Malgré ses 1.200 tués, dont des cadres supérieurs du premier rang, des milliers de combattants blessés, un bilan général de près de 3.961 morts, 2,8 milliards de dollars de dégâts immobiliers et 99.000 logements partiellement ou totalement détruits, le chef du Hezbollah, Naïm Qassem, a proclamé vendredi la “victoire” de son parti contre Israël. Et ce n’est pas tout: la guerre que le Hezb a déclenchée contre l’État hébreu a entraîné le retour de l’armée israélienne au Liban-Sud, l’éviction de ce groupe de la région et la destruction de son infrastructure militaire.
Bilan humain
Les secouristes libanais continuent à ce jour d’extraire des corps des décombres. Les conséquences de cette guerre sont catastrophiques, tant sur les plans humain, politique, économique et militaire. Et elles le sont davantage pour le Hezb.
Le 28 novembre 2024, le ministère libanais de la Santé a fait état d’au moins 3.961 morts et de 16.520 blessés au Liban depuis le début des hostilités en octobre 2023. Cependant, ces chiffres ne font pas de distinction entre les victimes civiles et celles liées au Hezbollah.
Mohammad Chamseddine, expert en politiques publiques et en recherche chez Information International, estime qu'environ 300 à 400 membres du Hezbollah pourraient encore être coincés sous les décombres. Si ces victimes sont retrouvées, le bilan total pourrait atteindre environ 4.500 morts, une fois les opérations de recherche terminées.
Dans un entretien avec Ici Beyrouth, M. Chamseddine a précisé que le Hezbollah aurait perdu 1.200 combattants et cadres, tandis que le nombre de victimes civiles s’élève à 3.000.
Au cours de la première phase du conflit, le Hezbollah avait annoncé environ 500 morts parmi ses combattants. Cependant, toute communication officielle sur ce sujet a cessé après l'offensive majeure lancée par Israël le 23 septembre.
De son côté, l’Institut d’études sur la sécurité nationale de l’Université de Tel Aviv, proche de l’establishment militaire israélien, avance un bilan plus élevé, soit 2.450 combattants du Hezbollah tués.
Du côté israélien, les frappes du Hezbollah ont tué 45 civils dans le nord d’Israël et sur les hauteurs du Golan occupé. Les autorités israéliennes rapportent également la mort d’au moins 73 soldats, tués dans le nord d’Israël, dans le Golan et lors des combats au Liban-Sud.
Un rapport de la Banque mondiale estime à 2,8 milliards de dollars les dégâts causés aux habitations au Liban, avec plus de 99.000 unités de logement partiellement ou entièrement détruites. Les préjudices dans le secteur agricole sont évalués à 124 millions de dollars, les pertes dépassant les 1,1 milliard de dollars.
En Israël, les autorités estiment que les dégâts matériels atteignent au moins un milliard de shekels (273 millions de dollars), avec des milliers de maisons, fermes et entreprises endommagées ou détruites, sans compter les 55.000 acres de forêts, de réserves naturelles et de terres ouvertes dans le nord d’Israël et les hauteurs du Golan ravagés par des incendies depuis le début de la guerre.
Répercussions politiques
Sur le plan politique, “on peut affirmer que le Hezbollah a avant tout perdu son soutien régional”, a déclaré Khaled Hamadé, général de l’armée à la retraite et directeur du Regional Forum Consultancy and Studies (FSC).
Selon lui, “l’Iran n’a plus de présence au Liban via un proxy armé. L’accord signé et accepté par le gouvernement libanais, auquel le Hezbollah a adhéré à contrecœur, marque la fin des ambitions militaires de ce dernier”.
Il poursuit: “En d’autres termes, le Hezbollah, proxy iranien et acteur d’une confrontation directe avec Israël au sud du Liban, a été exclu de cette équation. Par conséquent, l’Iran perd sa place dans l’équation régionale en tant qu’État jouissant d’une frontière commune avec Israël au sud du Liban, grâce à cette formation qu’elle finance et arme. Cette frontière, exploitée par l’Iran comme un levier dans ses relations avec les États-Unis, n’avait jamais pour enjeu les relations Liban-Israël, mais servait plutôt de théâtre à un affrontement direct entre l’Iran et Israël”, ajoute-t-il.
