Nabatiyé: dans l’ombre des bombes, un jour d’élection
©Ici Beyrouth

Dans les rues de Nabatiyé, les affiches électorales se mêlent aux portraits de ceux qui ont été tués lors des frappes israéliennes de 2024. Parmi eux, des élus municipaux, dont le président du conseil Ahmed Kahil, tué dans un bombardement ciblant la municipalité.

Malgré les cicatrices encore visibles, Nabatiyé se prépare à voter. Les élections municipales et des mokhtars sont prévues pour ce samedi 24 mai. Un retour à la vie démocratique dans des conditions particulièrement éprouvantes. Ce scrutin ne se limite pas à une simple échéance politique: il symbolise une étape vers la reconstruction. Il intervient moins de huit mois après une frappe qui a tué au moins seize responsables municipaux.

Un duo politique inchangé depuis deux décennies

Depuis 2004, Nabatiyé fonctionne sous un accord entre le Hezbollah et le mouvement Amal. Le Hezbollah occupe la présidence de la municipalité, tandis qu’Amal détient la vice-présidence et la direction de la fédération des municipalités de Chaqif-Nabatiyé. Cette répartition des rôles est reconduite pour les élections de 2025.

Leur liste commune, intitulée «Fidélité et développement», comprend 21 candidats: 12 du Hezbollah, 9 d’Amal et un représentant chrétien choisi d’un commun accord. Abbas Fakhr al-Din, affilié au Hezbollah, est pressenti pour la présidence municipale. La liste intègre également des indépendants proches de l’alliance, sélectionnés pour leurs compétences techniques et administratives, en prévision des défis de la reconstruction post-conflit.

Cette composition reflète la volonté du tandem de miser sur la continuité, dans une ville où tout ou presque est à rebâtir.

Une opposition structurée fait son apparition

Pour la première fois depuis plus de dix ans, une opposition organisée entre dans la course municipale à Nabatiyé. La liste «Nabatiyé mérite la vie» regroupe 12 candidats, dont des membres du Parti communiste libanais, qui soutient officiellement l’initiative. Leur campagne se concentre sur le développement local, en mettant de côté les affiliations politiques traditionnelles. L’objectif affiché est d’améliorer concrètement le quotidien des habitants.

En plus de cette liste alternative, quatre candidats indépendants se présentent également, portant à 16 le nombre de candidats en lice face aux 21 du duo Hezbollah-Amal.

Des élections sous tension sécuritaire

Le climat sécuritaire reste préoccupant. Le 15 mai, à neuf jours du scrutin, plus de vingt frappes israéliennes ont visé le caza de Nabatiyé, notamment les localités de Kfar Tebnit, Kfar Roumman et Nabatiyé el-Faouqa. Ces événements rappellent que la situation demeure instable. 

Malgré cela, les autorités assurent que des mesures de sécurité seront en place pour garantir le bon déroulement du vote. À Kfar Kila, où les infrastructures ont été gravement endommagées, les électeurs seront redirigés vers Nabatiyé. Dans d’autres localités, telles que Zibdine, Azza et Sinay, certains candidats du duo Hezbollah-Amal sont déjà élus faute d’opposants.

Un scrutin à forte portée symbolique

Le résultat du scrutin semble favoriser l’alliance chiite, bien implantée et organisée. Cependant, la présence d’une opposition, même modeste, témoigne d’un désir de renouveau démocratique local, comme à Kfar Roumman. Pour certains habitants, c’est l’occasion de réaffirmer leur soutien au Hezbollah et à Amal. Pour d’autres, une opportunité d’exprimer une aspiration à une gouvernance plus réactive et proche des préoccupations quotidiennes.

Quelles que soient les issues, ces élections représentent un moment clé pour Nabatiyé. Elles incarnent la volonté d’une ville meurtrie de se relever et de reprendre en main son destin, malgré les défis persistants.

 

Commentaires
  • Aucun commentaire