
La décision du chef du Courant du futur, Saad Hariri, de ne pas s’engager dans les municipales, a eu pour effet de changer le paysage électoral traditionnel à Saïda.
Prévues pour le samedi 24 mai, les élections au Liban-Sud auront lieu après d’intenses préparatifs administratifs et sécuritaires dirigés par le ministre de l’Intérieur et des Municipalités, Ahmad Hajjar.
Au cours de sa récente visite dans le sud du pays, il a tenu une série de réunions de sécurit, visant à assurer un processus électoral sûr et fluide.
À Saïda, une attention particulière est portée à la course municipale, en raison du retrait des partis politiques traditionnels, qui ne présentent pas directement de candidats.
Cette situation a ouvert la voie à une nouvelle génération de citoyens engagés – dont de nombreuses femmes et des jeunes – parmi lesquels figurent des professionnels, notamment des ingénieurs, des médecins, des avocats et des enseignants.
Il est vrai que cet élément a insufflé une nouvelle énergie au paysage politique, mais il a aussi fragmenté l’électorat et provoqué des rivalités au sein même de familles influentes, plusieurs de leurs membres s'étant engagés sur des listes concurrentes.
Cinq listes principales
Au 22 mai, 96 candidats se disputent 21 sièges municipaux, tandis que 58 autres briguent les 22 postes de mokhtars. Près de 69.400 électeurs sont inscrits, dont 59.333 sunnites, 6.373 chiites et 3.616 chrétiens.
Cinq listes électorales majeures vont croiser le fer à Saïda, chacune proposant une vision différente de l’avenir de la ville:
Saïda bada w nehna adda
Dirigée par le pharmacien Omar Marjan, cette liste rassemble des candidats de diverses familles sidoniennes, dont l’ingénieur Mohammad el-Baba. Bien que Marjan insiste sur l’indépendance de sa liste, certaines sources suggèrent un soutien discret du député Abdel Rahman el-Bizri et possiblement du parlementaire Fouad Makhzoumi. La campagne se distingue par sa forte visibilité, ses dépenses publicitaires importantes et un soutien populaire émanant de familles locales et de groupes de la société civile.
Saïda btestahel
Soutenue par le groupe islamique (Al-Jamaa al-islamiya), cette liste de 16 candidats participe pour la première fois de manière indépendante au scrutin, après l’échec de négociations d’alliances – notamment avec l’équipe d’Omar Marjan. Bien qu’elle n’ait pas de tête de liste, elle bénéficie du soutien de membres de la société civile et de groupes familiaux.
Sawa li Saïda
Présidée par l’ingénieur Moustapha Hijazi, ancien membre du conseil municipal, cette liste de 21 candidats est largement perçue comme le prolongement du conseil actuel.
Bien que l’ancienne députée Bahia Hariri affirme ne pas soutenir officiellement de liste – en ligne avec la décision de l’ancien Premier ministre Saad Hariri de ne pas s’engager dans la bataille électorale –, nombreux sont ceux qui pensent que Sawa ïi Saida bénéficie du soutien indirect de ses partisans.
Cette liste est officiellement soutenue par l’ancien président du conseil municipal, Mohammad el-Saoudi, et par l’homme d’affaires Merhi Abou Merhi.
Nabad el-balad
Conduite par l’ingénieur Mohammad Dandachli, cette liste de 21 membres est appuyée par le député Osama Saad, la coalition Raise Your Voice, le mouvement de protestation du 17 octobre et la Coalition des ingénieurs de Saïda et ses environs. Bien qu’aucun candidat ne soit officiellement membre de l’Organisation populaire nassérienne de Saad, la liste reflète fortement sa vision politique.
Saïda tastahek
Dirigée par l’ingénieur Mazen el-Bizri, cette liste de sept candidats a vu le jour après l’échec de tentatives d’unification de diverses forces politiques et civiles. Annoncée seulement quatre jours avant le scrutin, elle appelle à un conseil fondé sur l’inclusivité, la transparence et la collaboration. Mazen el-Bizri a invité les électeurs à soutenir et à compléter la liste, qu’il décrit comme une base pour une réforme municipale significative.
Candidats indépendants et alliances incertaines
Outre les cinq listes principales, plusieurs candidats indépendants sont toujours en lice. La date limite de retrait des candidatures a été prolongée jusqu’à minuit, le vendredi 23 mai, laissant place à d’éventuels désistements ou ajustements de dernière minute.
Un facteur imprévisible dans cette élection reste le vote chiite. Bien que l’alliance Hezbollah-Amal n’ait pas officiellement soutenu de liste, certaines rumeurs évoquent un appui discret à l’équipe d’Omar Marjan qui inclut deux candidats réputés proches du duo chiite.
Un tournant pour Saïda?
Même si la présence de cinq listes et le grand nombre de candidats risquent de fragmenter les résultats – rendant improbable la victoire totale d’une seule liste – cette élection est considérée comme un moment crucial pour Saïda. Elle offre une opportunité rare de s’attaquer aux problèmes municipaux chroniques de la ville, antérieurs à la crise financière actuelle et résultant de décennies de mauvaise gouvernance, de planification déficiente et de dépendance politique.
La montée en puissance des jeunes et des femmes marque un tournant notable, rompant avec la tradition de domination des élites politiques établies. Cependant, cette nouvelle vague de candidats fait face à des critiques pour leur manque de plans concrets pour résoudre les problèmes complexes de la ville, notamment la dégradation des infrastructures, la surpopulation urbaine et l’inefficacité administrative.
Les habitants de la ville réclament des améliorations, surtout concernant les décharges et l’éclairage public, ainsi que la promotion du tourisme par le biais d’événements et d’activités sportives.
Les enjeux à venir
Alors que Saïda entre dans la dernière ligne droite avant le jour du vote, la ville est en effervescence en raison des activités de campagne, des réunions publiques et de l’intérêt croissant des électeurs. Les affiches et les slogans envahissent l’espace public, et les candidats redoublent d’efforts pour convaincre.
Quel que soit le résultat, le vote de samedi pourrait redéfinir la gouvernance locale de Saïda – non seulement en termes de personnes élues, mais aussi du type de politique que la ville choisira d’adopter: des alliances traditionnelles et des liens familiaux ou une nouvelle voie civique fondée sur la transparence, l’inclusion et l’engagement local.
Quoi qu’il arrive, Saïda fera entendre sa voix le 24 mai – et l’écho de ce choix pourrait bien façonner son avenir pour les années à venir.
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