Entre nouement et dénouement
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La scène internationale nous renvoie à des contradictions dont les écheveaux sont difficiles à démêler. Les complications émergentes en Ukraine, au Liban, à Gaza, en Syrie et en Iran, doublées des retournements abrupts sur la scène américaine, s'avèrent difficiles et font appel à la prudence et à des approches contextualisées en vue de contenir les effets d’enchaînement délibérément voulus par la Russie, l’Iran et la Chine. Les transitions heureuses qu’on pouvait souhaiter sont hors portée jusque-là tant que les politiques de sabotage projetées par l’axe néo-totalitaire ne sont pas neutralisées. 

L’attentisme et le pari sur la volonté de normalisation à cet endroit relèvent des souhaits sans lendemain. Quelles que soient les simulations, ces acteurs se positionnent à partir de considérations stratégiques et idéologiques non négociables et non sujettes à des conversions. Ce qui, en d’autres termes, nous ramène aux rapports de force et à la logique des endiguements mutants. La diplomatie transactionnelle prêchée par le président Trump bute sur des limitations qui vont resurgir de manière répétée et qui nous ramènent aux réalités de la nouvelle guerre froide et à ses leçons de sobriété.

Le dérapage diplomatique majeur de la Maison Blanche est non seulement de mauvais augure, mais il est surtout révélateur des dissonances cognitives du président Trump, de son approche étriquée de la vie internationale et des errements typiques du volontarisme politique. Le personnage a du mal à s’inscrire dans une tradition politique à laquelle on ne peut pas déroger impunément et il se trompe en voulant définir sa démarche comme un commencement absolu. 

Autrement, les réalités de la nouvelle guerre froide sont des données objectives contraignantes qui ne peuvent être exorcisées; le solipsisme en politique internationale n’est pas porteur. 

La politique du contournement, des arrangements de mauvais aloi avec un dictateur cynique, meurtrier, fera long feu avant même de commencer. Indépendamment du fait que le désengagement des États-Unis soit loin d’être faisable et ses effets pervers incalculables et éminemment délétères. Les enjeux stratégiques sont de grande ampleur et ne peuvent être réduits à des règlements de circonstances. La défaite de l’Ukraine au profit d’une Russie résolument anti-occidentale est une menace directe pour l’Europe, pour la sécurité transatlantique et pour la nécessité de faire bloc à la déferlante totalitaire pilotée par la Chine. 

Quels que soient les différends commerciaux avec le bloc atlantiste, les enjeux demeurent accessoires par rapport aux grands défis idéologiques et stratégiques. La fin du conflit russo-ukrainien est impérative et requiert une solution concertée où les acteurs atlantistes doivent conjointement arbitrer l’épilogue sur des bases équitables de trocs territoriaux et d’accords stratégiques et sécuritaires dûment avalisés par les pays concernés. Toute autre perspective entraînerait des conséquences désastreuses sur la paix continentale et mondiale.

Le renouement du Liban avec le reste du monde arabe à la suite de la visite du président Joseph Aoun en Arabie saoudite et à sa participation au sommet de la Ligue arabe a été immédiatement contrecarré par le régime iranien et par la mouvance politique chiite. Ce double rejet met en relief les fragilités structurelles du système interétatique et du système politique libanais. La fragilité des consensus et la vulnérabilité de la paix civile remettent en cause le processus de normalisation et les chances de reconstruction d’un pays entièrement dévasté et soumis aux aléas de la politique de puissance iranienne. 

La désintrication des enjeux est impossible dans le cadre d'une politique impériale et de domination aux modulations mutantes. L’unique alternative est celle du changement irréversible des rapports de force initié par la contre-offensive israélienne. La vigueur du mouvement de contestation en Iran, le renforcement des politiques de répression, la mise au rancart des tendances réformistes au sein du régime iranien minimisent les chances d’une solution négociée et privilégient la probabilité d’une guerre entre Israël, l'Iran et les USA. 

La communauté chiite libanaise est désormais otage des choix politiques et idéologiques de la stratégie de subversion chiite sur le plan régional et se situe dans des rapports d’extériorité et de conflictualité diffuse par rapport à la communauté nationale libanaise. Il est du ressort de la communauté chiite de trancher et de mettre fin aux équivoques d’un positionnement résolument agonistique. 

Le sommet interarabe sur Gaza est une démarche inédite qui pourrait aider les Palestiniens à récupérer leur autonomie politique et morale en se distanciant de la politique de puissance iranienne et des multiples avatars d’une usurpation dûment consentie par les mouvances politiques en milieu palestinien. La volonté de sabotage du régime iranien, le rejet du processus de normalisation par le Hamas et consorts, les équivoques de la déclaration interétatique et l’absence d’une plateforme palestinienne unifiée sont fortement compromettants et risquent de dérailler les politiques de réconciliation à maints niveaux. 

La politique iranienne et ses mandataires en milieux palestiniens sont des obstacles de taille qui finiront par préempter les chances de normalisation et par promouvoir les courants extrémistes en milieux israéliens. Au-delà de la variable palestinienne, le sommet arabe est un chemin obligé afin de casser les verrouillages d’un système interétatique bloqué et de promouvoir un narratif qui mette fin à des régimes endémiques de conflictualité. 

La libéralisation en cours en Syrie évolue dans des directions multiples en dépit et malgré tous les risques qui l’enveloppent de toutes parts. Néanmoins, elle a jusque-là failli à aborder la question ethno-nationale et à repenser les questions de gouvernance démocratique et ses rapports avec les régimes fédéraux. Le monolithisme idéologique hérité du nationalisme arabe, de l’islamisme et des registres scripturaires de l’islam classique s’érige en facteur dirimant. S’ajoutent à cela les rivalités stratégiques régionales et leurs incidences sur la possibilité d’un dialogue politique en vue d’arrêter des choix politiques internes. Les extraversions multiples du champ politique sont loin de favoriser des solutions négociées et de garantir l’intégrité d’une hypothétique communauté nationale.

Le scénario irakien reproduit à l’identique les impasses des contextes proche-orientaux. La segmentation du contexte irakien et ses instrumentalisations multiples remettent en question le fédéralisme irakien au profit des scénarios de guerre civile et du chaos. 

Cette grille de lecture et ses variants multiples ne sont pas rassurants quant à l’éventualité des schémas démocratiques et à leur prégnance dans un univers qui évolue dans des vides normatifs qui rendent improbable toute possibilité de scénarios iréniques.

 

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