Être un « serviteur du monde » : les défis du successeur du pape François
Un portrait du pape François est exposé devant l'autel alors que fidèles, prêtres et autres croyants se rassemblent le 23 avril 2025, dans la basilique Saint-Étienne, la plus grande église catholique de Budapest, lors d'une messe commémorative pour le défunt pape décédé le 21 avril 2025. ©Attila KISBENEDEK/AFP

Après le décès du pape François le 21 avril, un conclave est prévu début mai pour élire son successeur à la tête de l’Église catholique. De nombreux défis attendent le 267ème pape pour pouvoir poursuivre le travail de cette institution vieille de 2000 ans et continuer à répandre le message de Jésus.

Un défi de taille dans un monde marqué par les guerres et l’avancée de la sécularisation, mais également en raison des divisions internes de l’Église, entachée par des scandales de pédophilie.

« Il y a toujours les mêmes défis : c’est que l’Église catholique reste fidèle à l’Évangile et fidèle au message de Jésus et que son discours et sa pratique s’adaptent bien au monde d’aujourd’hui », souligne à Ici Beyrouth le père Dominique Lubot, de la paroisse Notre-Dame de Luçon (France). « Non pas pour faire comme le monde voudrait, mais pour qu’elle réponde bien aux questionnements et aux enjeux d’aujourd’hui », ajoute-t-il.

En effet, les dernières décennies ont vu émerger des préoccupations nouvelles, comme l’intelligence artificielle, l’utilisation des réseaux sociaux, l’écologie, la mondialisation et l’immigration ou encore les questions bioéthiques.

Rester « audible » dans le monde

La baisse du nombre de baptêmes et de la pratique religieuse surtout en Europe, est un défi majeur pour l’Église, qui peine de plus en plus à faire entendre sa voix. À titre d’exemple, en vingt ans, le baptême des moins de 3 ans en France est passé de 400 000 à moins de 200 000, selon le journal La Croix, même si les baptêmes d’adultes connaissent une augmentation ces dernières années. Une tendance qu’on retrouve en Europe, où l’on constate également une baisse des vocations de prêtres et de religieux.

Dans un monde plus sécularisé, la voix des chrétiens et du pape semble plus inaudible, et le Saint-Siège doit s’adapter à cette réalité. « Pour moi, le plus grand défi, c'est comment être audible dans un monde qui est en plein changement », affirme à Ici Beyrouth le père Gabriel Khairallah, enseignant jésuite à l’université Saint-Joseph de Beyrouth.

« Le pape est avant tout le chef de l’Église catholique, mais à mon avis, il doit être la voix des sans-voix : les personnes immigrées, les personnes marginalisées, les personnes démunies, qu’on n’arrive pas à entendre », estime-t-il, avant d’ajouter que « quelque part, le pape est un passeur, passeur d’humanité, passeur de charité dans le sens premier du terme, et puis surtout un serviteur du monde ».

Le pape est, en effet, à la fois le représentant principal du christianisme dans son rapport au monde en raison de sa célébrité et de son impact médiatique, tout en assurant la direction de l’Église catholique, ce qui nécessite de s’adresser directement aux fidèles et de rester fidèle à ses valeurs.

« Il faut aussi que le pape ait une attitude qui corresponde, une attitude évangélique, une attitude de simplicité, de pauvreté », estime le père Lubot, « c’est sans doute le cas du pape François qui avait voulu beaucoup simplifier le faste du pape pour avoir une vie plus simple ».

Des réformes en cours

Dès le début de son pontificat, le pape François a eu à cœur d’entamer des réformes au sein de l’Église catholique, notamment celles des institutions curiales au Vatican et la pastorale de la famille.

Dénonçant ce qu’il appelle le « cléricalisme », autrement dit la trop grande distance entre le clergé et les fidèles, il ambitionne de transformer la Curie en « un outil plus tourné vers le monde » avec la promulgation d’une nouvelle constitution apostolique Praedicate evangelium. Il entreprend également en 2013 une réforme de la banque du Vatican, marquée par des scandales financiers. Ses réformes suscitent de fortes oppositions au sein même de l’Église.

«L’Église est vivante, et comme toute réalité vivante, elle a besoin de se réformer pour mieux rester fidèle à l’Évangile. Déjà aujourd’hui, certaines réformes sont en cours : plus de synodalité, plus d’écoute du peuple de Dieu, une réflexion sur le rôle des femmes, sur les ministères, sur la gouvernance…», souligne à Ici Beyrouth le père Jean-Paul Iba depuis la capitale gabonaise, Libreville.

Le nouveau pape devrait probablement continuer dans cette voie en poursuivant les réformes entamées par son prédécesseur, même s’il pourrait également choisir de se consacrer à d’autres priorités.

Le rôle des femmes a été un des sujets importants sous le pontificat du pape François, qui a multiplié les nominations de femmes à des postes à responsabilité au Vatican et dans les diocèses. À titre d’exemple, il nomme le 4 novembre 2021 la sœur franciscaine italienne Raffaella Petrini à la tête de la gestion des musées, de la poste et de la police du Vatican. Puis, en juillet 2023, il nomme 35 femmes au sein de l’assemblée plénière du synode des évêques.

Une certaine révolution dans une Église largement incarnée par les hommes, mais certaines féministes catholiques regrettent le refus de l’ordination des femmes.

« Le futur pape devra discerner avec l’Esprit Saint ce qui doit être transformé, sans trahir la foi, mais en la rendant plus accessible, plus vraie, plus incarnée », ajoute le père Iba.

Des défis multiples à l’échelle mondiale

De par sa vocation universelle, l’Église catholique est présente dans les cinq continents à travers le monde. Et chaque communauté possède ses défis spécifiques. En Europe, c’est davantage la baisse des vocations des prêtres et des religieux qui devra être considérée par le pape.

« On serait heureux que le prochain pape fasse attention à la vieille Europe », confirme le père Lubot, ajoutant qu’un « autre défi réside dans la crise liée à la pédophilie qui n’est pas finie et qu’il faut continuer à traiter ». Les scandales liés à la pédophilie ont, en effet, profondément affecté l’Église en Europe, alors que des scandales continuent à être révélés.

De son côté, le père Iba estime qu’en Afrique, « le plus grand défi est peut-être de conjuguer foi chrétienne et réalités africaines, sans tomber ni dans l’imitation pure de l’Occident ni dans une religiosité sans profondeur. Il nous faut une Église enracinée dans la culture africaine, mais fidèle à l’Évangile ».

Il souligne également l’expansion rapide des sectes qui attirent beaucoup de monde avec des promesses rapides. Mais surtout, « il y a aussi la question de la pauvreté, des inégalités, de la corruption », assure-t-il, « l'Église ne peut pas rester silencieuse face à ces injustices ».

Même son de cloche au Liban et au Moyen-Orient selon le père Khairallah, qui s’interroge : « comment l’Église au Liban, avec toutes les crises économique, sociale, financière et politique, saura-t-elle être à l’écoute des personnes démunies ? ».

Un autre défi dans la région réside selon lui dans le « dialogue, la rencontre avec les autres religions, notamment l’islam et le judaïsme, pour ce qui est de l’Église en Terre Sainte ».

Un programme particulièrement chargé attend donc le futur successeur du pape François, sous le regard attentif de la communauté chrétienne.

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