À Lattaquié, les anciens soldats du régime Assad rendent les armes
Des hommes font la queue pour remettre leurs armes à feu aux nouvelles autorités syriennes. Des soldats syriens, des policiers et quelques civils rendent leurs armes et s'enregistrent auprès des autorités, dans la ville portuaire occidentale de Lattaquié, le 16 décembre 2024. ©Ozan Kose / AFP

Pour lui, la vie militaire, c'est fini. Lundi à Lattaquié, dans l'ouest syrien, Kamal Merhej vient déposer son arme et s'enregistrer auprès des nouvelles autorités. À 28 ans, dont neuf dans l'armée à Damas, il veut passer à autre chose, après la chute de Bachar el-Assad.

"Moi, je n’aime pas l'armée, je veux reprendre le fil de ma vie sans personne pour me donner des ordres", rit-il, heureux de retrouver sa ville.

Le gouvernement de transition qui a pris en main le destin de la Syrie le 8 décembre a appelé sur les réseaux sociaux les soldats et les policiers du précédent régime de Bachar el-Assad à se faire connaître, afin de "régulariser" leur situation, en s'enregistrant, ville par ville.

Après Homs (nord) samedi, la procédure est lancée à Lattaquié, berceau sur la côte ouest de la famille Assad et de la minorité alaouite dont elle est issue.

Au moins dix mille hommes

Ils sont déjà plusieurs centaines à patienter sur une file ordonnée de plus de 200 m de long à l'extérieur, et des dizaines à l'intérieur, une heure après l'ouverture des bureaux.

Selon Mohammad Moustapha, 26 ans, responsable du centre installé dans les bureaux de la sécurité de Lattaquié, 400 hommes se sont présentés dimanche. "Mais il y en aura davantage aujourd'hui, on a renforcé nos effectifs pour accélérer les opérations", parie-t-il.

Les hommes entrent un par un, leur carte d'identité en main, reçoivent un numéro avec lequel ils posent pour une photo avant d'être dirigés vers un des bureaux où ils déclinent leur nom et leurs fonctions, des données méthodiquement saisies sur ordinateur.

En milieu de matinée, la file en est déjà au numéro 671.

"Au total, on attend au moins 10.000 personnes, peut-être plus, vingt, trente mille: on est ici dans la région des Assad", qui enrôlaient massivement au sein de leur communauté, souligne M. Moustapha, en treillis et bonnet noirs, le visage à demi-masqué, ancien combattant originaire de Idleb, fief des autorités rebelles depuis 2017.

Pistolets, grenades, RPG

Selon lui, les opérations se passent en douceur: "on leur délivre un permis de trois mois pour leur protection, et aussi le temps de mener l'enquête sur leur passé. En cas de crimes graves, ils seront transférés à la justice".

À l'arrière du bâtiment, soldats, policiers et quelques civils viennent rendre les armes en leur possession.

Ils tendent des papiers puis des équipements: des pistolets, des fusils automatiques avec leurs chargeurs, des munitions, quelques grenades et un lance-roquette RPG emballé dans un sac poubelle s'entassent au fond de la salle.

Un homme aux cheveux blancs déballe un véritable arsenal rangé dans des sacs en plastique et repart avec son attestation.

Mohamed Fayoub, 37 ans, officier de police basé pendant dix ans à Hama (centre) et revenu dans sa ville, a préféré se présenter sans attendre, dit-il. Il a déjà rendu son pistolet et tient son récépissé rose en main. Lui espère retrouver son poste à Hama.

"Ils se comportent bien, ils essaient d'être polis. Je veux être prêt quand ils m'appelleront" dit-il, "on est tous des humains, tous Syriens".

Autour de lui, les autres acquiescent, niant ressentir la moindre appréhension à se présenter.

"On est fatigués de la guerre. On veut vivre dans un pays pacifié, civilisé", souffle un jeune homme qui confirme en baissant d'un ton son appartenance à la minorité alaouite. "On a besoin de sécurité, seulement de sécurité".

Mécanicien dans l'armée syrienne à Homs, Hassoun Nebras, 37 ans, n'aspire qu'à la vie civile et veut rester vivre avec ses enfants. "On a fait ce qu'on nous demandait, on ne voulait pas mais on n'avait pas le choix", explique-t-il.

Enrôlé à 20 ans, Ahmad Chimraj est lui pressé, à 24 ans, de retourner à ses études d'anglais à Alep, interrompues alors qu'il était en première année à l'université. "On était obligé, c'était la guerre. C'est fini. Je pense que ça ira".

Anne Chaon, avec AFP

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