Le président syrien Bachar al-Assad a dénoncé lundi une tentative de "redessiner" la carte du Moyen-Orient, après une offensive fulgurante des rebelles qui ont réussi à prendre de vastes régions du nord de la Syrie aux forces gouvernementales.
Pour la première fois depuis le début de la guerre en 2011, le régime Assad a perdu totalement le contrôle d'Alep, deuxième ville de Syrie, un revers cinglant infligé par une coalition de groupes rebelles dominée par les islamistes radicaux.
En riposte, des avions syriens et russes ont mené des frappes sur des secteurs tenus par ces groupes dans la province d'Idleb (nord-ouest) et dans celle voisine d'Alep, tuant 15 civils dont des enfants, selon l'OSDH.
Des images de l'AFPTV ont montré des rebelles armés patrouillant dans les rues d'Alep, la grande ville du nord de la Syrie, près de la citadelle historique ou de l'aéroport international.
Certains posent devant un blindé abandonné par l'armée, d'autres déchirent un drapeau syrien ou un portrait de M. Assad. Même si la plupart des rues semblent vides, des Syriens sont sortis pour acclamer l'arrivée de ces combattants.
Les rebelles ont pris des bâtiments gouvernementaux, des prisons, l'aéroport international d'Alep et un aérodrome militaire "sans rencontrer de résistance significative", selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie.
Dans un entretien téléphonique avec son homologue iranien, Massoud Pezeshkian, M. Assad a déclaré que "l'escalade terroriste" visait à "tenter de morceler la région, d'effriter ses Etats et de redessiner la carte régionale conformément aux intérêts et objectifs de l'Amérique et de l'Occident".
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, "alarmé par la récente escalade de la violence dans le nord-ouest de la Syrie", a appelé à une "cessation immédiate des hostilités", a déclaré son porte-parole.
"Toutes les parties doivent faire leur possible pour protéger les civils et les infrastructures civiles, y compris permettre le passage en toute sécurité des civils qui fuient les hostilités", a ajouté Stéphane Dujarric.
"Inconditionnel"
M. Assad, appuyé par l'Iran et la Russie, a cherché à obtenir le soutien de ses alliés face à l'assaut qui a fait plus de 457 morts depuis le début de l'offensive rebelle le 27 novembre, en majorité des combattants mais incluant aussi plus de 72 civils, d'après l'OSDH.
Selon le Kremlin, le président russe Vladimir Poutine et M. Pezeshkian ont affirmé leur soutien "inconditionnel" à M. Assad et appelé à une coordination avec la Turquie, qui soutient des groupes rebelles.
A la surprise générale, le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Cham (HTS) et des factions rebelles dont certaines appuyées par Ankara, ont lancé leur offensive depuis la province d'Idleb. Ils se sont emparés rapidement de dizaines de localités ainsi que de la ville d'Alep à l'exception de ses quartiers nord habités par des Kurdes.
Multitude d'acteurs
La Syrie a été morcelée par la guerre civile en plusieurs zones d'influence, où les belligérants sont soutenus par différentes puissances régionales et internationales.
Et les violences des derniers jours, les premières de cette ampleur depuis 2020, font craindre une reprise des hostilités à grande échelle.
La Turquie, frontalière de la Syrie, ainsi que l'Iran, la Russie et les Etats-Unis ont une présence militaire en Syrie, où la guerre déclenchée avec la répression brutale de manifestations prodémocratie a fait environ un demi-million de morts.
Le début de l'offensive rebelle a coïncidé avec l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah libanais, un allié de M. Assad et de l'Iran sorti affaibli de la guerre au Liban.
C'est grâce à l'appui militaire de la Russie, de l'Iran et du Hezbollah que le régime Assad avait réussi en 2015 à inverser le cours de la guerre en reprenant une grande partie du territoire et en 2016 la totalité d'Alep.
Accaparée aujourd'hui par sa guerre contre l'Ukraine, la Russie, qui dispose de plusieurs bases en Syrie, a dit vouloir aider M. Assad et ses forces à "repousser" les rebelles.
Bombardements et combats
L'OSDH a fait état de frappes russes sur la ville d'Alep.
L’armée syrienne de son côté a rapporté ces dernières 24 heures des bombardements aériens et à l'artillerie syriens et russes contre "des positions, des dépôts et des lignes d’approvisionnement des terroristes" dans les provinces d’Alep et d’Idleb.
"Nos forces armées avancent vers plusieurs axes dans les provinces d’Alep, de Hama et d'Idleb pour encercler les terroristes et les chasser", a-t-elle ajouté dans un communiqué.
Des combats opposent en outre forces progouvernementales et rebelles dans la province de Hama, d'après l'Observatoire.
HTS et rebelles contrôlent une bonne partie de la province d'Idleb, ainsi que des secteurs des provinces d'Alep, de Hama et de Lattaquié.
Avant leur offensive, le nord-ouest de la Syrie bénéficiait d'un calme précaire en vertu d'un cessez-le-feu instauré en 2020, sous le parrainage d'Ankara et de Moscou.
Front Kurdes/rebelles
Dimanche, les Etats-Unis, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont appelé à la désescalade en Syrie dans un communiqué conjoint.
Les Etats-Unis, qui disposent eux aussi de soldats au sol dans le nord de la Syrie, soutiennent les Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes, qui ont combattu le groupe jihadiste Etat islamique (EI).
Sur un autre front, des groupes rebelles proturcs ont chassé dimanche les FDS de Tal-Rifaat dans le nord de la province d'Alep.
Les FDS contrôlent de vastes régions du nord de la Syrie, où les Kurdes syriens ont instauré une administration autonome.
Leur chef, Mazloum Abdi, a affirmé que ses forces oeuvraient pour évacuer des civils kurdes "en toute sécurité" de secteurs de la province d'Alep, notamment de Tal-Rifaat.
Layal Abou Rahal, avec AFP
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