En dix ans, l'IA a changé le jeu en NBA, et ce n'est que le début
Kawhi Leonard et Jimmy Butler. ©EZRA SHAW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

La collecte de données de match et leur analyse a profondément transformé le jeu pratiqué en NBA durant la dernière décennie et l'intelligence artificielle (IA) promet à la ligue professionnelle nord-américaine de basket un impact encore plus marqué dans les années à venir.

Une équipe identifie, grâce à l'IA, une façon de défendre qui lui permet de l'emporter en finale. Le scénario n'a rien de futuriste. Il s'est produit en NBA, il y a déjà plusieurs années, explique dans une vidéo Rajiv Maheswaran, de Second Spectrum.

“Ça a été le moment clef”, assure le fondateur de cette start-up qui fournit à la ligue une immense quantité de données sur le positionnement et les déplacements des joueurs durant une rencontre, recueillies grâce à des caméras.

La révolution a démarré au début des années 2000, avant que la NBA équipe toutes ses salles de caméras spéciales en 2013. En 2023, une innovation technologique a permis de passer à la 3D, un nouveau trésor pour les franchises de la ligue.

Grâce à 29 points d'identification différents pour chaque joueur, “désormais vous ne savez pas seulement où ils sont, mais comment est placée leur épaule, leur genou”, explique Ben Alamar, un des premiers consultants dans le domaine.

“Maintenant qu'on voit les membres, on peut évaluer si une posture défensive est bonne” ou pas, prend comme exemple Tom Ryan, vice-président de la NBA chargé de la recherche.

“Aujourd'hui, les 30 équipes (du championnat) s'en servent de façon significative”, selon Ben Alamar. “À des degrés divers, mais personne ne fait l'impasse”.

Houston, Golden State et Oklahoma City sont souvent cités parmi les premières équipes à avoir franchi le pas, au tournant des années 2010.

Cette saison, Oklahoma City, meilleure équipe de saison régulière, “joue différemment”, relève Dean Oliver, considéré comme le pionnier des “analytics” (l'analyse de données spatiales) en basket. “Ils provoquent plus de balles perdues et, en attaque, en commettent moins que les autres. Donc ils ont un avantage” fourni, pour partie, par l'IA.

“Cela ne va pas faire passer une équipe de 25 à 70 victoires sur la saison, mais cela peut l'amener de 50 à 55 ou 56”, estime Ben Alamar.

Aucune de la dizaine d'équipes contactées par l'AFP n'a accepté d'évoquer ses pratiques, le sujet étant considéré comme stratégique.

“S'aligner”

Avant même l'arrivée de la troisième dimension, les effets sur le jeu étaient déjà sensibles, souligne Dean Oliver, avec notamment une accélération en attaque, pour créer des tirs ouverts.

“On est dans l'optimisation des shoots”, poursuit celui qui a créé le ESPN Analytics Group, ce qui a poussé les équipes à privilégier le tir à trois points, avec un nombre de tentatives qui a doublé en quinze ans.

“Toute la ligue est très loin dans l'analyse de données”, a commenté, lors du All-Star Game, le meneur de Milwaukee, Damian Lillard. “On vous dit:on ne veut que des trois-points ou des lay-ups, pas de tirs à deux points. Cela enlève au jeu une partie de son originalité”.

“Vous ne pouvez pas jouer d'une façon si tout le monde joue d'une autre”, a-t-il ajouté. “Il faut s'aligner avec ce qui marche pour gagner”.

L'affaire a pris de telles proportions que le commissaire de la NBA, Adam Silver, a indiqué que des changements étaient à l'étude pour limiter l'uniformisation du jeu.

“Il y a encore beaucoup de marge d'amélioration” dans l'analyse de données, avance Dean Oliver. “On a une masse de données (tirées de la captation en 3D, NDLR) mais on ne l'a pas encore convertie en connaissances qui puissent être relayées aux joueurs”.

Le consultant voit notamment l'IA contribuer en défense, “qui est un peu en retard” par rapport à l'attaque.

La ligue, elle, mène de front plusieurs chantiers liés aux “analytics” et à l'IA, notamment sur l'arbitrage, car si l'analyse prenait auparavant des heures, elle se fait aujourd'hui en temps réel.

“Notre idéal, ce serait de pouvoir utiliser les capteurs pour dire, par exemple, qui a touché en dernier une balle sortie en touche, plutôt que d'avoir à regarder la séquence” pour qu'un arbitre fasse le même constat, décrit Tom Ryan. “Il s'agit de prendre des décisions (arbitrales) avec plus d'acuité, plus vite et avec de la transparence pour les fans”.

La transformation de données spatiales est aussi un moyen de diversifier son offre, comme lors du match de Noël entre San Antonio et New York qui a bénéficié d'une retransmission alternative, en temps réel, sous forme de jeu vidéo, grâce à l'IA.

“Nous voulons vendre notre sport», fait valoir Tom Ryan, «et le présenter sous des formes attractives”.

Par Thomas URBAIN / AFP

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