Le président, à la tête du peuple, prône la décentralisation élargie
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La question de la décentralisation administrative élargie demeure un enjeu délicat et un sujet de débats récurrents dans le paysage politique libanais. Souvent au centre des échanges entre les divers acteurs politiques, cette proposition a récemment été remise sur la table par le président de la République, Joseph Aoun. Selon lui, la décentralisation représente un levier essentiel pour favoriser un développement harmonieux, réduire les disparités régionales et renforcer la participation citoyenne dans la gestion des affaires locales. Le président souligne toutefois l’importance de mettre en place cette réforme tout en préservant l'État centralisé, afin de garantir la stabilité et l'unité du pays.

Abou Nassif: “La décentralisation élargie ne pose problème que pour ceux qui veulent monopoliser les ressources du pays”

Hicham Abou Nassif, professeur en relations internationales et spécialiste du Moyen-Orient, affirme que “la mise en œuvre de la décentralisation élargie, telle que stipulée dans l'accord de Taëf, pourrait être une première étape vers une fédéralisation du Liban”. Selon lui, cette approche n’est pas une menace, mais plutôt une opportunité de renforcer l'unité nationale et d'assurer un développement plus équilibré.

Il ajoute: “La décentralisation élargie permettra une distribution équitable des responsabilités, obligeant chaque parti à gérer efficacement ses propres territoires, ce qui renforcera les compétences des autorités locales”. En outre, il estime que ce modèle incitera les groupes armés, comme le Hezbollah, à rendre leurs armes à l'État. En cas de refus, une fédéralisation pourrait être envisagée, une solution non confessionnelle centrée sur l'intérêt général des Libanais, d’après lui.

Le professeur insiste également sur l'autonomie que la décentralisation offrirait aux régions, leur permettant de prendre des décisions concernant des projets d'infrastructure, la gestion des jours fériés et d’autres aspects du développement local. Cette approche, selon lui, inquiéterait surtout ceux qui cherchent à monopoliser les ressources du pays et à imposer leurs choix politiques.

Enfin, M. Abou Nassif soutient que “la décentralisation administrative élargie est la clé pour réformer l'État libanais. Elle permet, en effet, une répartition plus juste des ressources et des compétences, tout en contribuant à une gestion plus rapide, plus efficace et mieux adaptée des besoins spécifiques des régions.

Par ailleurs, elle concourt à l’amélioration des performances des administrations et à la réduction des charges pesant sur l'État central, diminuant ainsi les disparités économiques entre les régions riches et défavorisées.

Ibrahim Rihan: Les calculs confessionnels entravent la mise en œuvre de la décentralisation

Pour le politologue Ibrahim Rihan, “la décentralisation élargie présente de nombreux avantages, notamment en matière de développement équilibré, de renforcement de la sécurité et d'amélioration des finances publiques. Selon lui, ce système pourrait également faciliter le travail des institutions et consolider la confiance entre les citoyens et l'État, en permettant une gestion plus proche des préoccupations locales”.

Et d’ajouter: “Il est naturel que cette décentralisation contribue à apaiser les tensions confessionnelles, mais il est essentiel qu'elle soit mise en œuvre parallèlement à l'application intégrale de l'accord de Taëf. Cela doit commencer par la création d’une Commission nationale pour l'abolition du confessionnalisme politique, l'élection d'une assemblée nationale déconfessionnalisée et la mise en place d'un Sénat garantissant la représentation des différentes communautés. Sans ces mécanismes, l’on risque de voir la décentralisation se transformer en cantons confessionnels”.

M. Rihan souligne enfin que “les principaux obstacles restent d’ordre confessionnel, sans compter la peur de la responsabilisation et la lutte contre la corruption”. Il estime que la décentralisation renforcerait la transparence et limiterait la corruption, ce qui représenterait un défi pour les partis qui bénéficient du système centralisé et qui, selon lui, “s'opposent farouchement à cette réforme, craignant de perdre leur pouvoir et leur contrôle sur les ressources”.

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