Qui est Joseph Aoun, le 14ème président du Liban?
Le 14ème président du Liban: Joseph Aoun ©Ici Beyrouth

Après deux longues années de vacance présidentielle, le commandant en chef de l’armée, général Joseph Aoun est élu 14ᵉ président de la République libanaise. Son élection met fin à un blocage politique prolongé et représente une lueur d’espoir pour un Liban en quête désespérée de stabilité.

Lorsqu’on tient compte de l’application d’un cessez-le-feu, au mieux fragile, d’une guerre dévastatrice entre le Hezbollah et Israël, de la deuxième plus grande explosion non nucléaire de l’histoire, d’un gouffre économique sans précédent, d’une paralysie politique inédite, d’une attaque de l’État islamique sur le territoire libanais, le tout exacerbé par des tensions confessionnelles bien propres au Liban, on mesure l’ampleur du parcours du combattant qu’a dû affronter le général Joseph Aoun en tant que commandant en chef de l’armée.

 

Âgé de 60 ans, marié et père de deux enfants, le général Joseph Aoun est réputé pour sa modestie, son honnêteté, son intégrité et sa simplicité. Des qualités devenues denrées rares dans le paysage politique libanais.

 

Né le 10 janvier 1964 à Sin el-Fil, dans le caza du Metn, il est diplômé en sciences politiques et en sciences militaires. Joseph Aoun rejoint l'armée en tant qu'élève-officier en 1983 et y grimpe les échelons. Il suit diverses formations militaires, tant au Liban qu'à l’étranger, notamment aux États-Unis, où il prend part à plusieurs cours, y compris en contre-terrorisme.

 

En 2015, il est nommé commandant de la 9e brigade déployée au Liban-Sud, avant de se voir attribuer la responsabilité du secteur est, à la frontière avec la Syrie, où il a géré la menace de l'État islamique.

 

Promu commandant en chef de l'armée libanaise le 8 mars 2017, le général Joseph Aoun a préservé la toute dernière institution qui tient encore debout au Liban.

 

Le parcours militaire du général Aoun est jalonné de réussites.

 

Depuis son arrivée à la tête de l'armée libanaise, Joseph Aoun a lancé une campagne pour lutter contre la corruption au sein de l'institution militaire, contribuant ainsi à maintenir l'armée au rang des rares institutions fonctionnelles dans le pays.

 

Le général a notamment dirigé l'armée lors de la célèbre opération Fajer el-Jouroud en 2017, qui a permis de débarrasser le territoire libanais des combattants de l'État islamique.

 

Pendant le mouvement de révolte d'octobre 2019, Joseph Aoun a su faire preuve d'une grande habileté pour gérer les tensions qui secouaient le pays. En adoptant une posture de neutralité et de prudence, il a non seulement préservé l'unité de l'armée, mais a également évité de mettre ses soldats dans une situation difficile, déchirés entre leur fidélité à l'institution militaire et leur sympathie pour le mouvement populaire contre la corruption et les élites politiques.

 

Après la double explosion dévastatrice survenue au port de Beyrouth le 4 août 2020, l'armée libanaise est apparue comme l'institution la plus fiable et la moins corrompue du pays, dans un contexte de méfiance généralisée envers les institutions gouvernementales. C'est pourquoi de nombreux donateurs internationaux ont décidé de diriger leur aide directement vers l'armée plutôt que par les canaux gouvernementaux traditionnels. Sous la direction du général Joseph Aoun, l'armée a pris en charge l’organisation et la distribution de cette aide, démontrant une grande rigueur et une gestion transparente des fonds.

 

Sa rigueur et son honnêteté lui ont permis de gagner la confiance de la communauté internationale et de sécuriser des soutiens internationaux, notamment des États-Unis, de la France et du Qatar, aidant l’armée libanaise à maintenir ses fonctions vitales. En octobre 2020, une conférence à Paris a permis de lever 200 millions de dollars pour soutenir l’armée, qui avait dû se résoudre à rationner les quantités de viande présentes dans les repas de ses soldats pendant la crise économique.

 

Une autre qualité du général Aoun est sa capacité à naviguer habilement entre les filets du confessionnalisme profondément enraciné dans le pays. Le 14 octobre 2021, des affrontements violents ont éclaté à Tayouneh entre les habitants du quartier chrétien et des miliciens chiites du Hezbollah et du parti Amal qui avaient envahi la zone. Sept miliciens ont été tués. Grâce à un communiqué du général Joseph Aoun, ordonnant à ses soldats de tirer sur toute personne armée, l’armée libanaise a réussi à éviter que la situation ne dégénère en un conflit de plus grande envergure.

 

Plus récemment, Joseph Aoun a joué un rôle central lors des affrontements entre Israël et le Hezbollah au Liban. Bien que le Hezbollah ait intensifié ses attaques, l'armée libanaise, sous sa direction, a cherché à éviter une confrontation directe avec Israël, ainsi qu’une guerre totale.

 

Le général a également été un acteur essentiel dans la mise en œuvre récente du cessez-le-feu au Liban. Sous sa direction, l'armée libanaise a déployé des troupes dans le sud pour sécuriser la région, éliminer les munitions non autorisées et assurer la protection des civils. Le quartier général de la 5e brigade, situé à proximité de Naqoura, au Liban-Sud, est devenu un centre stratégique pour ces opérations de sécurité.

 

"Les forces armées libanaises sont le garant légitime de la sécurité du Liban", a déclaré le général américain Jasper Jeffers lors d'une visite officielle. Accompagné du général français Guillaume Ponchin, il a inspecté les opérations menées par l'armée libanaise. M. Jeffers a salué la rapidité et la détermination des forces libanaises, soulignant qu'elles avaient clairement démontré leur capacité à défendre le pays.

 

Cela faisait deux ans que son nom était régulièrement évoqué pour accéder à la présidence, mais sans succès. Le général Joseph Aoun soufflera finalement ses 61 bougies, demain, au palais présidentiel de Baabda. Reste à voir si, dans un contexte des plus tendus au Liban, cette élection s’avérera un véritable cadeau pour le nouveau président.

 

Commentaires
  • Aucun commentaire