
Pendant que le Liban attend toujours un miracle économique et l’électricité, la Syrie, elle, semble avoir trouvé la prise. Grâce à un coup de pouce inattendu du Qatar et de l’Arabie saoudite, Damas pourrait bientôt relancer sa reconstruction… pendant que Beyrouth tourne en rond. Et si, contre toute attente, la Syrie passait la ligne d’arrivée avant le pays du Cèdre?
Alors que les Libanais rongent leur frein, entre coupures d’électricité, crises à répétition et un quotidien qui frôle l’absurde, une nouvelle inattendue vient de leur faire lever un sourcil collectif (voire deux): la Syrie pourrait bien être reconstruite... avant le Liban. Oui, vous avez bien lu.
Dimanche 27 avril, dans un geste aussi symbolique que stratégique, l’Arabie saoudite et le Qatar ont annoncé qu’ils allaient régler la dette de la Syrie auprès de la Banque mondiale (BM). Montant de la facture: environ 15 millions de dollars. Une somme modeste à l’échelle des investissements internationaux, mais un pas de géant pour un pays dont les arriérés bloquaient depuis 14 ans tout soutien officiel de la Banque mondiale.
Le communiqué commun, relayé par l’Agence de presse saoudienne (SPA), précise que cet engagement «ouvrira la voie à la reprise du soutien et des opérations du Groupe de la Banque mondiale en Syrie». Traduction: une avalanche potentielle de projets de reconstruction, de financements et de retours de grandes institutions internationales qui avaient déserté le pays depuis le début du conflit, en 2011.
Cela permettra aussi à Damas d’accéder à des financements à court terme dans des secteurs jugés critiques. Et ils sont nombreux: près de 14 ans de guerre ont laissé le pays exsangue. Infrastructures détruites, services publics à l’arrêt, pénurie d’électricité chronique… la Syrie version post-Assad repart quasiment de zéro.
Le timing n’est pas anodin. Quelques jours plus tôt, le gouverneur de la banque centrale syrienne et le ministre des Finances ont participé aux réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale. Une première depuis plus de vingt ans et un signe clair que la Syrie tente de réintégrer la scène économique mondiale.
Et pendant ce temps, à Beyrouth…
Pendant que la Syrie prépare ses plans de reconstruction, le Liban, lui, reste coincé dans une crise sans fin. Les réformes? En suspens. Les aides? En attente. La Banque mondiale? Présente, mais circonspecte. Et les responsables politiques? Toujours empêtrés dans des querelles byzantines, tandis que les caisses se vident et que les citoyens perfectionnent l’art de faire beaucoup avec rien.
L’ironie du sort, c’est que le Liban, autrefois surnommé «la Suisse du Moyen-Orient», pourrait bien regarder son voisin sortir la tête de l’eau pendant qu’il continue de creuser. À Beyrouth, ce fardeau semble toujours peser de tout son poids sur les épaules des citoyens, sans qu’aucun État frère ne se presse pour effacer les arriérés.
Reste bien sûr une ombre au tableau syrien: les sanctions américaines, toujours en vigueur malgré quelques assouplissements à visée humanitaire. Mais à Damas, on semble croire que le plus dur est passé. À Beyrouth? On a du mal à savoir si le plus dur a même entamé le processus final.
Si le Liban veut éviter d’être le dernier de la classe alors qu’il avait tous les atouts en main, il lui faudra un plan de relance solide, des réformes courageuses et, pourquoi pas, quelques amis aussi motivés que ceux de la Syrie. En attendant, que les Libanais ne s’étonnent pas de voir leurs voisins relancer les chantiers pendant qu’eux cherchent encore par où commencer.
Après tout, quand on dit que tout est possible au Moyen-Orient… on ne plaisante qu’à moitié.
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