
Alors que le Libanais jongle déjà avec un salaire miné, des prix galopants et une classe politique qui carbure à l’immobilisme, le gouvernement a trouvé une idée brillante pour renflouer les caisses: augmenter le prix des carburants. Motif officiel? Financer des aides sociales pour les militaires actifs et retraités. Motif officieux? Quand tout va mal, autant pomper là où ça fait mal: le portefeuille du citoyen.
Jeudi soir, surprise à la pompe: les prix de l’essence et du diesel ont bondi, malgré une baisse des cours internationaux du pétrole de 17% depuis février. Oui, vous avez bien lu. Dans le reste du monde, ça baisse. Au Liban, ça grimpe. C’est ce qu’on appelle de l’exception libanaise, version inflammable. Bref, une hausse à contre-courant du marché mondial!
Ainsi l’essence à 95 octanes a augmenté de 100.000 LL, à 1.489.000 LL les 20 litres, celle à 98 octanes a haussé de 101.000 LL, à 1.529.000 LL, le diesel pour véhicules a pris 174.000 LL, à 1.393.000 LL et le fuel pour générateurs a été majoré de 96,39 dollars, atteignant 716,51 dollars le kilolitre. Le prix de la bonbonne de gaz domestique, lui, demeure inchangé.
Et attention, ces prix ne sont pas temporaires: la différence intégrée dans le barème restera fixe, quel que soit le prix du brut à l’international. Autrement dit, on paie plus, même quand ça coûte moins.
Des aides sociales… à payer soi-même
Officiellement, cette hausse vise à financer des subventions pour les forces armées: 14 millions de livres libanaises pour les militaires actifs et 12 millions pour les retraités, à partir de juillet. Noble cause, certes. Mais dans un pays où le salaire minimum ne couvre parfois même plus deux pleins d’un réservoir, demander aux citoyens de financer eux-mêmes ces aides sociales frôle le sketch.
Le ministre de l’Information, Paul Morcos, a bien tenté de rassurer le peuple, à l’issue du Conseil des ministres qui a entériné cette décision, indiquant qu’«il ne s’agit pas d’une hausse, mais d’un retour aux anciens tarifs». Une logique implacable: on n'augmente pas, on revient en arrière… sauf que le coût de la vie, lui, est bien allé de l’avant.
Cette augmentation a déclenché la colère des syndicats. Le président des syndicats des chauffeurs, Bassem Thleiss, ne mâche pas ses mots: «Le gouvernement a encore frappé à la porte du citoyen, comme s’il n’en restait qu’une seule à enfoncer.» Et il n’est pas seul. Les fédérations des transports appellent à des réunions d’urgence. On parle de mobilisation, voire de grève.
Dans ce tumulte, une note de stabilité, le prix du pain reste inchangé. Grâce à des subventions sur le blé, financées par la Banque mondiale, le paquet de 840g coûte toujours 65.000 LL. Le ministre de l’Économie, Amer Bsat, a même insisté sur l’interdiction formelle d’augmenter le prix du pain.
Il a également mis en garde contre les hausses injustifiées, notamment chez les commerçants et les propriétaires de générateurs privés, ces nouveaux seigneurs de la facture mensuelle. Des campagnes de contrôle sont annoncées et les contrevenants seront «livrés à la justice».
Maroun Chammas, président du syndicat des importateurs de pétrole a indiqué, de son côté, que pour eux, «les profits et les prix demeurent inchangés».
En résumé, le gouvernement, en panne d’imagination budgétaire, a trouvé une méthode simple: taxer le mouvement. Ceux qui roulent, ceux qui transportent, ceux qui travaillent, paieront plus pour que l’État puisse faire face à ses responsabilités. Par conséquent, quand l’État manque de carburant, c’est le citoyen qui cale!
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