
Omniprésent et déterminé, le président français Emmanuel Macron est de retour sur la scène internationale face aux bouleversements mondiaux. Cependant, certains de ses opposants politiques l'accusent de dramatiser la situation ou d'en profiter pour intervenir à nouveau dans les débats de politique intérieure.
Sommets, échanges avec la presse et les internautes, allocution solennelle : le chef de l'État multiplie les interventions pour alerter sur l'avènement d'une "nouvelle ère", la "menace russe" et la possibilité que les États-Unis de Donald Trump ne soutiennent plus l'Europe.
Jeudi à Bruxelles, il a salué "un réveil stratégique profond" de l'Union européenne, qui a décidé de renforcer sa défense pour réduire sa dépendance à Washington.
Mardi, il s'est adressé aux chefs d'état-major des pays prêts à participer à la protection de l'Ukraine dans le cadre d'un futur accord de paix avec la Russie.
Les résultats dans l'opinion sont tangibles : Emmanuel Macron réussit à sortir des bas-fonds de l'impopularité où il stagnait depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin dernier (l'une des deux chambres du Parlement).
Bien que sa cote de confiance reste relativement basse, elle a nettement augmenté dans plusieurs baromètres, avec jusqu'à sept points gagnés en un mois.
Surtout, les Français "sont plus que favorables" aux positions du président, qu'il s'agisse d'augmenter le budget des armées ou d'envisager l'extension du parapluie nucléaire français à d'autres pays européens, selon Gaël Sliman, de l'institut Odoxa.
Privé de moyens d'action sur le plan intérieur en raison de l'absence de majorité parlementaire, "il avait tenté plusieurs fois de reprendre la main sur des sujets anecdotiques", ce qui s'était "retourné contre lui" dans l'opinion, souligne le sondeur. Mais cette fois, les Français jugent "plus que légitime" qu'il s'empare du dossier ukrainien.
Pour un proche du chef de l'État, ce dernier, ces derniers mois, ancré sur ses prérogatives — à savoir la diplomatie et la défense — peut ainsi "faire entrer son domaine réservé dans la vie quotidienne des gens".
"Mise en scène"
Emmanuel Macron peut savourer un relatif consensus.
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, reconnaît qu'il se "retrouve parfaitement" sur ces priorités présidentielles. Même ses détracteurs, Jean-Luc Mélenchon (LFI, gauche radicale) et Marine Le Pen (RN, extrême droite), peinent à formuler une opposition claire.
À gauche, les principales réserves concernent la volonté du président de renforcer la défense "sans augmenter les impôts". Une manière de se réinviter dans la définition des politiques publiques pour la première fois depuis la dissolution.
Du Parti socialiste à la gauche radicale, en passant par les Écologistes, tous ont appelé à une contribution accrue des plus aisés.
À droite, et surtout à l'extrême droite, l'angle d'attaque consiste à accuser le chef de l'État de jouer avec les peurs.
"Si, après trois ans, la Russie a du mal à avancer en Ukraine, il est peu probable qu'elle ait l'ambition de venir jusqu'à Paris", a ironisé Marine Le Pen, chef des députés du Rassemblement national, face à la "menace russe" brandie par l'exécutif.
Le centriste Hervé Morin, ancien ministre de la Défense, a accusé le président "d'inquiéter excessivement" les Français par "une mise en scène permanente", au risque d'être un "facteur d'escalade" face à la Russie.
Au sommet de l'État, on ne nie pas que "l'angoisse" générée par le rapprochement spectaculaire entre Donald Trump et Vladimir Poutine "permet aussi à l'Europe de se prendre en main".
Mais la "menace russe est réelle et sérieuse" et le gouvernement français ne fait pas de "surenchère guerrière", a affirmé mercredi sa porte-parole, Sophie Primas.
Les alertes présidentielles, en tout cas, correspondent à un état d'opinion extrêmement préoccupé par la situation géopolitique. "Les gens peuvent se dire qu'Emmanuel Macron peut se refaire dans les sondages à la faveur de la crise, oui, mais pas qu'il en fait des tonnes exprès pour revenir dans le jeu", estime Gaël Sliman.
Par Francesco FONTEMAGGI -AFP
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