Des préfabriquées pour les déplacés: légalité et viabilité
©Ici Beyrouth

Depuis l’intensification du conflit entre le Hezbollah et Israël, le Liban fait face à une crise de déplacement de population sans précédent. Plus de 1,4 million de personnes ont fui les zones ciblées par les bombardements. Si certains ont loué des logements ou trouvé refuge chez des proches, la majorité s’entasse dans des centres d’accueil arrivés à saturation.

Pour répondre à cette urgence humanitaire, le gouvernement propose l’installation de maisons préfabriquées sur des terrains publics, en collaboration avec des donateurs, notamment arabes.

Toutefois, ce projet soulève plusieurs interrogations quant à la légalité, la durée d’utilisation autorisée, l’importation et la fabrication locale de ces structures.

Selon l’ingénieur civil Alaa Kreydieh, ces maisons peuvent être fabriquées localement ou importées de Turquie, cette dernière option s’avèrant généralement plus coûteuse. Quant aux maisons produites au Liban, comprenant une chambre et des installations de base, leur coût varie entre 5.000 et 25.000 dollars selon leur taille.

Les petites unités, pensées pour des situations d’urgence, sont basiques, mais peu durables et dépourvues de réservoir d’eau, alors que les modèles plus grands, mieux équipés, offrent un plus grand confort.

Kreydieh souligne l’importance d’une fabrication de qualité pour garantir une résistance aux intempéries et assurer la sécurité des occupants. Il met en garde contre les risques d’abus de commerçants peu scrupuleux qui pourraient proposer des constructions de mauvaise qualité.

Sur le plan juridique, Me. Maya Geara estime que la saturation des centres d’accueil a contraint le gouvernement à envisager des solutions temporaires. Ainsi celle des maisons préfabriquées qui pourraient être installées sur des terrains publics à Beyrouth, dans la Békaa et au Nord, sous la supervision du ministère des Travaux publics.

Me. Geara a souligné que “la loi dite sur la propriété inachevée, qui autorise certains citoyens déplacés à installer des maisons préfabriquées sur des terrains appartenant à l'État ou aux municipalités, c'est-à-dire sur des biens non cadastrés destinés à l'usage public, est juridiquement inadmissible. Une telle mesure ne devrait en aucun cas être légalisée, au risque de transformer ces terrains, après cinq ans, en propriétés intégrales des occupants. Cela va à l’encontre des principes d'égalité et de justice dans la répartition des biens fonciers, introduisant une discrimination inacceptable entre les citoyens. De surcroît, une telle pratique risque d'encourager un déplacement permanent des habitants du Sud, comme cela s’est produit par le passé dans certaines régions libanaises, notamment à Jbeil, à Ouzaï et ailleurs.”  

Selon Geara, “des solutions plus rapides et moins coûteuses pourraient être adoptées à titre provisoire en attendant la cessation des hostilités, le retour des déplacés dans leurs villages et le lancement des travaux de reconstruction”.

Parmi ces solutions, elle a notamment suggéré “l’utilisation des bâtiments vacants appartenant à l’État, des espaces publics, ainsi que le recours à des tentes semblables à celles qui ont été utilisées à Kahramanmaraş après le séisme de l’année dernière. Ces tentes, d’une superficie de 20 m² chacune, sont équipées de toutes les commodités nécessaires pour garantir une vie digne. Parallèlement, il serait pertinent de préparer des maisons préfabriquées de plus grande superficie à installer, dès l’arrêt des hostilités, à proximité des habitations détruites. Ces structures serviraient de logements temporaires en attendant la reconstruction ou la réhabilitation des habitations endommagées”.

Par ailleurs, les données fournies par le ministère des Finances révèlent l’existence de 1.285 propriétés appartenant à l’État libanais, 1.164 à la municipalité de Beyrouth, et 111 également rattachées à l’État libanais (dont 17 enregistrées au nom de ministères et 16 au nom de services ou directions). La Banque du Liban possède, quant à elle, 10 propriétés supplémentaires.

Elle souligne également que plusieurs propriétés publiques ou municipales, notamment à Beyrouth, telles que la gare de Mar Mikhaël, les bâtiments expropriés pour le projet d’autoroute Fouad Boutros, BIEL ou encore des infrastructures sportives pourraient servir temporairement à héberger les déplacés en attendant la reconstruction ou la réparation des logements endommagées.

Geara précise que la loi libanaise sur la construction (n° 646/2004) ne réglemente pas spécifiquement les maisons préfabriquées, qu’elles soient en bois ou en tout autre matériau que le béton. Leur installation ne nécessite qu’un permis municipal ou une autorisation du ministère de l’Intérieur, ce qui facilite leur mise en œuvre rapide.

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