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La formation du nouveau cabinet ministériel au Liban est une étape essentielle dans la reconstruction du processus étatique, après le vide institutionnel qui a été imposé par les fascismes chiites et la transformation de l’État en simulacre instrumenté par les politiques de domination alternées. La reconstitution de la dynamique étatique s’effectue par le biais du retour à un régime de consensualité, de réhabilitation des équilibres systémiques et d'engagements réformistes. Or, la vie politique reprend son cours en l'absence d'un débat sur des questions aussi critiques de culture politique et de raison d'être nationale. Les politiques avancent délibérément sur des non-dits et des clivages normatifs suffisamment graves pour remettre en question la viabilité du pays. Les différends sécuritaires et de politiques étrangères et financières ne sont que les reflets de divergences beaucoup plus profondes.
Nous assistons pour la première fois à la levée des hypothèques imposées par les régimes alternatifs de suzeraineté, de condominium et d'usage discrétionnaire du principe de souveraineté. Cette mutation n’aurait jamais pu s’effectuer sans le changement des rapports de force induit par la contre-offensive israélienne et ses conséquences stratégiques et politiques. La conjonction des mutations géostratégiques et de la nouvelle politique américaine fournit la plateforme à partir de laquelle devrait se structurer la démarche de rupture avec un passé lourd et lesté de contraintes rédhibitoires.
Le cabinet récemment formé de par sa complexion est interpellant sous maints rapports: l’ambiguïté de ses choix stratégiques est répercutée par des profils politiques qui se positionnent aux antipodes des mutations en cours et récapitulent le narratif de la démonisation d’Israël et du scénario des guerres ouvertes (Salam, Salameh, Mitri, ministres chiites et alliés …). Leur doxa n'a pas changé au travers de longs parcours, et leurs trajectoires politiques ne se sont jamais départies du “palestinisme”, de la politique de subversion iranienne et de leurs paradigmes idéologiques, alors que nous faisons face à des changements de récits et d’enjeux politiques et géostratégiques. La dynamique politique à l’œuvre au Liban est redevable de la mutation géostratégique et politique régionale et le pays a besoin de choix politiques clairs. Le danger des politiques en vase clos est dû aux déphasages qu'elles instituent.
La solution à ce dilemme sécuritaire et stratégique suppose la reconnaissance des faits et la mise au point d’une démarche politique de rupture allant dans le sens de la négociation d’un traité de paix avec Israël qui reprend tout un legs historique (les accords d’armistice de 1949, du 17 mai 1983, des frontières maritimes du 11 octobre 2022) à partir d’une nouvelle axiomatique basée sur la reconnaissance mutuelle et la normalisation des rapports entre les deux pays. Il s’agit là d’une question préjudicielle qui devrait surplomber l’élaboration de la déclaration ministérielle. Toute démarche qui ne prendrait pas la mesure des enjeux et des défis en cours finira par tourner court et par perpétuer l’état des conflits ouverts et leurs effets destructeurs. Il me semble que cette formation gouvernementale n’est pas à même de briser les interdits idéologiques et d’opérer les ouvertures requises avec les verrouillages idéologiques et stratégiques en place.
Autrement, le chapitre des réformes en matière de politiques publiques souffre d’une tare originelle, celle de l’absence du débat public et parlementaire autour de leurs enjeux (énergies, télécommunications, infrastructures, santé publique, éducation, justice, environnement, technostructures financières, etc.) et de l’occultation de la dimension philosophique, éthique, écologique et politique au profit d’une approche technocratique auto-référentielle. La démarche technocratique est autrement plus suspecte et fallacieuse parce qu’elle dissimule le jeu des intérêts financiers et des groupes qui s’en emparent.
L’élaboration des politiques publiques dans ce pays est non discursive, entièrement assujettie aux groupes d'intérêt et soustraite au débat sociétal, communautaire et universitaire. Les défaillances méthodologiques doivent être revues et réformées en amont au bénéfice d’une épistémologie critique communément absente dans les cultures managériales et leurs déclinaisons technocratiques. La déclaration ministérielle devrait nous instruire sur les schémas d'élaboration des politiques publiques et leurs incidences sur la participation civique urgemment requise. Le premier test est celui de la crise financière, des stratégies de redressement et de réhabilitation des cadres participatifs en vue de casser les verrouillages oligarchiques.
À la différence du processus de restructuration en cours en Syrie, le processus libanais a du mal à s’articuler sur des bases consensuelles, de changement de narratif, et à se défaire des lests idéologiques et politiques qui bloquent tout changement. La crise de gouvernance qui se profile à l'horizon reflète une autre crise de plus grande envergure, celle de l'absence d'un socle commun des valeurs et d'une volonté de réconciliation qui nous permettrait de dépasser les apories d'une communauté politique bloquée et à la recherche de consensus.
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