Salaires et indemnités, les grands oubliés du 1er mai libanais
©Ici Beyrouth

La fête du travail, célébrée le 1er mai, s’annonce bien morose pour les salariés libanais. Comment pourraient-ils célébrer, eux qui sont pris, au quotidien, dans l’étau d’une inflation galopante à trois chiffres – même si, à en croire certaines études pour le moins déconnectées, la réalité serait tout autre?

Le pouvoir d’achat de leurs indemnités de fin de service, laminé depuis 2019, n’est plus qu’un souvenir, abandonné entre l’inaction de l’État et l’indifférence du patronat. À les observer, on dirait que ces deux piliers de la production nationale évoluent dans une bulle hors du temps, sourds aux cris d’alarme d’une classe à bout de souffle.

Grippage de l’économie

Pour justifier l’absence de revalorisation salariale, le patronat libanais invoque le «grippage» de l’économie: inflation, chute de la consommation, crédits inexistants… une réalité qui masque surtout un refus persistant d’assumer sa part de responsabilité. Surtout que l’État tarde à prendre des actions susceptibles de dynamiser l’économie.

Aucune remise en question du modèle économique n’est d’ailleurs envisagée, alors que les demandes d’aides et les appels à un «retour à la normale» se multiplient.

Dans cette logique d’abandon silencieux, la réforme tant attendue du système des indemnités de fin de service, censée évoluer vers un régime de pension-retraite plus juste, reste lettre morte.

Annoncée par le directeur de la CNSS, Mohammad Karaki, elle semble condamnée à végéter dans les tiroirs de l’administration pour de longues années encore. Pendant ce temps, les retraités d’après 2019 – dont les droits ont fondu comme neige au soleil – n’ont d’autre choix que de survivre comme ils peuvent, à la charge de leurs enfants ou de la solidarité familiale, quand elle existe encore. Sinon? Ils attendront. Peut-être pas la réforme. Mais comme dans Godot, la pièce de Beckett.

Un dialogue de sourds sur fond de crise sociale

Le débat autour de la revalorisation salariale vire à l’impasse. La fameuse «solution équitable pour toutes les parties», évoquée par le ministre du Travail, Mohamad Haïdar, semble encore hors de portée. Les positions sont irréconciliables: la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL) réclame un salaire minimum de 50 millions de livres libanaises, soit environ 550 dollars, tandis que le patronat et les organismes économiques campent sur une limite maximale de 300 dollars.

Derrière ces chiffres se cache une équation plus large: toute hausse salariale entraîne une revalorisation parallèle des aides sociales, des indemnités et des bourses scolaires versées aux salariés.

Des salaires dissimulés, des droits amputés

Le président de la CGTL, Béchara Asmar, accuse le patronat de fausser les règles du jeu en déclarant près de 60% des salariés à la CNSS sur la base du salaire minimum, alors qu’ils perçoivent en réalité bien plus. Résultat: ces employés se retrouvent floués au moment de toucher leurs indemnités, calculées sur des montants fictifs.

Et l’État? Il n’est pas en reste. Béchara Asmar dénonce une pratique tout aussi perverse: depuis six ans, les autorités publiques versent aux fonctionnaires des «aides» déguisées, évitant soigneusement de les intégrer au salaire de base – une manière bien commode d’éluder le calcul des indemnités de départ et des droits sociaux. Une forme d’évasion légalisée, au détriment de milliers de fonctionnaires prisonniers d’un système qu’ils ne peuvent contester, de peur de perdre leur emploi ou leur unique gagne-pain.

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