“Rien n’est plus imminent que l’impossible”. Des années durant, l’impossible était le maître-mot de la scène politique et sécuritaire libanaise, sous emprise iranienne. L’impossible retrait israélien, l’impossible déploiement de l’armée libanaise à la frontière, l’impossible dépôt des armes du Hezbollah… Aujourd’hui, et au lendemain de la guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 à l’issue de laquelle le Hezbollah est sorti affaibli, chacun est tenu à l’impossible. D’autant plus que le cessez-le-feu, entré en vigueur le 27 novembre 2024 pour mettre fin aux hostilités entre le Hezbollah et Israël, est arrivé à expiration.
Cette trêve, fruit d’intenses négociations, a été largement conditionnée par le respect des exigences de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée en 2006 à la suite d’une précédente guerre entre Israël et le Hezbollah. Après 60 jours de calme relatif, entaché de violations israéliennes, comment se présente la situation par rapport à l’application de cette résolution cruciale? Quelles dispositions ont été mises en œuvre? Lesquelles restent encore en suspens?
Ce qui a été mis en œuvre depuis le cessez-le-feu
Depuis la signature de l’accord du cessez-le-feu, plusieurs développements ont eu lieu. L’application – ne serait-ce que partielle – de la résolution 1701 en fait partie. Sont aujourd’hui en cours (à des rythmes inégalés) tant le déploiement de l’armée libanaise dans le sud du pays que le retrait israélien des territoires occupés, mais aussi, tant bien que mal, le désarmement “passif” du Hezbollah.
Sur les 15.000 membres des Forces armées libanaises (FAL) dont le déploiement est prévu par la résolution onusienne, sont actuellement positionnés à la frontière entre 6.000 et 8.000 soldats, dont 1.500 recrues, selon une source militaire proche du dossier. D’autres devraient les rejoindre, “une fois le financement nécessaire au recrutement, à la formation et à l’équipement assuré”, ajoute-t-on de même source, avant de préciser que “plus de 10.000 demandes sont pour le moment en suspens en raison du manque de moyens financiers”.
Une autre possibilité de laquelle le gouvernement libanais fait fi, est celle du recours aux réservistes de l’armée libanaise, comme le suggère le général à la retraite, Khalil Hélou. “Nous disposons de milliers de réservistes, déjà formés et qui ne demandent qu’à être appelés”, signale-t-il. Il rappelle, à cet égard, qu’en 2006, l’armée libanaise avait réussi à se déployer en l’espace d’une semaine en mobilisant 5.000 réservistes, au lendemain de l’adoption de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies qui a mis fin à la guerre entre le Hezbollah et Israël”.
“Il n’en demeure pas moins que côté libanais, la mise en œuvre du cessez-le-feu et, par extension, de la résolution 1701, est relativement respectée”, selon la source susmentionnée. En prenant position dans certaines zones sensibles près de la frontière avec Israël, l’armée assure un quasi-retour de l’ordre dans certaines zones où le Hezbollah était auparavant omniprésent. “Nous veillons à sécuriser la zone pour qu’elle soit habitable, et ce, en procédant au déminage des terrains, aux inspections, à l’ouverture des routes, etc.”, explique-t-on de même source.
Dans ce cadre, il convient de préciser que les Israéliens se sont retirés du secteur ouest (caza de Tyr) et de Kfarchouba et ont entrepris un retrait partiel du secteur central (Bint Jbeil). C’est le secteur est ainsi que la zone de Chebaa qui, eux, n’ont toujours pas été libérés.
À ces démarches s’ajoute le désarmement “discret” du Hezbollah qui “ne résiste pas aux manœuvres sécuritaires de l’armée et qui, au contraire, procède à un repli progressif du Sud”, pour reprendre les propos tenus par la source en question. “L’armée libanaise n’hésite pas à saisir les armes qu’elle trouve et à détruire les tunnels antérieurement construits par la formation dans plusieurs zones du Sud”, confie-t-on à Ici Beyrouth, avant de signaler que le comité de supervision réuni mercredi, a “reconnu que la partie libanaise s’évertuait bel et bien à appliquer la 1701” et que “la balle était dans le camp des Israéliens”.
Ce qui reste à appliquer
Malgré les “progrès” évoqués plus haut, plusieurs aspects de la résolution 1701 ne sont toujours pas pleinement respectés et restent un sujet de vive préoccupation.
L’un des principaux obstacles à la mise en œuvre complète de la résolution a longtemps été le refus du Hezbollah de rendre ses armes, prétextant la nécessité de défendre le Liban contre les menaces israéliennes. Bien que l’armée libanaise se soit déployée dans certaines régions, le Hezbollah continue de maintenir un contrôle militaire et politique au Liban-Sud. “Ses combattants sont d’ailleurs encore présents dans la région”, note le général Hélou. Son “hégémonie” n’est cependant plus la même, puisqu’il accepte aujourd’hui de se “soumettre” à la force majeure des événements récents.
Un autre défi est celui du “lent déploiement de l’armée libanaise” mais aussi de la “faible gestion” de la situation sur le terrain par la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Cette conjoncture se traduit notamment par les violations israéliennes incessantes auxquelles pourraient s’ajouter, à partir de dimanche, celles hezbollahies, au lendemain de l’expiration du cessez-le-feu. D’une part, des armes et du matériel connexe pourraient être alors fournis au Hezbollah via les passages illégaux; d’autre part, le cessez-le-feu pourrait être compromis par le laxisme de la Finul quant à son droit inhérent au recours proportionné et graduel à la force dans certaines circonstances.
Sans avancées substantielles sur le désarmement du Hezbollah et le contrôle de la frontière sud, et donc sur l’application de la 1701, le Liban restera un terrain de tensions géopolitiques majeures, avec un risque constant de retour à l’escalade.
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