
Avec Lumière, l’aventure continue!, Thierry Frémaux célèbre les débuts du 7e art en redonnant vie aux films des frères Lumière. Ce documentaire, en salles mercredi, met en avant un patrimoine cinématographique essentiel et interroge la place du cinéma dans notre époque dominée par l’image numérique.
"Prendre soin du cinéma, c'est prendre soin de nous-mêmes. C'est le premier patrimoine mondial du cinéma” dit le patron du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, qui continue son exploration des origines du 7e art avec un documentaire, en salles mercredi, réunissant une centaine de films des frères Lumière de la fin du XIXe siècle.
Avec Lumière, l’aventure continue!, ce cinéphile dit honorer "un devoir de restitution" aux salles obscures de ces petits formats tournés à Lyon, Alger, Lisbonne ou New York et soigneusement restaurés.
"Le cinéma porte une trace de quelque chose qui fut, une trace sincère, honnête, non manipulée", dit à l'AFP celui qui, à la tête de l’Institut Lumière, veille à la sauvegarde des 2 000 films de ces pionniers du 7ᵉ art. "Prendre soin du cinéma, c'est prendre soin de nous-mêmes", poursuit-il.
Où qu'il aille, Thierry Frémaux emporte avec lui une clé USB contenant ces petits instantanés d'une vie passée : une sortie d’usine, l’arrivée d’un train en gare ou deux bambins se chamaillant pour de la nourriture. "Moi qui voyage beaucoup, je regarde ça dès que j’ai cinq minutes, mais je me dis que je ne vais pas garder ça pour moi.
En 2016, un premier documentaire, Lumière! L’aventure commence, avait refait surgir en salles ces premiers films de l’Histoire, nés en 1895 grâce au cinématographe d’Auguste et Louis Lumière. Selon la légende, les deux ingénieurs auraient conçu cette invention après une nuit d’insomnie.
Délégué général du Festival de Cannes depuis 2007, Thierry Frémaux, 64 ans, côtoie les plus grands noms du cinéma moderne mais conserve un lien particulier, quasi intime, avec les deux pionniers lyonnais.
"Le cinéma nettoie les yeux"
"Le cinéma a protégé notre histoire, notre passé. Nous sommes la génération, la civilisation du XXe siècle qui est allée au cinéma, et cette expérience nous a appris le monde d’une autre manière. Il faut préserver cela", décrit-il. "Le cinéma nous nettoie les yeux, qui sont contaminés par la manipulation des images".
Avec l’arrivée de la télévision, d’Internet ou des plateformes, le cinéma a été plusieurs fois donné pour mort. La Covid avait même réussi à fermer les salles obscures pour la première fois "Deux guerres mondiales n’y étaient pas parvenues", note Thierry Frémaux.
"Mais il résiste toujours, il a la peau dure, il résiste lui-même pour se défendre. Et c’est génial de se dire qu’il sera sauvé par les artistes, par les films et par le public", s’enthousiasme-t-il, affirmant sa confiance dans l’avenir du 7e art malgré l’intelligence artificielle, Instagram ou TikTok.
Les mini-films des Lumière ne seraient-ils d’ailleurs pas de lointains ancêtres des reels des réseaux? "En termes de fascination qu’exerçaient ces images, oui", répond Thierry Frémaux. "Les gens sont fascinés par les clips TikTok. On veut en voir encore un, encore un, encore un. Et les Lumière, c’est aussi ça".
Avec une portée radicalement différente. Par leur naturalisme et leur réalisme, les films des frères Lumière ont, selon Thierry Frémaux, posé les premières pierres de la Nouvelle Vague. Autre pionnier français du 7ᵉ art, Georges Méliès, maître de l’illusion et de la truculence, aurait, lui, préfiguré le cinéma hollywoodien.
"Ce n’est pas une adversité. Ce n’est pas une opposition. Ce ne sont pas des ennemis. Moi, je peux aimer les films de James Cameron et ceux de Chantal Akerman, parce que je suis ce cinéphile-là", dit Thierry Frémaux, qui doit bientôt boucler la sélection officielle du prochain Festival de Cannes.
Le palmarès 2024 avait consacré le rôle prescripteur du raout cannois. Anora, Palme d’or, a été sacré aux Oscars, et Emilia Pérez, lauréat du prix du jury, a tout raflé aux César. L’année précédente, Anatomie d’une chute avait triomphé à Cannes avant, là encore, de collectionner les récompenses.
"À chaque fois, on se dit qu’on n’arrivera pas à faire aussi bien que l’année précédente", souffle Thierry Frémaux. "Et là, de nouveau, je n'en sais rien du tout. Il y a encore beaucoup de choses à voir".
Avec AFP
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