Les relations commerciales entre le Liban et l'Arabie saoudite étaient florissantes, avec des exportations annuelles culminant à plus de 800 millions de dollars et des importations avoisinant 1,3 milliard de dollars. Cependant, les tensions politiques ont eu un impact négatif sur les rapports entre les deux pays, réduisant de plus de la moitié les échanges commerciaux entre eux et entraînant une perte importante de revenus pour le Liban. Le changement intervenu dans le pays, avec l’élection du général Joseph Aoun à la présidence, permettra-t-il un nouveau départ?
L'Arabie saoudite a toujours été un partenaire commercial majeur pour le Liban. Avant la détérioration des relations entre les deux pays à cause du Hezbollah en 2021, les exportations libanaises vers le Royaume étaient considérables, particulièrement dans les secteurs de l'agriculture, des produits alimentaires, des textiles et de l'artisanat. Ces échanges représentaient une source financière majeure pour le Liban, contribuant à l'injection de devises étrangères dans son économie. Une reprise devrait s’inscrire dans le cadre de la relance des relations libano-saoudiennes à la suite des récents développements positifs dans le pays. Le rétablissement de relations économiques et commerciales normales bilatérales signifie l'ouverture progressive de l'importation et de l'exportation. “Ceci devrait constituer un bond en avant dans l'exportation de produits libanais vers l'Arabie saoudite”, a expliqué à Ici Beyrouth le directeur général du ministère de l’Économie, Mohammad Abou Haidar.
Des relations rentables
M. Abou Haidar a révélé que “l'Arabie saoudite représentait environ 10% des exportations totales du Liban, avec un volume annuel des échanges commerciaux avoisinant les 618 millions de dollars”. Il a précisé qu’en 2015, le volume des exportations du Liban vers l’Arabie saoudite s’élevait à 377,45 millions de dollars. En 2020, il dépassait les 245 millions, pour chuter à 123,899 millions en 2022. Concernant les importations du Liban en provenance d’Arabie saoudite, elles se chiffraient à 379,96 millions de dollars en 2015, après avoir plafonné à environ 440 millions en 2013, pour retomber à 309,98 millions de dollars en 2022.
Il convient de souligner que le volume des importations a toujours été plus important que celui des exportations du Liban, à l’exception de l’année 2020. À cet égard, M. Abou Haidar a assuré que le ministère travaille à augmenter la part des exportations libanaises. Il a également souligné qu’en 2021, les principaux produits exportés vers l’Arabie saoudite comprenaient les huiles essentielles, les cosmétiques et les parfums (11%), suivis des légumes et fruits (8%), du chocolat et des préparations chocolatées (7%), des perles précieuses ou semi-précieuses (6%), ainsi que des meubles, lits et matelas (11%). Cependant, un an plus tard, en 2022, les produits exportés sont devenus plus variés: il ne s'agissait plus de produits fabriqués ou cultivés au Liban, mais plutôt de livres et de journaux, qui ont représenté 68% des exportations libanaises vers le Royaume
Quant aux importations du Liban en provenance d’Arabie saoudite, elles sont principalement constituées de combustibles minéraux, qui représentaient 43% du total en 2022, ainsi que d’articles en plastique, comptant pour 26% la même année. L’importation de produits pharmaceutiques est passée, pour sa part, de 8% en 2021 à 3% en 2022. “À son apogée, en 2014, le commerce entre le Liban et l'Arabie saoudite représentait quelque 760 millions de dollars”, a souligné M. Abou Haidar.
“Au cours des deux dernières années, un terrain fertile a été préparé pour la mise en œuvre d'une série d’accords entre le Liban et le Royaume”, a-t-il indiqué. Ces accords couvrent des secteurs aussi divers que l’économie, le développement, le commerce, les expositions, l’industrie, l’investissement, l’environnement, la défense, la coopération militaire, l’aviation civile, la lutte contre le terrorisme et son financement, la prévention de l'évasion fiscale, les douanes et le transport terrestre et maritime. Le principal objectif de ces accords est de soutenir le Liban dans sa démarche vers le développement, en le positionnant sur la voie des pays développés.
Il a estimé que la signature et l'annonce des accords renforceront considérablement la confiance dans le Liban et donneront un énorme coup de pouce à l'économie en attirant les investissements étrangers, parce que l'Arabie saoudite est “une porte d'entrée et un corridor économique vers différents pays arabes et étrangers”. “En outre, le secteur du tourisme va se redresser avec le retour des Saoudiens au Liban”, a-t-il ajouté
Relations rompues en 2021
Rappelons dans ce cadre que les relations entre le Liban et l'Arabie saoudite se sont tendues, fin 2021, lorsque le ministre de l'Information de l’époque, Georges Cordahi, avait critiqué l'implication de l'Arabie saoudite dans la guerre au Yémen. En réponse, le royaume a décidé de suspendre toutes les importations en provenance du Liban, au moment où le pays traversait une crise politico-économique majeure. L'Arabie saoudite ne voyait plus d'intérêt à maintenir des relations avec le Liban, en raison de la “domination du Hezbollah sur la scène politique” et “la réticence des dirigeants libanais à entreprendre les réformes requises”. Les flux commerciaux entre les deux pays ont également été affectés par la saisie de pilules de Captagon dissimulées dans des légumes libanais à destination du Royaume.
Une longue histoire de soutien
Il faut dire que le Liban a longtemps bénéficié du soutien de l’Arabie, notamment dans l'importation de pétrole saoudien, pour répondre aux besoins énergétiques du pays. En outre, le Royaume a longtemps été un investisseur clé au Liban, particulièrement dans les secteurs immobilier et bancaire. Les transferts de fonds en provenance d'Arabie saoudite ont aussi constitué une source importante de soutien financier pour de nombreux Libanais. L'Arabie saoudite a également fourni une aide financière substantielle au Liban sous forme de dons et de prêts, visant à soutenir l'économie libanaise et à renforcer les institutions du pays.
Après le contentieux diplomatique, plusieurs mesures ont été prises par Riyad, affectant gravement les relations économiques entre les deux pays. Ainsi, l'Arabie saoudite a suspendu plusieurs aides financières, notamment une aide de 3 milliards de dollars pour l'achat d'équipements militaires destinés à l'armée libanaise. Les investissements saoudiens au Liban ont diminué de manière significative. Les projets d'infrastructure soutenus par le Royaume ont été mis en suspens. Le Liban a également souffert d'une baisse du nombre de touristes saoudiens.
À l’heure où le Liban cherche à se relever de la crise économique, la normalisation de ses relations avec l'Arabie saoudite pourrait jouer un rôle clé dans sa reconstruction économique.
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