français – la première depuis celle effectuée par Jacques Chirac en 1997 – a en effet bouleversé en profondeur le paysage politique français. Un bouleversement qui se ressent encore aujourd’hui.

Trois blocs à l’Assemblée nationale

C’est après avoir été défait lors des élections européennes – qui ont vu le Rassemblement national (RN, extrême-droite) s’imposer avec plus de 31% – que le président français a décrété la dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue d’élections législatives anticipées.

Un pari dangereux pour le président de la République, qui prenait alors le risque d’une reconfiguration totale de l’Assemblée et de potentiellement perdre sa majorité.

Et ça n’a pas manqué. Le second tour des élections législatives a vu le Nouveau Front populaire (NFP, rassemblant alors les principales formations de gauche) arriver en tête. Le bloc présidentiel a, lui, terminé deuxième, devant le RN et ses alliés, qui finissent troisièmes.

C’est donc une deuxième défaite en moins d’un mois pour le camp présidentiel. Et tout comme lors des législatives de 2022, aucune majorité absolue n’est parvenue à se dégager à l’Assemblée nationale. Celle-ci s’est, au contraire, retrouvée plus fragmentée, avec trois blocs politiques principaux et irréconciliables: celui de la gauche, celui regroupant le centre et la droite et celui de l’extrême-droite.

Casse-tête de la nomination d’un Premier ministre

Cette nouvelle configuration parlementaire a ouvert la voie à une période de flou politique en France. Elle s’est notamment traduite, pendant plusieurs semaines, par la difficulté pour le président Macron de nommer un nouveau chef de gouvernement à la place de Gabriel Attal – dont la démission avait été acceptée le 16 juillet –, alors chargé d’expédier les affaires courantes. L’idée était de trouver une personnalité qui ne serait pas immédiatement censurée (renversée, NDLR) par les parlementaires.

Bien que le bloc hétéroclite de gauche soit arrivé en tête aux dernières législatives et ait proposé le nom de Lucie Castets pour Matignon, le président Macron a fini par nommer, le 5 septembre (soit plus de 50 jours après la démission de Gabriel Attal), une personnalité de droite: Michel Barnier, alors âgé de 73 ans. Ancien titulaire de plusieurs portefeuilles ministériels et ancien négociateur pour le Brexit, ce dernier n’est cependant pas resté longtemps en poste, renversé le 4 décembre par une motion de censure et forcé de démissionner. Ce nouveau camouflet a donc obligé le président Macron à trouver un nouveau Premier ministre.

Un casse-tête qui a, cette fois, duré moins longtemps que précédemment. Il faut attendre 9 jours pour connaître le nouveau locataire de Matignon: François Bayrou, personnalité centriste, alors devenu le quatrième Premier ministre français en un an (après Élisabeth Borne, Gabriel Attal et Michel Barnier).

Ce dernier a, pour l’instant, pu éviter la censure et réussi à faire voter un budget pour la France. M. Bayrou a contourné le problème, en amadouant les socialistes à la fois sur le budget et avec un «conclave» social sur la réforme des retraites censé s'achever mi-juin. Mais depuis, il n'a pu présenter aucun texte au nom de son gouvernement, se contentant de reprendre ceux émanant d'un Parlement indomptable. Il demeure tout à fait possible que, si le texte proposé ne trouve pas grâce aux yeux des députés, ces derniers le censurent, à l’instar de celui qui l’a précédé.

La nouvelle configuration parlementaire a également des conséquences sur le fonctionnement et l’ambiance des séances à l’intérieur de l’hémicycle de l’Assemblée nationale, avec des débats émaillés d'incidents, d’obstruction et de coups procéduraux.

Nouvelle dissolution, municipales et présidentielle

D’un point de vue constitutionnel, le président Macron a le droit de dissoudre l’Assemblée nationale une fois par an. Comme le rappelle le média Le Figaro, le chef de l’État ne pourra pas recourir à ce droit avant le 8 juillet – le second tour des dernières législatives ayant eu lieu le 7 juillet 2024.

Certains responsables politiques ne cachent pas leur volonté d’une nouvelle dissolution. C’est par exemple le cas du député de La France insoumise (LFI, extrême-gauche) Éric Coquerel. «Nous allons faire tout ce que l’on peut pour une nouvelle dissolution», a-t-il déclaré dimanche lors de l’émission télévisée du Grand Jury RTL - Le Figaro - Public Sénat - M6.

Le député RN de la Somme, Jean-Philippe Tanguy, a de son côté défendu dimanche «une pression politique» contre l'exécutif «pour montrer que seule la voie des urnes est possible, donc la dissolution» de l'Assemblée nationale, lors d'un entretien sur la chaîne LCI.

 

Dans le même temps, les formations politiques se mettent en ordre de bataille pour les élections municipales qui devraient, sauf situation particulière, avoir lieu en mars 2026. De quoi se préparer pour l’élection suprême: la présidentielle de 2027. Un scrutin rendu encore plus important par le fait que le président Macron ne peut pas se représenter pour un troisième mandat consécutif.

Avec AFP

 

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