Le Hezbollah semble réorienter son approche stratégique, passant de la confrontation militaire directe avec Israël à une campagne visant les journalistes et leaders d'opinion au Liban. Cette nouvelle tactique a été récemment illustrée par l'agression du journaliste Daoud Rammal, attaqué par des membres présumés du Hezbollah alors qu'il visitait la tombe de ses parents à Doueir, dans la région de Nabatiyé.
À la suite de l'incident, M. Rammal a dénoncé cette attaque comme une atteinte grave à la “liberté d'expression et à la protection des opinions dissidentes”. Il a déclaré mordicus: “Je refuse catégoriquement qu’on tente de nous imposer la doctrine de Wilayat el-Faqih.”
Dans un entretien accordé à Ici Beyrouth, Charles Jabbour, responsable des médias et de la communication des Forces libanaises, a, quant à lui, mis en lumière cette tendance préoccupante. Il a comparé les tactiques du Hezbollah à celles des régimes autoritaires à l’instar de la Syrie, affirmant: “Le Hezbollah cherche à intimider les intellectuels et leaders d'opinion.” Il a mis en garde contre le fait que cette intimidation crée un climat de peur, poussant de nombreux Libanais à l'autocensure.
Selon M. Jabbour, cette stratégie n'est pas nouvelle, mais le Hezbollah y a recours intensivement dans le nouveau paysage politique.
Il est évident que les médias jouent un rôle crucial et complexe dans les conflits. C’est un instrument puissant pour façonner les opinions publiques et influencer les agendas politiques. D’ailleurs, l'histoire le démontre, comme dans la guerre du Vietnam où la couverture médiatique a inversé l'opinion publique contre le conflit, tandis que lors de la guerre du Golfe, l'accent mis sur les succès militaires a renforcé le soutien des initiatives armées.
Au Liban, la récente escalade des tensions avec Israël a entraîné des destructions majeures dans certaines régions. Les avertissements d’Israël, menaçant de transformer le Liban en un deuxième Gaza, en réponse aux tirs de roquettes du Hezbollah, se sont matérialisés par une violence accrue, provoquant le déplacement massif de populations, en particulier parmi les communautés chiites du Liban-Sud et de la vallée de la Békaa.
Face à la crise persistante au Liban, l'opinion publique évolue. De plus en plus de Libanais, y compris des figures éminentes de la société civile, condamnent les actions militaires du Hezbollah et appellent à l'unité nationale plutôt qu’au conflit.
Malgré des pertes importantes – plus de 4.000 morts selon Reuters –, soit plus de dix fois les pertes subies pendant la guerre de juillet 2006, le soutien des journalistes autrefois sympathisants du Hezbollah semble s’effriter. Cela intervient à un moment où l’axe de la Moumanaa, idéologiquement aligné avec l’Iran, fait face à des défis considérables.
D’un autre côté, la chute du régime de Bachar el-Assad en Syrie menace le soutien logistique du Hezbollah; l'accès de l'Iran aux routes d’approvisionnement en armes étant déjà considérablement réduit.
Partant, vu que les rebelles syriens contrôlent désormais de nombreux axes stratégiques vers Damas, le Hezbollah se trouve acculé à délaisser progressivement la confrontation militaire avec Israël et à se tourner vers la répression des voix dissidentes au Liban.
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