La chute d’Assad, un nouveau coup dur pour le Hezbollah et ses alliés
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“Merci à la Syrie d’Assad, merci à la Syrie de Hafez el-Assad, merci à la Syrie de Bachar el-Assad.” Hassan Nasrallah, le 08 mars 2005

Avec la chute du régime de Bachar el-Assad, c’est un nouveau coup, et non des moindres, que vient de subir l’axe iranien dans la région, notamment le Hezbollah. Par son départ, c’est toute l’idée d’un croissant chiite, reliant Téhéran à Beyrouth, en passant par Bagdad et Damas, qui s’évapore.

Alors qu’un nouveau Proche-Orient se dessine depuis le 7 octobre 2023, le Liban ne peut qu’être affecté par ces changements radicaux. Et le Hezbollah en premier.

Le Hezbollah, premier perdant de la chute du régime d’Assad

Lui qui avait remplacé le régime syrien en 2005 et pris le Liban en otage de ses ambitions hégémoniques et celles de l’Iran. Lui qui avait envoyé des milliers de combattants mourir en Syrie sous prétexte de “protéger le Liban préventivement des takfiristes”, ces mêmes islamistes qui avaient assassiné des soldats libanais en 2014 et que le Hezbollah a laissés partir dans des bus climatisés en août 2017 – un accord personnellement négocié par le secrétaire général de l’époque, Hassan Nasrallah, avec le président syrien.

Le Hezbollah s’était lancé à la rescousse du régime d’Assad, à la demande des mollahs certes, mais également pour conserver son axe stratégique qui le reliait à Téhéran. Un axe vital pour sa milice, lui permettant de se ravitailler en armes, en combattants étrangers et en liquidités pour payer ses hommes et ses complices. Le Hezbollah et les autres milices pro-iraniennes se sont établis depuis plusieurs années en territoire syrien, installant entre autres des usines d’armes et de drogues ainsi que des camps d’entraînement. Depuis 2019 et l’entrée en vigueur de la loi César (Caesar Syria Civilian Protection Act), le Hezbollah a permis, pour renflouer le régime, la sortie de milliards de dollars en produits subventionnés par l’État libanais, provoquant, en grande partie, la faillite du Liban. Le Hezbollah, par ses méthodes d’obstruction, a également poussé ces dernières années l’État libanais à reprendre langue avec le régime syrien, en prenant pour prétexte le dossier sensible des réfugiés syriens.

En résumé, le Hezbollah profitait du régime d’Assad et avait intérêt à ce qu’il survive.

L’axe de la “Moumanaa” (axe obstructionniste pro-iranien) a aujourd’hui perdu un soutien de taille. Non pas parce que Bachar el-Assad incarnait une force régionale importante, mais parce que sa faiblesse permettait à l’axe iranien de s’étendre vers la Méditerranée. Sur le terrain, la prise de contrôle, samedi en soirée, de la ville stratégique de Qousseir, “l’arrière-cour du Hezbollah”, à 10 km de la frontière nord du Liban, par les rebelles syriens, tandis que des centaines de combattants du Hezbollah se repliaient vers le Hermel, est un coup dur porté à la logistique du Hezbollah. Alors que les frappes israéliennes persistent sur des points de passage à la frontière nord et est, il est clair que l’axe avec Téhéran est totalement coupé.

En cette fin d’année, après plusieurs mois de guerre intensive avec Israël, la milice pro-iranienne se retrouve isolée. Ses capacités militaires ont été fortement entamées par les Israéliens, son leadership décimé, les régions sous son contrôle gravement endommagées, et la colère des résidents du Liban-Sud et de la Békaa commence à se faire entendre.

Avec la perte de son axe logistique, ainsi que ses entrées d’argent – que ce soit dans des valises iraniennes ou grâce aux bénéfices de ses ventes de Captagon – le Hezbollah va certainement perdre de son influence au sein de la population libanaise, et surtout de la communauté chiite.

Un affaiblissement politique probable

Cette perte de vitesse du Hezbollah au niveau militaire va vraisemblablement affecter son poids politique, ainsi que celui de ses alliés qui profitaient de son hégémonie. Cette coalition de forces pro-syro-iraniennes satellitaires du Hezbollah, que l’on nommait le “8 mars”, ne survivait politiquement que grâce à la formation armée qui avait intérêt à montrer une diversité autour d’elle. Ainsi, la défaite de Wi’am Wahab aux législatives de 2018, imputée au soutien du Hezbollah à la liste du Courant patriotique libre; ou celle, en 2022, de Talal Arslane au Chouf et d’Elie Ferzli, ancien vice-président de la Chambre et pro-Assad notoire dans la Békaa-Ouest; ou encore celle d’Assaad Hardane du Parti social nationaliste syrien au Liban-Sud, pourtant fief du Hezbollah; autant de petits exemples de la dépendance de ces personnalités et ces groupements.

La séance parlementaire pour l’élection présidentielle prévue dans 30 jours, le 9 janvier, permettra d’observer comment l’axe obstructionniste se positionne par rapport aux bouleversements de ces dernières semaines. Par ailleurs, la candidature de l’ancien ministre et chef du mouvement des Marada, Sleiman Frangié, a vraisemblablement perdu de son poids. En effet, il avait plusieurs fois affirmé que sa relation personnelle avec le président Assad permettrait de résoudre plusieurs dossiers chauds, comme la délimitation de la frontière libano-syrienne, ainsi que la question des migrants syriens. En mai dernier, il affirmait encore que la situation “nécessitait de mener des discussions d’État à État avec la Syrie”.

Reste à savoir comment ces bouleversements au Liban et dans la région impacteront le président de la Chambre, Nabih Berry. Lui qui doit sa survie politique à la fin des guerres du Liban en 1990 à l’intervention de Hafez el-Assad et à un deal entre Téhéran et Damas, les parrains respectifs du Hezbollah et du mouvement Amal, a toujours plusieurs cordes à son arc.

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