Le 4 octobre 2024, le gouvernement présidé par Najib Mikati a transmis, par décret, le projet de loi de finances 2025 au Parlement. Depuis, le projet dort dans les tiroirs du bureau de la Chambre alors qu’il devrait être transmis pour examen aux commissions compétentes, notamment celles des Finances et du Budget et de l'Administration et de la Justice.
Mais à ce stade, d’aucuns jugent impératif de le renvoyer sans tarder au gouvernement, pour révision, ses chiffres étant devenus totalement inadaptés, après la guerre entre le Hezbollah et Israël. Les maintenir risque d’avoir des conséquences graves sur les plans financier, économique et social.
La députée Ghada Ayoub (bloc de la République forte) a interpellé le Parlement à ce sujet, dans un commentaire, sur la plateforme X (ex-Twitter): “Il est de notre devoir en tant que représentants de toute la nation, de poser les questions légitimes suivantes, alors que le Premier ministre désigné s’attèle à former son gouvernement et que le Cabinet actuel expédie les affaires courantes: pourquoi la commission des Finances et du Budget n’a toujours pas été convoquée pour examiner le projet de budget 2025, pourtant transmis dans les délais constitutionnels? Devons-nous attendre fin janvier pour qu’il soit émis par décret et qu’il soit de la sorte imposé aux contribuables? Ce budget est-il adapté à la nouvelle réalité post-guerre, notamment après la signature de l’accord de cessez-le-feu? Enfin, est-il acceptable que le nouveau mandat démarre avec un budget non transparent, qui ne reflète pas la situation financière, dénué de toute vision économique, financière ou réformatrice, voire salvatrice?”
Le Parlement est dans les délais constitutionnels et a encore la possibilité de renvoyer le texte à l’Exécutif. Le gouvernement, de son côté, a le temps de revoir sa copie avant le 31 janvier, date à laquelle le président de la République peut promulguer le budget par décret, conformément à l’article 87 de la Constitution. Le président Joseph Aoun n’a pas l’intention cependant de le faire, selon les informations obtenues.
Il n’en demeure pas moins qu’il est urgent de bouger pour éviter un chaos au niveau des dépenses qui seraient engagées sur base du douzième provisoire, passé le 31 janvier.
C’est l’estimation des recettes qui est en particulier inadaptée, relève Hicham Moukammal, président de l’Association fiscale libanaise. Selon lui, il est impossible de comptabiliser les dépenses prévues sans tenir compte des effets de la guerre, d’autant que de nombreuses entreprises dont l’État percevait une partie de ses taxes et impôts ont été détruites.
M. Moukammal souligne également que la reconstruction des infrastructures et la relance des administrations publiques exigent des dépenses supplémentaires qui ne sont évidemment pas prévues dans le projet de budget.
Il a lui aussi insisté sur l’absence de vision économique claire, soulignant que le texte devrait inclure des lois susceptibles d’aider les entreprises privées à se remettre sur pied après la guerre.
Le président de la commission parlementaire des Finances, Ibrahim Kanaan, a également demandé, pour les mêmes raisons, une révision des chiffres budgétaires.
Rappelons que les recettes prévues sont estimées à 445.214 milliards de livres, contre 308.435 milliards dans le budget 2024, soit une augmentation de 136.779 milliards (+44,35%). Environ 91% de ces recettes découlent des taxes sur le revenu, le capital, les biens et services, ainsi que sur le commerce international, secteurs gravement affectés par la guerre.
Les dépenses prévues sont de l’ordre de 136.779 milliards de livres (+44,35%), portant le total à 445.214 milliards. Cela ferait passer le déficit budgétaire de 20% à 200%, rendant la situation intenable.
Une révision implique que les ressources soient redistribuées en fonction des priorités nationales, notamment entre les ministères et les administrations.
La question du financement reste également critique. Le Liban, en cessation de paiement de ses Eurobonds depuis le 7 mars 2020 sous le gouvernement Hassane Diab, ne peut recourir à l’endettement externe. En interne, les banques refusent tout engagement et la Banque du Liban s’oppose toujours à financer les dépenses publiques sans cadre légal, conformément à l’article 8 de la Constitution.
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