
En réponse à l’attaque meurtrière au Cachemire qu’elle impute au Pakistan, l’Inde a infligé une série de sanctions diplomatiques, largement symboliques, à son voisin, mais envisagerait aussi, selon les analystes, de riposter militairement.
Même si Islamabad a nié toute implication, les premières sanctions sont tombées vingt-quatre heures à peine après l’attentat qui a causé la mort de 26 civils dans le Cachemire indien.
New Delhi a suspendu un traité sur le partage de l’eau, fermé le principal poste-frontière terrestre entre les deux pays, rappelé des diplomates puis ordonné à tous les citoyens pakistanais de quitter son sol d’ici au 29 avril.
Mais les experts estiment que l’Inde n’en restera pas là et qu’une riposte militaire pourrait suivre d’ici quelques jours ou quelques semaines.
«Je le dis au monde entier: l’Inde identifiera, poursuivra et punira les terroristes et ceux qui les soutiennent. Nous les poursuivrons jusqu’au bout de la terre», a promis jeudi son Premier ministre ultranationaliste hindou Narendra Modi.
Les tensions entre ces deux puissances nucléaires, qui s’étaient apaisées depuis quelques années, sont à leur plus haut depuis cet attentat.
«Cette attaque va replonger leurs relations dans la période la plus sombre», estime l’analyste Praveen Donthi, de l’International Crisis Group (ICG).
«Compte tenu de l’approche sécuritaire du gouvernement de M. Modi, ils pourraient recourir à des mesures d’action militaire d’ici quelques semaines», ajoute-t-il.
«Rupture»
L’attentat de mardi a profondément choqué le pays le plus peuplé de la planète (1,4 milliard d’habitants), non seulement parce qu’il a visé des civils, mais aussi une ville touristique.
Depuis quelques années, les violences étaient de moindre envergure et généralement limitées à des affrontements entre insurgés et forces de sécurité.
Le secteur du tourisme, vital pour l’économie locale, en a rarement fait les frais.
«Une attaque importante dans une région touristique constitue une rupture», estime Ajai Sahni, expert en contre-terrorisme à l’Institut de gestion des conflits basé à New Delhi.
M. Sahni suggère même qu’il existait un «contrat tacite» pour épargner le secteur touristique car, souligne-t-il, «presque tout le monde» au Cachemire indien en dépend plus ou moins.
Pour New Delhi, les 3,5 millions de touristes qui ont visité la région à majorité musulmane en 2024, pour l’essentiel des Indiens, selon les chiffres officiels, constituaient un symbole d’un «retour à la normalité et à la paix» après des années de troubles.
«L’une des raisons (…) de cette attaque pourrait être que le gouvernement a commencé à lier le nombre de touristes (…) à ce récit de (retour) à la normalité», avance M. Donthi.
«Les insurgés ont finalement changé (leur stratégie). Habituellement, ils n’attaquent pas les touristes et les civils», poursuit l’analyste, «et cela va marquer une escalade du conflit».
Le spécialiste de l’Asie du Sud basé aux États-Unis Michael Kugelman table pour sa part sur un recours à la force de l’Inde.
«Peu de résultats»
«Je ne pense pas nécessairement que cette réponse interviendra rapidement», anticipe-t-il. «Je soupçonne New Delhi de vouloir prendre du temps (...) pour étudier l’éventail des représailles possibles».
L’attaque la plus meurtrière des dernières années remonte à février 2019.
Des insurgés avaient lancé, à Pulwama, une voiture remplie d’explosifs sur un convoi de police, faisant 40 morts et au moins 35 blessés. Douze jours plus tard, des avions de chasse indiens avaient frappé le territoire pakistanais.
Les représailles annoncées jusque-là par New Delhi revêtent un caractère largement symbolique.
Le Traité des eaux du fleuve Indus, qui régule leur répartition entre les deux pays, a été suspendu, mais cela ne signifie pas que l’Inde puisse soudainement couper le robinet au Pakistan.
La fermeture de l’unique poste-frontière terrestre entre les deux pays n’est pas significative en raison du faible nombre de citoyens qui le franchissent.
Elle l’est plus pour le folklore de la cérémonie qui accompagne chaque soir sa fermeture. Très prisée des visiteurs, elle a été peu affectée par les nombreuses crises diplomatiques bilatérales.
Ajai Sahni doute de l’efficacité pour l’Inde d’une éventuelle réponse militaire.
«Il y en a eu par le passé (...) Elles ont été claironnées comme des succès, mais n’ont jamais obtenu de résultats significatifs».
Avec AFP
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