Christian Lacroix dévoile sa vraie vocation en costume
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Christian Lacroix abandonne la haute couture pour se consacrer à sa passion première: la création de costumes de scène. Une grande exposition au CNCS de Moulins rend hommage à vingt ans de travail au théâtre et à l’opéra.

Il se définit comme un «usurpateur», en haute couture: à 73 ans, Christian Lacroix se consacre à son «vrai métier», de costumier, transposant à la scène son style flamboyant, influencé par l’histoire de la mode, le folklore ou la peinture.

«Enfant, je pensais costumes, je pensais cinéma, je pensais théâtre», raconte le couturier français lors d’un entretien accordé à l’AFP depuis le Centre national du costume et de la scène (CNCS) de Moulins (centre), qui consacre une exposition à son travail des vingt dernières années.

«Avant de faire un détour de presque trente ans, de 1981 à 2009, par la haute couture, je me suis toujours rêvé, imaginé, voulu, costumier», écrit-il sur un panneau à l’entrée de cette exposition, visible jusqu’en janvier 2026.

Avant même la création de sa maison en 1987, ce natif d’Arles (sud), passionné par l’histoire du costume, évolue dans les coulisses des ateliers de théâtre et d’opéra. «J’ai mélangé les deux, je ne savais pas choisir», dit-il.

Il reçoit deux fois le Dé d’or, prestigieux prix remis à des créateurs de haute couture, en 1986 et 1988, mais se sent «un peu usurpateur en tant que couturier»: les vêtements «ne m’intéressaient pas en tant que technicien, je n’avais pas envie de coudre, je ne suis pas un vrai couturier en fait».

En 1995, il remporte un Molière lors de la principale cérémonie de récompenses du théâtre en France pour les costumes de Phèdre, puis un autre en 2006 pour ceux de Cyrano de Bergerac, tous deux pour la Comédie-Française, une institution culturelle résidant au cœur du Palais-Royal à Paris.

Cette fois, il ressent «un sentiment de fierté personnelle»: «je me suis dit, l’enfant que tu étais (...) si tu le croises au coin de la rue demain, tu pourras le regarder dans les yeux».

Taffetas et broderies 

Christian Lacroix laisse tomber la haute couture en 2009 à la suite des déboires financiers de sa maison revendue, et se consacre depuis aux costumes. « Oui, c’est mon métier ! », dit-il avec passion.

Avec plus de cent productions à son actif, il a travaillé à de nombreuses reprises avec les metteurs en scène Denis Podalydès et Éric Ruf pour la Comédie-Française, qui devient l’un de ses ports d’attache avec les Bouffes du Nord, l’Opéra Garnier, l’Opéra-Comique ou le Théâtre des Champs-Élysées.

L’exposition Christian Lacroix en scène est la troisième que lui consacre le CNCS, dont il est le président d’honneur.

Reflétant son goût pour l’histoire du costume, les salles sont aménagées par ordre chronologique, de la Renaissance jusqu’à la fin du XIXe siècle, avec certaines thématiques qui lui sont chères: «les santons», «Ailleurs» ou «Hyménées».

Tulle, taffetas, paillettes, broderies, volants ou fleurs ornent les vêtements des comédiens, parfois réalisés à partir d’éléments d’anciennes productions: «J’aime l’idée de ce costume qui peut ressurgir du passé, resservir».

La visite se termine en apothéose, entre enfer et paradis : momies, anges, démons, squelettes côtoient le costume lumineux du pape de La Vie de Galilée (2019).

«Fées marraines»

Pourquoi la scène l’attire-t-elle autant ?
«L’intérêt pour la scène vient d’une crainte de la vraie vie», répond le couturier à la barbe poivre et sel, pour qui «travailler à partir de la peinture, de l’art et de la littérature» représente un «rempart» dans une période qui voit «partir en fumée les idéaux de son adolescence».

Ce qui l’inquiète le plus? «La disparition de la culture», «la manière dont on aborde le monde et l’humanisme», les fake news et l’intelligence artificielle.

En 2025, plusieurs scènes françaises présenteront ses costumes: La Fille du régiment à l’Opéra royal de Versailles, mais aussi Faust à l’Opéra de Lille et Le Vaisseau fantôme à l’Opéra du Capitole de Toulouse.

«Je crois que ce sont des fées marraines et des anges gardiens qui m’ont amené à un tel point de réalisation de mes projets, de mes fantasmes presque», s’amuse-t-il. «Par moments, j’en suis à me dire, mais quel rêve je peux avoir maintenant?»

Par Céline CASTELLA / AFP

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