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Derrière les corps sculptés et les promesses de performance se cache un marché du dopage hors de contrôle. Ce phénomène gagne du terrain tandis que les professionnels de santé tirent la sonnette d’alarme sur des produits en vente libre qui mettent en danger une jeunesse mal informée.
Le président de l’Ordre des pharmaciens du Liban, Joe Salloum, a lancé, le 26 mai 2025, un appel urgent aux autorités pour «mettre fin à la vente incontrôlée de stimulants sportifs dans les salles de sport et sur les réseaux sociaux». Ces usages «entraînent une dépendance, ainsi qu’un risque accru d'accident vasculaire cérébral, de crises cardiaques, d'embolie pulmonaire et d'insuffisance rénale», a-t-il expliqué dans le communiqué.
En effet, dans les salles de sport comme sur les réseaux sociaux, des produits dopants se vendent librement sous couvert de compléments alimentaires. Ces produits séduisent une jeunesse en quête du corps parfait, souvent prête à tout pour atteindre cet idéal. Certains, conscients du caractère dangereux de cet usage, le dissimulent comme un secret dans les vestiaires. Cependant, la plupart d’entre eux ne sont pas vraiment conscients de la gravité des risques qu’ils encourent.
Un commerce parallèle en pleine expansion
Interrogé par Ici Beyrouth, Makram Haddad, docteur en pharmacie, affirme que «des produits dopants circulent librement dans certaines salles de sport, sans aucune supervision médicale, comme s’il s’agissait de simples vitamines».
«De nombreux coachs non qualifiés, parfois eux-mêmes consommateurs, les proposent à des jeunes en quête de résultats rapides, sans les avertir des dangers», ajoute-t-il.
Le phénomène est également présent en ligne, où des influenceurs exhibent des corps musclés en vantant des boosters ou des brûleurs de graisse aux effets soi-disant miraculeux, sans jamais mentionner les risques que présentent ces produits pour la santé.
Labib Choucair, physiothérapeute et agent de contrôle antidopage, alerte à son tour sur la banalisation de ces substances, précisant que «cette banalisation crée une illusion de sécurité alors que ces produits peuvent contenir des substances extrêmement dangereuses».
«Les jeunes y ont un accès facile, que ce soit en ligne, dans certaines boutiques ou directement dans les salles, sans régulation ni contrôle des autorités», poursuit-il.
Le rôle des influenceurs est également pointé du doigt car «sur les réseaux sociaux, beaucoup banalisent la consommation de ces substances en vantant des corps musclés sans jamais mentionner les effets secondaires», souligne M. Choucair.
Ce discours lisse entretient une illusion de sécurité et encourage une consommation désinhibée.
Face à ce fléau, les experts dénoncent un vide réglementaire inquiétant. «L’État reste passif, sans encadrement ni inspections sérieuses», laissant prospérer un commerce illégal au détriment de la santé publique, déplore M. Haddad.
Tony Ghossein, coach sportif, avertit contre un autre phénomène inquiétant. «Depuis la crise économique, de nombreuses marques non contrôlées ont envahi le marché. Leur composition est douteuse, ce qui représente un vrai danger pour la santé des jeunes».
Des substances aux effets dévastateurs
Contrairement à l’image inoffensive véhiculée, «ces produits sont loin d’être anodins, contenant souvent des stéroïdes, des amphétamines et d’autres stimulants puissants dont la composition est très douteuse», explique M. Haddad.
Les effets immédiats incluent des palpitations, une hypertension ou encore des troubles du sommeil.
Pour sa part, M. Choucair prévient que «les risques à moyen et long terme sont dramatiques, comprenant des accidents vasculaires cérébraux, des crises cardiaques, des embolies pulmonaires, mais aussi des troubles psychiatriques graves tels que l’anxiété, l’agressivité et la dépression».
«Ces substances ont un impact dévastateur sur la santé mentale et physique, particulièrement chez les jeunes» insiste-t-il.
M. Ghossein confie qu’il est souvent sollicité par les jeunes, «tantôt de façon directe, tantôt par des questions détournées sur des ‘raccourcis’ pour développer des muscles de façon rapide». Selon lui, les risques sont minimisés alors qu’ils sont bien réels.
Une jeunesse mal informée
La jeunesse est particulièrement vulnérable à cette dérive, la pression sociale et les standards irréalistes véhiculés par les réseaux renforçant un sentiment d’urgence à sculpter son corps.
«Ce qui aggrave le phénomène, c’est le manque d’éducation sanitaire», observe M. Haddad.
Dans les salles de sport, l’absence d’encadrement médical renforce le problème. «L’absence de conseils professionnels crée un vide que viennent souvent combler des coachs non qualifiés», explique M. Haddad, ajoutant que «sans encadrement, les jeunes restent mal informés et exposés à des pratiques dangereuses».
Agir avant qu’il ne soit trop tard
Face à cette dérive croissante, les professionnels de la santé appellent à une action rapide. M. Haddad insiste sur la nécessité de «renforcer les lois encadrant la vente des produits dopants, en particulier ceux qui circulent sans autorisation dans les salles de sport et sur Internet».
Il plaide pour «des contrôles réguliers et inopinés, ainsi qu’une surveillance accrue des plateformes numériques et des points de vente physiques».
Pour M. Choucair, la prévention est cruciale, par le biais de la sensibilisation. «Il est impératif de lancer des campagnes ciblées auprès des jeunes afin de briser les idées reçues et de les informer sur les risques réels», conseille-t-il.
L’expert rappelle, à cet égard, que «les pharmaciens sont en première ligne pour alerter, conseiller et prévenir», et que leur rôle dans l’éducation sanitaire devrait être reconnu et renforcé.
Les deux spécialistes s’accordent à dire que la mise en place de certifications obligatoires pour les salles de sport et les coachs permettrait de garantir un encadrement plus professionnel et plus sûr.
Sans intervention, cette dérive pourrait continuer à s’étendre, mettant en péril la santé d’une jeunesse déjà vulnérable et creusant un fossé entre l’apparence d’un corps qu’on lui vend et la réalité.
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