Attendu dimanche à Riyad pour participer au sommet arabo-islamique qui devrait se tenir le 11 novembre, le Premier ministre sortant, Najib Mikati, prévoit de s’y rendre avec un bagage politique solide. Pour dorer son image, son défi majeur sera de se présenter devant la communauté arabe non seulement comme le chef de l’exécutif libanais, mais encore comme une référence nationale et, surtout, sunnite. L’objectif? Préparer la phase d’après-guerre et se positionner comme un potentiel “candidat” pour mener à bien la mission d’un éventuel nouveau gouvernement…
Ainsi, et en amont de cette visite en Arabie saoudite, M. Mikati a pris une initiative perçue par certains responsables politiques comme entachée de confessionnalisme. Après une rencontre, jeudi, au Grand Sérail avec le mufti de la République, cheikh Abdel Latif Deriane, le chef de l’exécutif a appelé à une réunion élargie vendredi avec les 27 députés sunnites du pays.
Si la plupart d’entre eux ont répondu à l’invitation par l’affirmative, trois se sont excusés pour diverses raisons. Alors que le député Imad el-Hout a prétexté un voyage à l’étranger, les parlementaires Halima Kaakour et Oussama Saad ont, eux, refusé de faire acte de présence à une réunion à caractère confessionnel. “Avec 24 députés réunis sous la houlette du Premier ministre sortant, on ne peut que soulever la réussite de l’objectif que s’est posé M. Mikati, qui se veut aujourd’hui, plus que jamais, rassembleur de la communauté sunnite au Liban”, suggère-t-on de source proche du dossier, sous couvert d’anonymat.
À cela, s’ajoute le support qu’il a reçu de la part d’une grande partie des factions politiques chrétiennes. Il convient de rappeler, à cet égard, que mercredi dernier, deux anciens présidents de la République, Amine Gemayel et Michel Sleiman, ainsi que l’ancien Premier ministre, Fouad Siniora, se sont rendus chez lui pour lui faire part d’un rapport commun sur la situation actuelle et, surtout, pour le féliciter pour ses démarches. Il a réussi, selon eux, à se montrer résistant face à l’ingérence iranienne (de par ses prises de position récentes) et à réaffirmer la souveraineté du Liban. Le 18 octobre dernier, M. Mikati avait demandé au ministre sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, de convoquer le chargé d’affaires iranien afin de lui transmettre les protestations libanaises. La polémique avait été suscitée après des propos tenus par le président du Parlement iranien, Mohammad Ghalibaf, dans un entretien accordé au Figaro. M. Ghalibaf avait, entre autres déclarations, indiqué que Téhéran serait prêt à négocier avec Paris un cessez-le-feu au Liban. La République islamique avait alors été accusée, notamment par M. Mikati, de s’ingérer dans les affaires intérieures du Liban et de tenter d’établir une tutelle sur le pays.
S’inscrivant dans un contexte politique particulièrement tendu et complexe, la rencontre “sunnito-sunnite” se tient loin des médias. Tandis qu'elle pourrait susciter de vives attentes, elle risque toutefois d’avoir des répercussions importantes sur l’équilibre politique au Liban. À la question de savoir si elle serait liée au sommet arabo-islamique dont il est question plus haut, les avis sont partagés. Certains observateurs considèrent que les deux dossiers n’ont aucun point commun, alors que d’autres supposent, au contraire, que cette convocation n’aurait pu avoir lieu d’être s’il n’avait pas été question du sommet arabo-islamique.
Pour M. Mikati, il s’agit de répondre à trois impératifs cruciaux, profitant de “l’absence” et du “boycott”, notamment régional, imposé contre son prédécesseur, Saad Hariri: devenir la référence ultime au sein de la communauté sunnite (même s’il ne dispose pas de bloc parlementaire); se faire porteur de la mission de l’après-guerre; s’imposer, aux côtés du président du Parlement, Nabih Berry, comme autorité nationale capable d’unifier les rangs.
En d'autres termes, la réunion qu'il convoque avec les députés sunnites a pour objectif de renforcer la cohésion au sein de la communauté, en particulier face à l'incertitude de la succession de Saad Hariri et à la division interne qui persiste depuis le retrait de ce dernier de la vie politique. M. Mikati entend probablement unir les différentes factions sunnites autour d'une plateforme commune, capable de contribuer à la gouvernance du pays tout en préservant les intérêts de la communauté. Cela semble essentiel pour lui, non seulement pour le pouvoir politique, mais aussi pour la représentation sunnite au sein des institutions libanaises.
Ensuite, M. Mikati pourrait mettre à profit cette rencontre pour consolider son rôle de médiateur et de leader politique, en particulier parce que son mandat intérimaire est perçu par certains, vu le climat actuel, comme une situation provisoire, voire fragile.
Il convient, dans ce sens, de préciser que le Premier ministre du gouvernement intérimaire s’est accordé un rôle crucial dans la gestion de la crise gouvernementale du pays, alors que le cabinet reste partiellement fonctionnel et que les tensions entre les partis politiques restent palpables. Bien qu'il ait jusqu'à présent évité de s'engager pleinement dans la lutte pour le leadership sunnite, sa position de Premier ministre sortant bénéficiant d'un large soutien populaire pourrait-elle lui conférer un rôle central dans la stabilisation du pays?
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