Dans la ville syrienne de Homs, les quartiers de la communauté alaouite, dont est issu le président déchu Bachar el-Assad, vivent dans la peur de représailles des nouvelles autorités, qui ont procédé à des centaines d'arrestations, selon des habitants.
C'est dans cette ville, la troisième du pays, où cohabitent musulmans sunnites, alaouites et Chrétiens, que la violence confessionnelle a atteint son paroxysme pendant la guerre civile, née de la répression par l'ancien pouvoir d'un soulèvement populaire en 2011.
À l'entrée des zones à majorité alaouite, des hommes armés en treillis sont postés à des barrages de contrôle.
Deux témoins qui, comme la plupart des personnes interrogées par l'AFP requièrent l'anonymat pour raisons de sécurité, affirment que des habitants ont été interrogés sur leur appartenance confessionnelle à un barrage.
Chéhadé Mayhoub, un ancien député de Homs, qui dit avoir rejoint l'opposition à Bachar el- Assad en 2012, affirme avoir recensé jusque-là "près de 600 noms de personnes arrêtées", dans son seul quartier de Zahra.
Dans l'ensemble de la ville, "le nombre de personnes arrêtées dépasse les 1.380", dit-il.
Pour l'AFP, Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme, fait état d'au moins 1.800 personnes, principalement alaouites, arrêtées à Homs et sa région.
Parmi eux figurent selon M. Mayhoub "des généraux à la retraite, des colonels qui ont régularisé leur situation dans les centres dédiés", et une "majorité de civils et de conscrits".
Dans le quartier voisin d'al-Sabil, un groupe d'officiers ont été battus devant leurs épouses, assure-t-il.
Pas de nouvelles
Selon des habitants, des soldats et conscrits qui s'étaient enregistrés et avaient remis leurs armes, comme demandé par les nouvelles autorités, ont aussi été arrêtés.
Les nouveaux dirigeants - au pouvoir depuis la prise de Damas le 8 décembre par une coalition rebelle dirigé par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS)- nient de leur côté tout abus, affirmant cibler les anciens membres des forces d'Assad.
Ils répètent n'avoir pas l'intention de nuire aux minorités, dans un pays multi-ethnique et multi-confessionnel.
Les autorités de Homs ont dit qu'elles allaient libérer les détenus prochainement, selon M. Mayhoub, qui impute les violations de droits aux groupes alliés à HTS.
"Nous vivons dans la peur", témoigne un habitant de Zahra. "Au début, ils ont dit que c'étaient des incidents isolés. Mais il n'y a rien d'isolé dans tant d'incidents".
Un autre résident confie n'avoir pas eu de nouvelles de son fils, un soldat, depuis son arrestation à un poste de contrôle hors de la ville la semaine dernière.
À travers la Syrie, la violence contre les alaouites, longtemps associés au clan Assad, a considérablement augmenté, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, qui a enregistré au moins 150 meurtres, principalement dans les provinces de Homs et Hama, depuis le 8 décembre.
"Nettoyés"
À Homs, un responsable de HTS, Abou Youssef, affirme que les opérations de contrôle ont permis de découvrir trois dépôts d'armes et "des dizaines de personnes recherchées".
Censées se terminer lundi, elles doivent se poursuivre car les quartiers "n'ont pas encore été complètement nettoyés des restes du régime", dit-il.
"Nous voulons la sécurité pour tous: sunnites, alaouites, chrétiens, tout le monde", assure-t-il.
Mais des vidéos de violences circulent en ligne, l'une d'elles montrant même un combattant piétinant des détenus.
Si l'AFP n'a pas pu vérifier toutes ces images, elle a pu interroger Mahmoud Abou Ali, un membre de HTS qui s'était filmé en train d'ordonner à des hommes rassemblés de s'accroupir et aboyer.
"Colère"
Il s'agissait, a-t-il dit, de "chabiha", des membres des milices pro-Assad, qui "avaient commis des massacres" à Homs au début de la guerre. Le combattant âgé de 21 ans a expliqué vouloir exprimer sa "colère (...) au nom de toutes les personnes tuées", dont ses parents et ses frères et sœurs.
Dans le quartier de Baba Amr, ancien bastion rebelle soumis à un siège implacable des forces d'Assad, les bâtiments sont effondrés ou portent des traces de balles.
Fayez al-Jammal, 46 ans, est revenu cette semaine avec ses sept enfants et sa femme dans une maison dévastée, après avoir fui au Liban, il y a plus de dix ans.
"Nous en avons assez de la guerre et de l'humiliation, nous voulons juste que tout le monde puisse vivre sa vie. Nous sommes contre le sectarisme, assure-t-il.
(AFP)
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