
Le discours “indirect” du secrétaire général adjoint du Hezbollah, Naïm Kassem, prononcé dimanche, lors des funérailles de feus les secrétaires généraux Hassan Nasrallah et Hachem Safieddine au stade Camille Chamoun, était assez contradictoire et a laissé ses partisans perplexes. Kassem, loin d’être à la hauteur de la mission qui lui était confiée, a tenté de galvaniser une base en perte de confiance suite aux erreurs et échecs répétés du Hezbollah.
À l’instar de Hassan Nasrallah, il a tenté de s’exprimer avec force et véhémence, en vain, faute de charisme. Les acclamations soigneusement préparées à l’avance pour l’encourager sont restées sans effet, et l’atmosphère était dominée par la présence et les drapeaux iraniens, éclipsant presque totalement ceux du Liban. L’absence notable d’officiels libanais et des alliés traditionnels a renforcé l’image d’un parti plus isolé que jamais.
Le message du Hezbollah: “Notre doigt restera sur la gâchette”
Naïm Kassem a adressé ses messages à Israël et à l’étranger, tout en cherchant à rassurer son électorat par des slogans martiaux. Son discours se résume en une phrase: “Nous sommes toujours là, et ceux qui ont parié sur notre fin ont échoué”. Il a réaffirmé l’appartenance du Hezbollah à l’axe de la résistance, son attachement aux armes après la soi-disant victoire et a insisté sur la force et la résilience de son parti et de son peuple. Il a affirmé que le Hezbollah entrait dans une nouvelle phase, avec des stratégies et des outils différents, tout en martelant: “Notre doigt restera sur la gâchette et nous tirerons lorsque notre direction le jugera nécessaire.”
Mais cette position a été immédiatement contredite par une autre déclaration de Kassem, qui a assuré que le Hezbollah participera à la reconstruction de l’État et respectera l’accord de Taëf. Tentant de concilier l’inconciliable, il a voulu légitimer à la fois l’indépendance militaire du Hezbollah et son rôle dans les institutions étatiques, espérant ainsi faire d’une pierre deux coups et répondre aux critiques sur le déclin du parti de Dieu.
Une manœuvre politique vermoulue de contradictions
En adoptant une telle position, Kassem a voulu justifier sa prétendue victoire et minimiser l’impact du cessez-le-feu imposé par Israël en le présentant comme un choix stratégique du Hezbollah. Tout en affirmant que le Hezb avait respecté l’accord, contrairement à Israël, il a tenté de faire porter la responsabilité à l’État libanais – alors même que le Hezbollah ne l’a jamais consulté avant de lancer la guerre sous prétexte de l’unité des fronts, un concept qui a volé en éclats.
Kassem jongle donc entre le discours d’un parti engagé dans la construction d’un “État juste” et l’égalité entre les libanais comme bon lui semble. Pourtant, cette dualité masque une intention bien précise: maintenir la pression militaire tout en se rendant indispensable dans le jeu politique interne. Il a même proposé que le Liban négocie diplomatiquement avec Israël pour récupérer cinq collines stratégiques dans le Sud, une suggestion qui illustre l’ambiguïté du Hezbollah, tiraillé entre son rôle de force militaire indépendante et celui d’acteur institutionnel. Cependant, dans les faits, il ne dispose plus des capacités militaires ni de la résilience nécessaires pour le faire.
Une direction et une base déboussolées
Partant, cette confusion touche autant la direction du Hezbollah que sa base populaire, et elle ne fera qu’empirer tant que le Hezb refusera d’admettre la nouvelle donne militaire. Il oscille entre acceptation et rejet des conditions imposées par Israël, selon une logique difficile à suivre.
Par ailleurs, le fait de responsabiliser l’État est une erreur stratégique, car c’est en réalité Nabih Berry qui a accepté les conditions israéliennes en tant que représentant du Hezbollah. Mais le plus inquiétant reste l’intention du Hezbollah de vouloir participer à la construction de l’État, une démarche qui cache en réalité une tentative de manipulation. En effet, pour le Hezb, l’édification de l’État ne repose pas sur une vision nationale, mais plutôt sur un projet religieux destiné à mobiliser la communauté chiite.
Enfin, toute discussion sur une stratégie de défense nationale n’a d’intérêt pour le Hezbollah que si elle sert ses propres objectifs. Les déclarations de Naïm Kassem à ce sujet ne sont qu’une manœuvre de plus pour gagner du temps et tenter de reconstruire sa puissance sous une autre forme, alors que ses canaux de financement et de ravitaillement militaire sont de plus en plus restreints.
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