M. Hamadé précise également que l’accord conclu conduira “non seulement au désarmement du Hezbollah et à son retrait en tant que milice active du sud du Liban, mais aussi à la mise sous tutelle internationale de la région située au sud du fleuve Litani, avec la présence de 10.000 soldats de l’armée libanaise, des forces de la Finul et d’un comité international dirigé par les États-Unis.”
Et d’ajouter: “Bien que le sud du Litani reste géographiquement une zone libanaise, toutes les évolutions futures dans ce secteur, notamment celles relatives aux ressources pétrolières et gazières, seront sous supervision américaine. Par ailleurs, la reconstruction des infrastructures du sud, sous l’impulsion américaine, implique de mettre à jour tout ce que le Hezbollah avait dissimulé sous terre. Ce faisant, le Hezbollah perd à la fois son rôle militaire et sa couverture politique, se retrouvant relégué au rang d’un parti ordinaire, affaibli par ses relations conflictuelles avec la majorité des factions politiques libanaise, son passé de milice armée et son implication dans la corruption, les violations des frontières, l’économie parallèle et les conflits régionaux.”
Pour Israël, cet accord représente une opportunité pour assurer la sécurité de ses régions nord, grâce à une application rigoureuse de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU. La non-application de ce texte par le passé avait permis au Hezbollah de recevoir des armes avancées de l’Iran et d’utiliser la zone au sud du Litani comme base et lieu de stockage des équipements militaires qu’il a utilisés contre Israël.
Coût économique
Khaled Hamadé estime que “la perte la plus lourde pour le Hezbollah serait économique, car elle affecte directement sa base. Les salaires et les services qu’il fournissait à des milliers de familles — via ses institutions médicales, financières comme Al-Qard al-Hassan, ou encore ses infrastructures de sécurité — s’effondrent, mettant à mal l’économie parallèle qui l’alimentait.”
De plus, le contrôle renforcé des frontières par l’armée libanaise, conformément à l’accord conclu, devrait mettre fin aux circuits de contrebande, essentiels au financement du Hezbollah, qu’il s’agisse de trafic de drogues ou d’armes.
Même son influence sur les postes-frontières officiels s’affaiblit, privant la formation de ressources financières illicites et de sa capacité à se réorganiser économiquement.
La fin d’un arsenal militaire
“Que le Hezbollah conserve un arsenal réduit ou significatif, celui-ci ne pourra plus être utilisé”, affirme M. Hamadé. “Selon les termes de l’accord conclu, le Liban est désormais soumis à un contrôle international rigoureux. L’application des termes de l’accord sera étroitement surveillé par un comité international. Le Hezbollah n’aura donc pas la possibilité de reconstituer sa milice”, ajoute-t-il.
M. Hamadé précise que, désormais, “aucune zone ne jouira d’un statut sécuritaire particulier. La base du Hezbollah devra progressivement accepter le fait qu’aucune région ne pourra se soustraire à cette nouvelle réalité”.
Un cessez-le-feu précaire
Le cessez-le-feu très attendu est entré en vigueur le mercredi 26 à 4 heures du matin, mettant un terme – pour l’instant – à treize mois de conflit entre Israël et le Hezbollah. Cependant, cette trêve reste extrêmement fragile, et au Liban comme en Israël, les doutes quant à sa pérennité sont nombreux. Quelques heures seulement après son entrée en vigueur, les soldats israéliens présents dans la zone frontalière ont tiré sur un véhicule à bord duquel se trouvaient des “individus suspects” dans une zone restreinte.
L’accord, rappelle-t-on, prévoit une cessation des hostilités pour une durée de soixante jours, durant laquelle le Hezbollah devra retirer ses combattants jusqu’au nord du fleuve Litani.
Alors que les habitants retournent dans leurs maisons dévastées, plongés dans le deuil et confrontés à un hiver rude, le rideau tombe sur un conflit qui laisse derrière lui un pays meurtri. Le Hezbollah, autrefois pièce maîtresse du jeu iranien dans la région, voit son rôle s’effacer, marquant, du moins on l’espère, la fin d’une ère d’hégémonie et d’instabilité.
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