
Le Conseil des ministres a validé, mardi dernier, les motifs du projet de loi sur la restructuration des banques. Une nouvelle séance est prévue demain, vendredi, pour poursuivre son étude, autour de deux principes que le gouvernement présente comme complémentaires: la protection des droits des déposants et la relance du secteur bancaire afin qu’il retrouve son rôle dans le financement de l’économie et la stimulation de la croissance.
L’objectif principal du gouvernement est d’accélérer l’adoption de la loi sur la levée du secret bancaire ainsi que celle relative à la restructuration du secteur bancaire, afin de répondre aux exigences du Fonds monétaire international (FMI) avant le départ de la délégation libanaise aux réunions de l’institution prévues le 21 avril.
L'objectif, à ce stade, est de faire bonne figure auprès du FMI dans l'espoir d'obtenir un nouvel accord de financement. C’est d’ailleurs ce qu’ont souligné le chef de la délégation du FMI à Beyrouth, Ernesto Ramirez Rigo, et le représentant résident du FMI, Federico Lima, lors de leur dernière rencontre avec le ministre des Finances, Yassine Jaber. Ils ont déclaré: «Le Liban doit adopter ces lois avant les réunions avec les hauts responsables du Fonds à Washington, si le gouvernement souhaite progresser dans les négociations autour du programme du FMI.»
Dans cette optique, le gouvernement s’efforce à accélérer l’adoption de la loi sur la restructuration des banques, après avoir déjà approuvé la modification de la loi sur le secret bancaire et l’avoir transmise au Parlement. Par la suite, il compte s’attaquer à l’élaboration d’une législation pour traiter le déficit financier.
Le gouvernement a approuvé les motifs du projet de loi relatif à la restructuration des banques, mais plusieurs observations peuvent être soulevées, notamment concernant les motifs annexés, validés également par l'exécutif. En effet, ces motifs annexés posent un problème majeur parce qu’ils abordent le texte de manière déconnectée des réalités de la crise actuelle dans une grande partie de leurs articles et paragraphes.
En réalité, les véritables justifications pour l'adoption de ce projet de loi sont liées à la nécessité de compléter la législation bancaire requise, notamment la loi sur la résolution bancaire, et non à la gestion de la crise financière actuelle, qui résulte du déficit financier abyssal du pays.
Le projet ne prend pas non plus en compte les effets de la crise ni les lois futures destinées à y répondre, d’autant plus qu’il est fort probable que plusieurs de ses articles devront être modifiés une fois que seront adoptées les lois suspendues depuis le 17 octobre 2019, à savoir celles concernant le «rééquilibrage du système financier» et la «régulation des retraits des dépôts bancaires». En théorie, les motifs du projet de loi seraient pertinents dans un contexte normal, face à des difficultés ponctuelles affectant une ou plusieurs banques.
Dans ce cadre, une législation pourrait être mise en place pour réorganiser les banques en vue de leur redémarrage. Toutefois, dans la situation actuelle, marquée par une «crise systémique» et l'effondrement total du système financier et monétaire, les causes sous-jacentes sont bien plus complexes: des politiques gouvernementales inefficaces, une dette publique insoutenable, un déficit budgétaire élevé et un déséquilibre commercial majeur.
L’application de la loi proposée entraînera probablement la liquidation de la majorité des banques, en rendant les gestionnaires responsables de leur propriété et de leur administration depuis une décennie comptables de leurs actifs et de leur gestion. Une question cruciale se pose: comment dissocier «la répartition des pertes» ou les créances envers l’État et la Banque du Liban de la gestion des banques elles-mêmes? Comment évaluer les banques si aucune méthode n'existe pour traiter les emplois au sein de la Banque du Liban et des titres souverains?
Par ailleurs, étant donné l’incertitude quant au contenu exact de la loi sur «la réconciliation du système financier», notamment concernant la capacité des banques à absorber les conséquences du non-respect des engagements de l’État et de la Banque du Liban (BDL), il devient indispensable que les principes de responsabilité définis dans le projet excluent les cas de défaillance liés à l’application de cette loi.
Cela protégerait les banques des risques liés à une législation hypothétique, dont le contenu n’est pas encore connu, tout en tenant responsables les gestionnaires des banques ainsi que les actionnaires en cas de défaillance, notamment à la suite des pertes liées à l’incapacité de l’État et de la BDL à honorer leurs engagements, ce qui pourrait nuire à leur capitaux, leur crédibilité et fort probablement à leurs établissements.
Il est donc juste que le projet de loi précise clairement que la crise actuelle des banques est une «crise systémique» et que les responsables de leur gestion ne sont tenus comptables que pour les erreurs professionnelles qu'ils auraient commises, si celles-ci sont avérées. Bien que l'article 40 du projet de loi fasse référence aux «actifs des banques auprès de la Banque du Liban, ainsi qu’aux investissements dans les obligations ‘Eurobonds’ avant toute provision pour les pertes potentielles des dépôts», il aurait été préférable de traiter cette crise sous un cadre législatif global qui intègre à la fois la réforme du secteur bancaire et le rétablissement de l'équilibre financier.
Il est également essentiel de préciser que les comptes de liquidité et de solvabilité devront se baser sur l’idée que les fonds ou dépôts que les banques ont placés à la Banque du Liban ne constituent pas des pertes. Ainsi, les dépôts des citoyens ne doivent pas non plus être considérés comme des pertes.
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