14 milliards: les pertes historiques et dévastatrices du conflit Hezbollah-Israël

Selon une estimation quasi définitive de la Banque mondiale (BM) révélée en début de semaine lors d'une réunion au Grand Sérail dédiée à ce dossier, les dégâts causés par le conflit entre le Hezbollah et Israël s’élèveraient à environ 14 milliards de dollars. Une somme colossale pour le Liban, déjà en proie à une économie exsangue.

14 milliards de dollars! Voilà le montant historique et non moins colossal des dégâts causés par le conflit entre le Hezbollah et Israël. Cette somme englobe tant les dégâts matériels que les pertes économiques. Les besoins de financement pour la reconstruction se chiffreraient autour de 12 milliards de dollars. Cette évaluation met en lumière l'ampleur des dégâts subis par le pays, déjà fragilisé par une crise économique et financière sans précédent.

Pour l'économiste en chef de la Byblos Bank, Nassib Ghobril, les pertes économiques se chiffrent à 3 milliards de dollars au moins. Il indique que la méthode de reconstruction sera totalement différente de celle de 2006 qui a commencé aussitôt la guerre finie. “Il y avait davantage de liquidités en circulation dans le pays, dit-il, et les aides financières affluaient plus facilement”. Cette fois, les destructions sont beaucoup plus importantes qu’en 2006 et les montants consacrés à la reconstruction ne vont plus passer par les canaux traditionnels.

M. Ghobril rappelle que les villages du Sud sont entièrement détruits, par conséquent, il est question de plan de développement (routes, eau, électricité, télécommunications) et non de reconstruction de bâtiments. Pour ce qui est de la reconstruction de la banlieue sud, il estime qu’un plan urbain est nécessaire.

Le chercheur à l’institut Information International, Mohammad Chamssedine, donne des chiffres précis de l’étendue des dégâts. Il affirme que selon des statistiques, 51.000 unités résidentielles ont été complètement détruites, réparties comme suit: 9.000 unités dans la banlieue sud, 1.200 dans la Békaa, 22.000 dans les villages du littoral sud et environ 12.000 dans d’autres régions du Sud. Selon lui, la première estimation du coût des dégâts est d'au moins 8 milliards de dollars, pouvant atteindre 10 milliards en cas de coûts maximaux, “une somme qu’aucune partie n’est en mesure de supporter”. En outre, les dommages causés à l’infrastructure sont évalués à 700 millions de dollars.

Pour ce qui est du secteur de l’agriculture, Abdallah Nasreddine, conseiller de l’ancien ministre de l’Agriculture Abbas Hajj Hassan, affirme que les bombardements israéliens ont laissé des séquelles profondes. Ainsi, les terres agricoles destinées à la culture du blé, des légumes et des fruits ont été dévastées, entraînant la perte totale des récoltes qui auraient dû assurer un revenu aux agriculteurs. Les réseaux d’irrigation ont également été détruits, perturbant l’approvisionnement en eau nécessaire à l’agriculture. De plus, les terres ont été contaminées par les bombardements, avec des effets délétères sur la qualité du sol. On y constate ainsi la présence de produits chimiques et de substances toxiques, telles que le phosphore blanc, qui représentent une grande menace pour la production agricole future. Des mines ont aussi été disséminées, compliquant davantage les activités agricoles dans certaines zones. La majorité des installations agricoles ont été anéanties, dont les serres, les silos de stockage et les infrastructures de conditionnement. Les régions du Sud et de la Békaa ont été fortement touchées par la perte de nombreuses têtes de bétail, ce qui a affecté la production de viande et de lait. Les oliveraies, pilier de l’agriculture libanaise, ont été gravement endommagées, avec environ 60.000 oliviers détruits, entraînant des pertes économiques considérables. Il précise que la contamination des eaux de surface par des substances toxiques a eu des répercussions sur la faune et la flore des régions touchées, en particulier dans les 54 localités frontalières avec Israël.

Concernant le secteur privé, le CEO de Sacotel et président du réseau des entreprises familiales (FBN, Family Business Network), Ricardo Hosri, estime que les pertes découlant du manque à gagner causé par la guerre se chiffrent à plus de 50 milliards de dollars sur le long terme, en comptant les entreprises qui n’ont pas pu travailler, celles qui ont perdu des contrats et celles qui se sont délocalisées à l’étranger.

Une reconstruction basée sur l'aide internationale

Quid de la reconstruction? “Ce sera un défi de trouver les sommes nécessaires pour la reconstruction”, assure M. Ghobril. En effet, pour financer la reconstruction, “le Liban ne pourra faire autrement que de compter sur la communauté internationale”. “La Banque mondiale peut prêter un certain montant, mais elle ne peut pas prêter des milliards au Liban”, poursuit-il. Dans ce cadre, le ministre des Finances, Yassine Jaber, a confirmé que la Banque mondiale avait déjà prévu une enveloppe de 250 millions de dollars, précisant que la réhabilitation des services de base (routes, eau, électricité) dans les régions détruites était la priorité. De son côté, la Banque mondiale a proposé la création d’un fonds de reconstruction transparent. Lors de la récente réunion au Grand Sérail, les membres de la délégation de la BM ont souligné la nécessité d'établir un fonds spécifique pour la reconstruction, accompagné de réformes visant à assurer la transparence dans l’utilisation de l’argent. Un message clé pour rétablir la confiance et solliciter une aide internationale.

Pour sa part, l’Union européenne (UE) a annoncé, via la commissaire européenne à la Méditerranée, Dubravka Šuica, une aide d’un demi-milliard d’euros “si les critères sont respectés”. Ce montant est le reste de l’enveloppe d’un milliard d’euros déjà avalisée par la cheffe de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la première moitié ayant déjà été décaissée en août dernier.

M. Ghobril indique que le Liban devra donc “se baser sur des donations en provenance des pays du Golfe, lesquels ont exprimé leur soutien et leur volonté d’offrir leur support financier, toutefois conditionné par un changement concret dans la politique étrangère du Liban”. Il a précisé que ces pays attendent le plan de reconstruction que le Liban prépare avec la Banque mondiale.

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