Révisions de la loi électorale
©Shutterstock

Le Liban n’a jamais tenu d’élections législatives sans revoir au préalable sa loi électorale, cherchant constamment à ajuster les mécanismes de vote aux dynamiques politiques changeantes et aux intérêts des partis dominants.

Bien que l’accord de Taëf ait établi les gouvernorats comme circonscriptions électorales, les élections de 1992 ont été marquées par des irrégularités, ne respectant pas les principes d’équité. En 1996, des ajustements ont été apportés, mais la loi inique de Ghazi Kanaan de 2000 a réduit de manière significative l’influence électorale des chrétiens, les empêchant d’élire plus de 15 de leurs représentants.

Le tournant majeur a eu lieu en 2005, après le retrait des troupes syriennes. La réforme électorale est devenue un enjeu de premier plan, mais le maintien des élections à la date prévue a retardé tout changement législatif. Ce n’est qu’en 2008, avec l’accord de Doha, que des amendements ont été adoptés, réintroduisant la loi électorale de 1960 à Beyrouth, avec quelques ajustements.

En 2013, les élections ont été suspendues pour permettre l’élaboration d’une nouvelle loi électorale, un processus qui a abouti en 2017 avec l’instauration de la représentation proportionnelle. Malgré les nombreuses propositions concurrentes, dont celles du Comité Fouad Boutros et de la loi "orthodoxe", la réforme prend finalement forme.

Aujourd'hui, une nouvelle révision se profile, après que Nabih Berry, le président du Parlement, a convoqué des commissions parlementaires pour discuter de la réforme électorale et de la création d'un "Sénat". Parallèlement, le député Ali Hassan Khalil propose deux idées ambitieuses pour faire du Liban une circonscription électorale unique.

Cette proposition de circonscription unique rencontre une opposition immédiate de la part des chrétiens, des druzes et des sunnites. Derrière cette résistance, cependant, se cache un objectif plus large: relancer le débat sur la loi électorale. Dans le système actuel, le bloc chiite, majoritaire au Parlement, semble assuré de sa victoire, consolidant ainsi son bastion de 27 sièges. Une circonscription unique ne ferait qu’amplifier cette domination, ouvrant la voie à un nouveau partage du pouvoir en fonction des évolutions démographiques.

Au cœur de ce débat se pose une question centrale: quel doit être le rôle véritable du Parlement et de ses députés? Si la fonction de député se limite à un service clientéliste, un système de circonscription unique semble le plus adapté. Si l’objectif est de garantir une représentation sectaire, la loi "orthodoxe" paraît la plus pertinente. Mais si la priorité est d’assurer une véritable efficacité législative, alors un système basé sur des circonscriptions de taille moyenne, orienté vers des politiques publiques, reste la solution la plus équilibrée.

Le véritable enjeu réside toutefois dans le fait que les députés n'ont pas encore réussi à s'accorder sur la véritable fonction d'un parlementaire. Certains la voient comme un rôle axé sur le service, mettant l'accent sur les services clientélistes, tels que libérer des détenus, fermer l’œil sur la contrebande ou encore gérer des problèmes locaux, tandis que d'autres la considèrent comme une tribune pour maintenir l'équilibre politique.

Alors que le pays traverse une phase cruciale, les propositions de réforme électorale se multiplient, chacune visant à corriger les défauts d’une loi jugée injuste sous plusieurs aspects. Toutefois, l’unité nécessaire pour proposer une alternative cohérente semble encore hors de portée. Face à cette fragmentation, l’alliance chiite Amal-Hezbollah se montre plus unie que jamais, poussant pour une circonscription unique. Dès lors, le débat sur la loi électorale est-il une véritable tentative de réforme, ou n’est-ce qu’un prétexte pour prolonger la durée du mandat du Parlement actuel?

 

Commentaires
  • Aucun commentaire