Syrie: le mur de Berlin du Proche-Orient est tombé
©Omar Haj Kadour / AFP

Il n’a fallu que quelques jours pour que les “rebelles” fassent chuter l’un des régimes les plus tyranniques du monde. Pratiquement sans combats.

Pour le moment, on a encore du mal à comprendre comment des formations hétéroclites, essentiellement dotées d’armes légères – du moins ce sont les images que nous avons pu voir –, ont pu venir à bout du régime des Assad, en place depuis 1971.

La Syrie, c’est 18 fois plus grand que le Liban. En une semaine, les villes et les villages ont été investis, l’un après l’autre. Méthodiquement. À chaque fois, le même scénario: une armée syrienne en débandade.

Comment est-ce possible? Quelle fenêtre d’opportunité internationale a-t-elle permis l’impensable? Des questions pour le moment en suspens. Bachar al-Assad aurait fui la nuit dernière vers Moscou. La Russie a abandonné son régime, selon les mots de Donald Trump. Il est vrai que l’armée russe est restée très discrète ces derniers jours. Quelques raids pour la forme et des… communiqués. Y a-t-il eu un accord americano-russe sur le lâchage de Bachar al-Assad, en échange d’une fin avantageuse du conflit en Ukraine? Beaucoup le disent.

Peu de personnes pleureront la fin des Assad. Il n’y a qu’à voir les images de ces prisonniers libérés des geôles, émergeant comme des zombies de décennies d’oubli et de tortures.

Les rebelles, pour le moment, font un sans-faute. Leur chef, Al-Joulani, de son vrai nom Ahmad al-Chareh, a tenu à endosser les habits de la tolérance en rassurant les minorités et l’armée. Il n’y aura pas de scénario à la libyenne, ni de chasse à l’homme. C’est en tout cas ce qu’il a affirmé dans ses interviews. Les Syriens ne demandent qu’à le croire. Ancien chef jihadiste, à la tête d’Al-Nosra, classée “mouvement terroriste” par les Occidentaux, il se présente comme le libérateur du pays et appelle déjà au retour des réfugiés et à des élections libres.

Politiquement, il ne reste rien du régime bassiste. Le Premier ministre syrien, Mohammed al-Jalali, a affirmé qu’il était prêt à collaborer avec le “leadership” que choisira le peuple. Un peuple qui, pour l’heure, célèbre, partout dans le pays, la libération.

L’autre grand perdant, c’est l’Iran. Les Gardiens de la révolution ont quitté le pays et leurs alliés du Hezbollah, dès hier, ont reflué, abandonnant Homs et leur place forte de Qousseir, à la frontière avec le Liban. L’axe iranien, qui allait de Téhéran à la Méditerranée, est brisé.

Pour le Liban, la chute du régime syrien peut être porteuse d’espoir. La question très épineuse des réfugiés et déplacés syriens, au moins 2 millions, va se poser. Ces réfugiés ont afflué, s’estimant menacés dans leur pays d’origine. La menace a disparu. Ils peuvent tranquillement rentrer chez eux. Les ONG et organisations internationales n’ont plus d’arguments pour financer leur maintien au Liban. Elles peuvent continuer à les aider dans leur propre pays. Depuis ce matin, des centaines de véhicules sont aux postes-frontières entre les deux pays, transportant l’avant-garde du retour.

Le Hezbollah, vaincu par Israël, vient de perdre son accès aux sources d’approvisionnement en armes. Il ne pourra pas reconstituer son arsenal militaire. Ses dirigeants vont devoir se rendre à l’évidence: “l’axe de la résistance” est fini. Le seul moyen de survie pour la milice pro-iranienne est de se muer en formation politique représentant une partie des chiites du Liban. L’armée libanaise est la seule force légitime. Une fois l’hypothèque iranienne levée, les Libanais vont pouvoir se consacrer à la reconstruction de leur pays et de leur État. À moins que, connaissant le monde arabe, la Syrie se transforme au fil des mois en un vaste champ chaotique dans lequel de multiples factions se font la guerre, ce qui ramènerait l’instabilité partout. Mais on n’en est pas là.

Dernière question, et non des moindres, le régime iranien est-il le prochain sur la liste? Ce serait logique. À deux reprises déjà, la population iranienne a tenté de se révolter. À chaque fois, les manifestations ont été matées dans le sang. Mais cette fois, le contexte est différent. Les mollahs encaissent coup sur coup depuis des mois. Leur armée a fait la démonstration de sa faiblesse, notamment lors de l’épisode de l’attaque israélienne sur les installations balistiques du pays. Il suffirait d’une étincelle pour que le peuple iranien renvoie ses mollahs au Moyen Âge, d’où ils sont issus. Le feu couve sous la cendre.

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