
Touchée de plein fouet par les coupes budgétaires américaines, l'agence de l'ONU pour les migrations (OIM) est aussi accusée par des employés anciens et actuels de faire le jeu de l'administration Trump avec son programme d'aide au retour volontaire de migrants.
Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche est doublement déstabilisante pour l'OIM : financièrement mais aussi parce que l'offensive anti-immigration de l'administration américaine touche au cœur même de sa mission.
"Ces réductions de financement affectent directement la capacité de l'OIM à soutenir certaines des personnes les plus vulnérables" et vont créer "plus de souffrance, de migration et d'insécurité", a déclaré à l'AFP un porte-parole de l'OIM.
L'organisation, qui employait environ 22.000 personnes fin 2024, a licencié des milliers de personnes en raison des annonces de Washington.
Et son programme d'aide au retour volontaire (AVR) des migrants en Amérique latine dans leur pays d'origine est accusé de donner une certaine légitimité à la politique d'expulsion américaine.
Le porte-parole explique que l'agence s'engage "à fournir de l'aide humanitaire et des options pour un retour volontaire aux gens récemment expulsés des États-Unis vers le Costa Rica et le Panama".
Ces deux pays ont accepté sous la pression de l'administration Trump de servir de relais dans le rapatriement des migrants expulsés des États-Unis.
"Bouée de sauvetage"
L'agence a annoncé début février muscler son programme AVR en Amérique latine et notamment sa reprise au Mexique, au Guatemala, au Honduras et au Panama.
Pour l'agence onusienne ces programmes sont une "bouée de sauvetage pour les migrants bloqués" qui permet d'apporter un "soutien urgent" à ceux "qui ne peuvent ou ne veulent pas rester dans les lieux où ils se trouvent et qui ont besoin d'aide au retour, en toute sécurité et dans la dignité".
Sans cette aide, leur situation "serait bien pire", insiste le porte-parole.
L'une des milliers d'employés de l'OIM ayant reçu un préavis de licenciement le mois dernier accuse l'organisation de faire trop d'efforts "pour s'aligner" sur la nouvelle administration.
C'est "très inquiétant", dit-elle à l'AFP, sous couvert d'anonymat.
"La réputation de l'OIM en prend un coup", renchérit un autre ancien employé, souhaitant également rester anonyme.
Des critiques dirigées contre une agence déstabilisée par la menace de voir 40 % de son budget -la part payée par les États-Unis- disparaître.
"Décisions difficiles"
"Nous devons prendre des décisions très difficiles en matière de personnel" en raison du manque de fonds, a récemment déclaré à l'AFP la directrice générale de l'OIM, Amy Pope.
Le programme américain d'admission des réfugiés (USRAP), que l'administration Trump a suspendu, est le plus touché, alors que celle de Joe Biden, l'avait encouragé, permettant l'installation l'an dernier de plus de 100.000 réfugiés.
Quelque 3.000 des 5.000 employés de l'OIM travaillant pour l'USRAP ont perdu leur travail.
"Un véritable choc", a commenté l'employée licenciée.
Un autre ancien salarié a relevé que le personnel était "scandalisé" par la soudaineté avec laquelle ces licenciements ont été décidé.
D'autres suppressions massives d'emplois sont attendues au siège de l'organisation à Genève.
Selon une note interne du Comité de l'Association mondiale du personnel de l'OIM, lue par l'AFP, la direction a ordonné le mois dernier aux chefs de départements de réduire les coûts d'un certain pourcentage.
"Terrifiés"
Selon l'ancien employé, il se dit qu'un tiers des quelque 550 employés du siège pourraient être renvoyés car "les managers sont soumis à une pression énorme pour atteindre les quotas". "Les gens sont terrifiés".
Le personnel de l'OIM et les représentants syndicaux se sont plaints auprès de la direction.
Le mois dernier, un rapport de la plateforme d'informations sur le développement, Devex, avait par ailleurs créé des remous en suggérant que l'OIM avait enlevé de son site internet les contenus qui pouvaient être en lien avec les politiques de diversité, égalité et inclusion (DEI), combattues avec virulence par l'administration Trump.
L'OIM n'a pas répondu directement à cette allégation, mais a déclaré à l'AFP avoir "récemment relancé son site internet global à l'issue d'un examen d'un an, en affinant le contenu pour s'aligner sur l'évolution des contextes et conformément aux principes humanitaires des Nations unies".
"Nous pouvons nous aligner sur certaines priorités" de la nouvelle administration, mais "nous ne devrions pas perdre notre identité", a commenté l'employée licenciée.
Par Nina LARSON, AFP
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