Le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a mis sévèrement en garde la France vendredi contre un éventuel déploiement dans le nord-est de la Syrie et maintenu qu'Ankara est "déterminé" à contrer les menaces terroristes à ses portes.
La France et les Etats-Unis veulent empêcher la Turquie de lancer une opération militaire contre les forces kurdes syriennes qui les ont aidées dans leur lutte contre le groupe Etat islamique (EI) et qu'Ankara considère comme des mouvements terroristes.
Lors d'une conférence de presse, M. Fidan a écarté tout rôle de la France dans la région: "Notre interlocuteur sur cette question est l'Amérique. Nous parlons à l'Amérique. Pas avec les pays qui se cachent derrière", a-t-il asséné.
"Débarrasser la Syrie de la menace terroriste est notre tâche principale pour 2025 et la Turquie est la plus efficace dans la lutte anti-terroriste", a-t-il martelé.
"Nous avons régulièrement alerté qu'il n'est pas question de vivre avec une telle menace. Quelqu'un s'en occupe ou nous allons le faire". La Turquie a "le pouvoir, la capacité et la détermination pour éliminer à la source toute menace posée à sa survie", a-t-il encore martelé.
Hakan Fidan et le président Recep Tayyip Erdogan ont tous deux menacé cette semaine d'intervenir militairement contre les forces kurdes en Syrie.
Vendredi soir, sur la chaîne privée LCI, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a indiqué avoir appelé son homologue turc pour "lui rappeler à quels points les intérêts de la Turquie, de la France et de l'Europe, c'est d'avoir une Syrie stable, souveraine et unie".
De violents combats opposent les factions soutenues par la Turquie aux Unités de protection du peuple (YPG), qu'Ankara dénonce comme une émanation du PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan, interdit sur son sol.
"leurs propres revendications"
"Si la France a quelque chose à faire, c'est de reprendre ses propres citoyens, de les amener dans ses propres prisons et de les juger", a-t-il également lancé à propos des combattants jihadistes français ayant trouvé refuge en Syrie après la chute de "l'émirat" islamiste.
Paris rechigne justement à rapatrier ces ressortissants, plusieurs dizaines au moins, qui sont déjà emprisonnés en Syrie sous la garde des Kurdes, ou qui ont participé à la coalition rebelle arrivée au pouvoir à Damas le mois dernier.
Mais ces combattants français "doivent être gardés là où ils ont commis leur crime, sous la surveillance des Kurdes", a répondu Jean-Noël Barrot.
"Je fais une exception qui est celle des enfants, qui ne sont en aucun cas responsables des actes de leurs parents", a-t-il toutefois ajouté. "Chaque fois que cela a été possible, nous les avons rapatriés (...). Si c'est à nouveau possible, les conditions sont compliquées, nous le ferons à nouveau".
Le ministre turc a accusé la France de ne pas prendre en compte la sécurité de la Turquie et à ne mettre en avant que ses propres intérêts: "mais ils ne se soucient pas de notre sécurité (...) Ils mettent toujours en avant leurs propres revendications", a-t-il affirmé à propos de ses interlocuteurs français.
Le renversement du dirigeant syrien Bachar al-Assad le mois dernier a fait naître la possibilité d'une intervention directe de la Turquie en Syrie contre les forces kurdes YPG.
Ankara accuse les YPG, épine dorsale des FDS et considérées par l'Occident comme essentielles dans la lutte contre les jihadistes de l'Etat islamique, de liens avec le PKK.
"Le PKK est une organisation terroriste. Soutenir ou accepter la présence d'une seule branche de cette organisation est inconsistant" a estimé M. Fidan ajoutant: "Ce n'est pas la première fois que les Etats-Unis se montrent inconsistants".
Il a par ailleurs réaffirmé la détermination de la Turquie à soutenir la phase de transition en Syrie, en coordonnant son action avec le Qatar et les Emirats arabes unis.
La Turquie qui partage plus de 900 km de frontière avec sa voisine a accueilli et apporté "la sécurité et les services de base à plus de cinq millions" de réfugiés syriens dont plus de 2,9 millions se trouvent toujours sur son sol.
Anne Chaon, avec AFP
Commentaires