
La saison touristique 2025 au Liban se profile comme un cocktail mêlant optimisme prudent et défis géopolitiques. Si les maisons d'hôtes et les hôtels de charme affichent une belle dynamique, le secteur hôtelier traditionnel peine à retrouver son souffle. Zoom sur une saison estivale qui s'annonce pleine de promesses, mais aussi de zones d'ombre.
Le Liban, se prépare à une saison touristique estivale 2025 sous le soleil, mais redoute toujours d’éventuelles secousses.
Entre le retour des expatriés, les tensions régionales, les violations israéliennes du cessez-le-feu et une économie en quête de stabilité, le secteur touristique libanais navigue en eaux troubles. Mais comme le dit si bien le proverbe: «Après la pluie, le beau temps»... Espérons qu’il en soit ainsi cette année! Rappelons que le secteur touristique libanais a contribué à 30% du PIB en 2023, avec des revenus s'élevant à 6 milliards de dollars.
L'aéroport international Rafic Hariri de Beyrouth annonce entre 85 et 100 vols quotidiens cet été et les agences de voyage des taux d'occupation des sièges supérieurs à 80%.
En août 2023, l'aéroport avait accueilli 915.000 passagers, marquant une hausse de près de 15% par rapport à l'année précédente. Cependant, cette affluence ne se traduit pas nécessairement par une arrivée massive de touristes étrangers. Les restrictions de voyage imposées par certains pays à leurs ressortissants limitent encore l'arrivée de visiteurs internationaux.
Du côté du secteur hôtelier, les hôtels traditionnels peinent à retrouver leur élan. «L’industrie hôtelière est touchée de plein fouet», confie à Ici Beyrouth Pierre Achkar, président de la Fédération des syndicats touristiques et du syndicat des hôteliers.
Il souligne que la plupart des expatriés disposent de leurs propres logements au Liban, ce qui réduit leur recours aux hôtels. «Pour cet été, la situation reste incertaine», ajoute-t-il.
Un hôtel doit afficher un taux d’occupation compris entre 30% et 50% pour couvrir ses frais. À la mi-mai 2023, les réservations estivales avoisinaient déjà les 60% à 70%. Cette année, on est loin du compte.
Pourtant, quelques signes encourageants émergent. L’hôtel Le Gray rouvrira ses portes cet été, et le Four Seasons devrait suivre d’ici la fin de l’année. Mais ces perspectives ne suffisent pas à contrebalancer une réalité marquée par les restrictions persistantes: les pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite, interdisent toujours à leurs ressortissants de se rendre au Liban, tandis que les États-Unis, l’Europe et l’Australie déconseillent officiellement toute visite, considérant le pays comme étant en situation de guerre.
Les Émirats arabes unis ont cependant levé l’interdiction de voyage imposée à leurs ressortissants, à la faveur d’une visite du président Joseph Aoun à Abou Dhabi. Cette décision pourrait encourager d’autres États du Golfe à lui emboîter le pas, alors que le Liban semble résolument engagé sur la voie de l’édification d’un État et notamment d’un règlement du problème que posent les armes illégales.
Tant que le Hezbollah reste armé, Riyad ne semble pas prêt à lever ses restrictions. Dans ce cadre, la ministre libanaise du Tourisme, Laura Khazen Lahoud, s’est rendue aux Émirats arabes unis pour participer au Salon du voyage arabe à Dubaï et s’est entretenue avec plusieurs responsables arabes.
Du côté des retours positifs, les Libanais de la diaspora devraient être plus nombreux cette année. D'autres visiteurs régionaux (Syriens, Jordaniens, Irakiens ou Égyptiens) continuent d’affluer et d’occuper les établissements hôteliers. Les Qataris et les Koweïtiens, quant à eux, restent fidèles à leurs résidences acquises depuis longtemps pour passer l’été. Mais eux aussi sont, jusqu’à nouvel ordre, interdits de voyage au Liban.
L’époque dorée, où les hôtels libanais affichaient un taux d’occupation supérieur à 80% pendant cent jours d’été semble désormais bien lointaine.
En 2010, Beyrouth culminait à 72% de taux d’occupation annuel. L’été dernier, ce chiffre n’était que de 60% en moyenne les week-end, tombant à 20-25% les jours de semaine, un seuil insuffisant pour assurer la rentabilité. Comme le résume M. Achkar: «On est loin de gagner… on essaie juste de ne pas perdre».
Face à la morosité du secteur hôtelier traditionnel, les maisons d'hôtes et les hôtels de charme connaissent un certain succès. Ces établissements, souvent de petite taille et offrant une expérience plus personnalisée, attirent une clientèle locale et régionale fidèle.
Ramzi Salman, président du syndicat des propriétaires de maisons d'hôtes, souligne que la saison s'annonce très bonne, avec de nombreuses réservations, avec des mariages et autres événements.
Du côté des restaurateurs, l'ambiance est mitigée. Khaled Nazha, vice-président du syndicat, résume la situation: «Le secteur de la restauration est prêt, même après toutes les crises qu'il a traversées.» Prêt, oui… mais les derniers raids israéliens, notamment sur la banlieue sud, sont venus saler un peu trop l'addition.
«Nous étions très optimistes, confie-t-il, mais les raids ne vont pas vraiment dans le sens de nos espérances.» Ce que réclame le secteur, c’est simple: du calme, de la stabilité politique, économique… et émotionnelle, pourquoi pas! Car, soyons honnêtes, même les expatriés, pourtant habitués aux turbulences, peuvent hésiter. L’atmosphère générale n’est pas des plus engageantes, surtout quand les détonations se rapprochent dangereusement de la capitale.
Et tant que les ressortissants des pays du Golfe resteront officiellement interdits de séjour, difficile d’espérer un coup de fourchette venu de cette partie du globe. Heureusement, pour adoucir l’ambiance, l’agenda estival reste gourmand: concerts, festivals et événements en pagaille – de quoi relever la sauce, même si le plat principal, à savoir la stabilité, se fait encore attendre.
En dépit des défis, le secteur touristique libanais fait preuve d'une résilience remarquable. Le retour des expatriés, des Émiratis et d’autres visiteurs régionaux, ainsi que les initiatives gouvernementales offrent des perspectives encourageantes. Cependant, la stabilité politique et sécuritaire reste un facteur clé pour assurer une saison estivale réussie. Comme le rappelle Pierre Achkar, «le Liban n’a pas choisi d’être en guerre». Avec un peu de chance et beaucoup de détermination, le secteur pourrait voir des jours meilleurs.
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