Réouverture prudente des bars dans une Syrie désormais aux mains des islamistes
Des Syriens célèbrent la prise de la capitale Damas par des combattants rebelles syriens, le 8 décembre 2024. ©Fadel ITANI / AFP

L'euphorie créée par la chute de Bachar al-Assad passée, les propriétaires de bars se sont vite inquiétés de savoir s'ils allaient pouvoir poursuivre leur activité, alors que la Syrie est désormais dirigée par des islamistes.

Les jours qui ont suivi la prise de Damas par la coalition armée dominée par les islamistes radicaux de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), bars et commerces de boissons alcoolisées sont restés fermés.

Ils étaient effrayés par les rumeurs qui circulaient sur les réseaux sociaux faisant état de répression contre la vente d'alcool interdit par l'islam.

Déterminé à y avoir plus clair, Safi, le propriétaire du Papa Bar dans la Vieille ville de Damas, s'est rendu au poste de police du quartier chrétien de Bab Touma.

"Je leur ai dit que j'étais propriétaire d'un bar, que je voulais y organiser une fête et servir de l'alcool", raconte-t-il à l'AFP.

"Ils m'ont répondu: “Oui, ouvre le bar, il n'y a aucun problème pour nous. Tu as le droit de travailler et de vivre ta vie comme avant", ajoute-t-il, accoudé au comptoir de son bar où trônent des bouteilles de whisky et d'arak syrien.

Aucune communication officielle n'a eu lieu au sujet de l'alcool mais les nouvelles autorités ont d'ores et déjà annoncé qu'elles seraient tolérantes à l'égard des différentes communautés religieuses et pratiques sociales du pays.

"Parler d'une interdiction concernant l'alcool est faux", a indiqué à l'AFP un responsable de HTS sous le couvert de l'anonymat. Le nouveau gouvernement a "des enjeux plus importants à gérer", a-t-il insisté, quelque peu exaspéré.

Le Papa Bar et une poignée d'autres pubs dans le quartier ont donc rouvert mais les clients restent inquiets.

 "Bien traité"

Le premier soir, Safi a accueilli une vingtaine de personnes dans un décor rappelant les îles polynésiennes. Mais dès le deuxième jour, les clients se sont fait rares.

"Les gens qui y ont participé étaient confus et avaient peur. Ils étaient là sans vraiment avoir le coeur à la fête", a indiqué le propriétaire du bar.

Pour lui, si les nouvelles autorités envoyaient un message clair à la population, assurant qu'il n'y a aucune crainte concernant la vente et la consommation d'alcool, "tout le monde veillerait jusqu'à tard et serait heureux, parce qu'on est en plein dans le mois de célébrations".

Depuis quelques jours, les décorations de Noël éclairent les rues de Damas, au grand bonheur de l'importante communauté chrétienne présente dans le pays.

Dans le restaurant Al-Alia, un chanteur enflamme les foules avec des hits populaires, pendant que des clients dégustent des mezzés et sirotent bières et arak.

"Avec ce qui s'est passé, nous nous attendions à un gros bordel. Mais voyez, nous sommes très vite revenus à la vie et avons repris nos soirées et nos droits", lance un client de 44 ans, Mohsen Ahmad, bien déterminé à passer du bon temps.

Le gérant du restaurant, lui, fait part de ses craintes pour l'avenir, même si pour l'instant les nouveaux maîtres du pays se veulent rassurants.

"En plein milieu de la fête de réouverture, des membres du HTS sont arrivés. Ils ont laissé leurs armes à l'extérieur", raconte Yezan Shalash.

"Ils ont dit aux gens: +Nous ne sommes pas là pour vous faire peur ou vous terroriser. Nous sommes ici pour que nous puissions tous vivre ensemble en Syrie, pour permettre à tous de profiter de la liberté que nous avons si longtemps attendue", poursuit le gérant.

"Ils nous ont très bien traités mais j'ai peur que ce soit temporaire", dit-il.

Le gouvernement par intérim va diriger le pays sous la supervision de HTS jusqu'au 1er mars. Après cette date, l'incertitude est grande.

D'ici là, Safi espère que les clients oseront revenir prendre un verre, comme avant.

Avec AFP

 

 

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