
Alors que l’Arabie saoudite concluait des accords d’investissement avec les États-Unis pour un montant dépassant les 600 milliards de dollars, et que le président américain Donald Trump dessinait les contours d’un nouvel ordre économique mondial à travers des projets évalués à plus de 4.000 milliards de dollars, le Liban, lui, continuait de naviguer à vue. À mille lieues des grands enjeux internationaux, il abordait la politique étrangère avec la logique étroite d’une administration de quartier – à la mesure d’un mokhtar.
Dans ce paysage verrouillé par des considérations locales, l’actualité libanaise peinait depuis plus de deux mois à sortir de la sphère des élections municipales. Et lorsqu’un événement est venu briser cette routine, le débat s’est enflammé... pour de mauvaises raisons. Le président de la République, le général Joseph Aoun, a été violemment pris à partie par l’entourage du Hezbollah. En cause: une poignée de main échangée avec le cheikh Mouaffaq Tarif, représentant de la communauté druze en Israël, en marge de la cérémonie d’intronisation du nouveau pape à Rome.
Ce tollé aurait pu prêter à débat, s’il n’était pas si révélateur de l’hypocrisie ambiante. Car ceux-là mêmes qui accusent aujourd’hui le chef de l’État de transgresser une ligne rouge sont issus d’un camp dont l’histoire récente est marquée par des accusations de collaboration avec Israël. Un camp qui n’a pas hésité à faire arrêter ses propres artistes et sympathisants, sous les cris et les menaces, au motif de liens supposés avec l’ennemi. Et ce, alors que plusieurs assassinats et opérations sécuritaires de ces derniers mois se sont déroulés avec la complicité d’un réseau d’agents… issus de l’intérieur même du parti pro-iranien.
Ironie de l’histoire, ce même camp est aussi celui qui a paraphé l’accord de délimitation des frontières maritimes avec Israël, reconnaissant de facto l’existence de l’État hébreu dans le but de sécuriser des ressources en gaz et en pétrole. Présenté alors comme une victoire diplomatique, cet accord a pourtant accordé au Liban bien moins que ce qu’il aurait pu obtenir si l’accord du 17 mai avait été signé quarante ans plus tôt.
C’est encore ce même acteur qui a accepté un cessez-le-feu avec Israël, s’est engagé à préserver ses intérêts, à désarmer les zones situées au nord et au sud du Litani, et à fermer les yeux sur les opérations militaires, y compris les assassinats ciblés.
Dès lors, ce camp n’a aucune légitimité à donner des leçons au président de la République, encore moins à s’indigner de ses poignées de main. Il est temps de sortir de ces polémiques stériles qui rabaissent le Liban à une entité gérée à la petite semaine. Le pays mérite mieux: un État digne, en paix avec lui-même et avec son environnement, qui cesse enfin de payer le prix des conflits régionaux et d’agir au nom de causes qui ne sont pas les siennes.
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