Nucléaire iranien: une vingtaine d’années de manœuvres dilatoires
©shutterstock

Le bras de fer entre l’Occident et la République islamique iranienne autour du dossier nucléaire est une longue histoire jalonnée de manœuvres dilatoires, de supercheries et de stratégie de camouflage pratiquées patiemment par le régime des mollahs pendant plus de vingt ans. Discussions, tractations, pressions diplomatiques, négociations, résolutions onusiennes se sont étalées sur près d’un quart de siècle. La supercherie iranienne se poursuit sans doute jusqu’à nos jours et rien ne permet d’indiquer qu’elle n’est pas toujours de mise dans le cadre des pourparlers engagés actuellement avec l’administration Trump.

Le programme nucléaire iranien remonte en réalité à l’époque du Chah, dans les années 50 du siècle dernier. Il faisait l’objet d’une coopération étroite avec les principaux pays occidentaux, États-Unis en tête, l’Iran étant alors une puissance alliée de l’Ouest. La donne sur ce plan changera radicalement à la suite de la posture clairement agressive et belliqueuse adoptée par la République islamique vis-à-vis du camp occidental, et de Washington en particulier, qualifié de «Grand Satan».

La coopération bilatérale dans le domaine sera donc, à l’évidence, stoppée, et dans les années 1990, l’Iran se mettra à la recherche, en vain, de partenaires (occidentaux) bénéficiant d’une technologie avancée afin de relancer le programme nucléaire, paralysé par le positionnement idéologique et radical du régime. À en croire des sources dignes de foi, c’est du Pakistan – puissance nucléaire islamique – que viendra l’aide nécessaire requise.

Au début des années 2000 – en août 2002, plus précisément – un dissident de haut rang dévoilait la présence de deux sites nucléaires clandestins, dont l’un destiné à l’enrichissement de l’uranium. Le bras de fer portant sur le programme nucléaire sera de ce fait relancé de plus bel. Le 23 décembre 2006, le Conseil de sécurité de l’ONU adoptait la résolution 1737 imposant des sanctions à l’Iran pour l’amener à mettre un terme à son programme d’enrichissement de l’uranium.

Depuis l’adoption de cette résolution onusienne, la «guerre du nucléaire» s’est poursuivie inlassablement pendant de longues années sans que les discussions et les démarches ne parviennent à briser le cercle vicieux de la ligne de conduite obstructionniste des mollahs dans le domaine. Il aura fallu attendre la bienveillance extrême du président Barak Obama à l’égard de l’Iran pour qu’un accord sur la limitation du seuil d’enrichissement de l’uranium soit conclu en 2015. Mais, en contrepartie, les mollahs de Téhéran obtiendront pratiquement carte blanche de la part de Barak Obama pour booster leur stratégie expansionniste au Proche-Orient et, parallèlement, le dossier explosif des missiles balistiques sera totalement occulté, malgré la position ferme du chef du Quai d’Orsay à l’époque, Laurent Fabius, qui réclamait avec insistance que ce volet soit inclus dans le document signé au terme d’âpres négociations.

La décision des États-Unis, prise en 2018 par le président Donald Trump, de se retirer de l’accord en question relancera de plus belle cette «guerre du nucléaire» entre l’Iran et l’Occident. La République islamique exploitera la situation pour accélérer l’enrichissement de l’uranium qui a atteint aujourd’hui le seuil critique des 60%, proche des 90% nécessaires pour acquérir la bombe.

En marge de la reprise actuelle des pourparlers entre l’administration Trump et Téhéran, la grande question qui se pose est de savoir si le pouvoir des mollahs a enfin pris conscience de la nécessité de mettre un terme à sa stratégie de déstabilisation, de sape, de déconstruction et de manœuvres dilatoires qu’il pratique au Proche-Orient depuis une vingtaine d’années…

En clair, est-il disposé, dans la pratique, loin des surenchères médiatiques, à inclure le dossier des missiles balistiques dans un éventuel accord avec Washington? Et de manière concomitante, est-il disposé à abandonner son appui massif à ses proxys dans la région? Les déclarations publiques des dirigeants iraniens répondent par la négative à ces deux interrogations. Il ressort en outre des commentaires des divers organes de la presse iranienne que le principe même des pourparlers avec les États-Unis fait l’objet de vives critiques dans les milieux radicaux et parmi nombre de hauts responsables politiques à Téhéran.

Indice significatif: le deuxième round des discussions bilatérales qui s’est tenu samedi dernier à Rome a été précédé à Beyrouth d’une série de déclarations incendiaires de plusieurs ténors du Hezbollah, dont notamment le secrétaire général Naïm Kassem, qui sont montés au créneau pour réaffirmer ce que leur parti sait faire le mieux: renier ses engagements et se livrer à ses traditionnelles menaces frontales et manœuvres d’intimidation en mettant l’accent sur le refus de la remise des armes à l’État et sur l’attachement au rôle de la «résistance», contre vents et marées.

Même l’ambassadeur d’Iran à Beyrouth, Mojtaba Amani, s’est mis de la partie en se permettant de qualifier de «complot étatique» la décision de désarmer le Hezbollah. Le président Joseph Aoun a vite fait, dimanche, à partir de Bkerké, de remettre les pendules à l’heure à cet égard en relevant, fort à propos, que lorsqu’il a soulevé le problème des armes (illégales) dans son discours d’investiture, il ne l’a pas fait pour se livrer à de la prose. «La décision du monopole des armes aux mains de l’État a été prise et elle sera appliquée», a-t-il lancé.   

Dans le climat actuel, l’orchestration et le timing des menaces et positions en flèche des responsables du Hezbollah indiquent que la télécommande a bien fonctionné, et à plein rendement, à partir de Téhéran. Les dirigeants iraniens ont-ils initié une telle escalade afin de montrer qu’ils disposent encore d’une capacité de nuisance sur la scène libanaise, ce qui leur permettrait de renforcer leur position dans leurs discussions avec l’administration américaine? Ou le durcissement manifesté à Beyrouth illustre-t-il plutôt une radicalisation croissante et une fuite en avant à Téhéran? Il faudra dans les prochains jours être à l’écoute de Mascate pour lever le voile sur les véritables desseins des mollahs de la République islamique à cet égard.   

    

Commentaires
  • Aucun commentaire