Dans la nuit du mardi au mercredi, une forte déflagration a secoué la région de Marjeyoun, plongeant ses habitants dans l’inquiétude alors que son origine demeurait inconnue.
Le lendemain matin, ils ont découvert que, malgré les interdictions imposées par l’armée israélienne de s’approcher des positions qu’elle conserve encore dans la région frontalière, une famille avait tenté de retourner discrètement dans sa maison de Khiam. Quand bien même avait-elle été sommée de repartir par un appel téléphonique de l’armée israélienne au père, une frappe avait été menée. Le père avait été tué dans une attaque au drone, laissant sa famille dans un état de choc et de deuil. “J’ai passé une nuit terrible avec mes deux enfants, seule à la maison après la perte de mon mari. Traumatisée, je ne savais que faire et j’ai attendu le matin pour sortir et raconter ce qui s’était passé à l’armée libanaise, près du barrage de contrôle”, raconte cette veuve, tremblant encore de peur.
Plus tôt dans la semaine, une femme, retournée seule dans sa maison de Khiam après l’annonce du fragile cessez-le-feu, avait réussi à fuir précipitamment en échappant à l’attention des soldats israéliens. Les bruits des pas des militaires israéliens qu’elle dit avoir entendus à proximité de sa demeure ont exacerbé son sentiment de peur et d’urgence.
Ces situations mettent en lumière les défis auxquels font face de nombreuses personnes qui, malgré le cessez-le-feu et l’insécurité, persistent à vouloir retourner dans leurs villages.
Seront-ils plus nombreux à y retourner, maintenant que l’armée est entrée dans Khiam, après le retrait israélien de ce village? Ce retrait, rappelle-t-on, est prévu dans l’accord de trêve (de soixante jours) entre Beyrouth et Tel Aviv. Le repli de Khiam n’en est que le début.
Un pas fondamental
La situation pourrait effectivement changer dès ce jeudi 12 décembre. En effet, l’armée libanaise a déployé dans l’après-midi des troupes et des blindés dans Khiam, théâtre de violents combats entre les combattants du Hezbollah et les soldats israéliens du fait de sa position stratégique.
Les forces régulières y mènent des patrouilles et ont installé des barrages de contrôle, mais les soldats n’avanceront pas dans les secteurs encore occupés par l’armée israélienne.
Dans le cadre de la première phase de ce déploiement, mené en coordination avec la Finul, notamment avec le contingent espagnol en charge de la région de Marjeyoun, et après avoir mené des contacts avec le comité international de surveillance, le bataillon de génie de la 7ᵉ brigade de l’armée libanaise, dirigé par le général Tony Farès, est entré à Khiam avec des bulldozers pour ouvrir les routes et mener des opérations de déblaiement et de déminage.
L’opération a débuté dans la partie nord du village, plus précisément dans le quartier de Jléhiyé, et s’est poursuivie à Mtel el-Jabal, puis sur la colline de Hamames.
Les unités militaires spécialisées vont s’atteler en priorité à nettoyer la localité des munitions et des obus non explosés.
Le commandement de l’armée a appelé les habitants à ne pas s’approcher des zones d’opération et de respecter les instructions des unités militaires jusqu’à la fin du déploiement.
“Malgré l’ampleur des destructions et notre peine, nous sommes heureux que l’armée libanaise ait fait son entrée à Khiam et dans la région”, confie Abou Samir, informé depuis quelques jours de la destruction de sa maison par une bombe. “Malgré cela, on se sent renaître”, ajoute-t-il.
“Nous nous sentons davantage en sécurité. Nous sommes rassurés par le déploiement de notre armée à Khiam”, se réjouit Saoussan.
Le président du conseil municipal du village, Ali Alayan, a exprimé à son tour son soutien indéfectible au déploiement de la troupe dans le village dont une grande partie a été détruite lors des combats des derniers mois. Il a insisté sur le rôle crucial des forces régulières, pour “assurer la sécurité des habitants et rétablir la paix et la stabilité dans la localité” où le Hezbollah avait une forte présence.
Il a également rappelé que la coopération entre les forces armées et la population est fondamentale pour surmonter les défis actuels et a appelé les habitants à suivre rigoureusement les instructions des autorités militaires. “La sécurité de notre communauté dépend de notre capacité à travailler ensemble. Je demande à chacun de respecter les directives données par l’armée et la Finul, car cela contribuera à garantir notre sécurité collective,” a-t-il insisté. Un avertissement qui s’explique par les risques de sécurité qui persistent. Dans l’après-midi, une personne a été tuée et deux autres blessées dans un raid israélien. La victime, un jeune homme, avait posté sur les réseaux sociaux une vidéo le montrant déambulant dans les quartiers en ruines de Khiam, son téléphone à la main, donnant des explications sur les lieux où il se trouvait et montrant l’étendue des dégâts. Un geste qui lui aura coûté la vie.
Des craintes persistantes
Le déploiement de l’armée libanaise à Khiam est perçu par beaucoup comme un pas vers une normalisation dans la région. Mais, chez certains, des craintes persistent.
“Avec le cessez-le-feu, je pensais que je pourrais rentrer chez moi, même si ma maison est probablement détruite”, explique Abou Hassan, déplacé de Khiam depuis 13 mois. Il s’impatiente, il aimerait rentrer immédiatement, mais reste un peu hésitant. “Je ne peux plus attendre ici, chez mes amis, à Marjeyoun. Je suis agriculteur, j’ai mes oliviers là-bas”, raconte-t-il, en se disant heureux que l’armée se soit déployée. “Bien sûr que c’est une bonne nouvelle. On espère de tout cœur que la paix règnera et que ce cessez-le-feu tiendra pour de bon”.
Le raid mené en début d’après-midi par l’armée israélienne sur un quartier de Khiam l’a sans doute refroidi.
La sécurité n’est pas encore garantie, et l’infrastructure de base est pratiquement détruite.
“Cela fait un an que nous avons dû fuir notre maison. Je me sens un peu plus en sécurité, maintenant que l’armée est dans le village. J’espère pouvoir rentrer bientôt et retrouver ma vie d’avant. Mais on se demande si cela suffira. Il y a beaucoup à faire”, affirme une mère de famille, toujours installée à Marjeyoun, mais qui suit avec attention les informations concernant le déploiement de l’armée.
L’espoir de retrouver un semblant de normalité est palpable, chez tous. Les défis à relever restent nombreux, le premier étant le maintien de la trêve au-delà des 60 jours.
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